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Blog régional de l'association Survie (Aude, Gard, Hérault,Lozère,Pyrénées-orientales)

samedi 26 décembre 2009

Les réseaux de la mort : Une milice terroriste de Rwandais hutu blanchit son argent en Allemagne

Un rapport de l’ONU sur le FDLR-business
par François MISSER et Dominic JOHNSON, Die Tageszeitung, 25/11/2009. Traduit par Michèle Mialane et édité par Fausto Giudice, Tlaxcala
 
Un rapport d’enquête de l’ONU, non rendu public, sur les affaires de la milice hutu rwandaise FDLR met en cause des pays d’Europe, d’Afrique et d’Asie. La Tageszeitung (Berlin) en a eu communication en avant-première.


Des comptes en banque aux USA : des combattants de la FDLR à Masisi


BERLIN/BRUXELLES taz - Le Conseil de sécurité de l’ONU à New York  a mis à son ordre du jour de mercredi dernier un rapport d’enquête confidentiel explosif, qui devrait faire de la peine à beaucoup de ses membres. Le groupe d’experts onusiens chargé de la surveillance des sanctions contre les groupes armés en République démocratique du Congo dévoile dans un rapport dont la taz a eu communication en avant-première les réseaux de soutien à la guerre que mènent les milices hutu rwandaises FLDR (Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda) dans l’Est du Congo. Une partie des chefs de la FLDR se recrute parmi les coupables du génocide rwandais. Leur Président Ignace Murwanashyaka et leur vice-président Straton Musoni sont depuis peu emprisonnés en Allemagne.


Ignace Murwanashyaka


Selon le rapport, les sanctions et l’embargo imposés par l’ONU ont été contournés à  partir de l’Allemagne, entre autres. Murwanashyka aurait participé à « la coordination de transferts d’armes et munitions destinées à des unités de la FDLR » et aurait contribué « à administrer de grosses sommes d’argent  issues de la vente de ressources naturelles en provenance des zones contrôlées par le FDLR. »
Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité en prennent chacun pour leur grade : la France, qui héberge elle aussi des chefs du FLDR ; la Grande-Bretagne, où des firmes impliquées ont leur siège social ; les USA, qui abritent des comptes en banque ; la Russie et la Chine, qui ont acheté des produits miniers en provenance de l’Est du Congo. En outre la Chine, l’Ukraine, la Belgique , l’Espagne et le Soudan livrent des armes au Congo.
Le Conseil de sécurité de l’ONU risque de ne pas rendre public le rapport dans son intégralité. La Chine aurait demandé qu’il soit d’abord traduit en cinq langues, ce qui ressemble à une manœuvre dilatoire. Mais il semble très improbable que le Conseil fasse simplement l’impasse dessus.

La milice  hutu et ses complices
Les réseaux de la mort

Officiellement les milices FDLR sont soumises à des sanctions de l’ONU, mais elles reçoivent des soutiens de toutes parts - de Tanzanie et même de l’Église catholique.

Sous les ordres d'un milicien des FDLR, des civils du Congo oriental détruisent un pont. Photo rtr

La piste la plus étrange mène aux Baléares. Le gouvernement des deux paradis de vacances insulaires méditerranéens finance deux organisations caritatives catholiques, Fundació S‘Olivar et Inshuti. En quoi cela peut-il intéresser le groupe d’experts onusiens chargé de la surveillance de l’embargo contre les groupes armés de la République démocratique du Congo ? Son nouveau rapport, aujourd’hui à l’ordre du jour du le Conseil de sécurité de l’ONU et que l’avant-première du taz vous offre  en exclusivité, vous fait pénétrer dans le monde secret des réseaux mondiaux qui permettent à la milice hutu FDLR (Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda), dont les chefs se recrutent en partie parmi les coupables du génocide rwandais, de poursuivre son interminable guerre.
Le Président d’Inshuti, Joan Casoliva, aurait selon le rapport promis 200 000 dollars aux FDLR. Les FDLR aurait reçu des deux organisations abondées par l’État espagnol « un soutien financier, logistique et politique régulier ». Des détails : la Fundació S’Olivar financerait  la fondation Brothers of Charity du prêtre belge Constant Goetschalck, basée il y a peu encore à Kigoma en Tanzanie et plaque tournante du trafic d’armes. Cette fondation aurait transféré de l’argent à un certain Ahadi Institute qui l’aurait fait parvenir aux FDLR. Un missionnaire italien au Congo oriental, Pier Giorgio Lanaro, a confirmé avoir transmis à la  milice  l’argent collecté en Europe.
Ce ne sont pas seulement les détails sur la vie interne de l’Église catholique qui font de ce nouveau rapport d’experts onusiens une lecture d’une brûlante actualité. Les experts de l’ONU apportent de nouvelles précisions sur le rôle peu reluisant de l’Allemagne, où les chefs de la FDLR vivaient encore récemment en toute impunité (voir texte ci-dessus). Il analyse les liaisons par téléphone satellitaire des chefs de campagne  du FDLR  du Congo vers 25 pays dans le monde, dont l’Allemagne, la France, la Belgique, la Norvège et les Pays-Bas. En France, où vivent le secrétaire exécutif des FDLR, Callixte Mbarushimana, ainsi que les commissaires à la politique intérieure et étrangère, Emmanuel Ruzindana et Ngirinshuti Ntambara , comme en Grande-Bretagne et aux USA, les autorités se sont refusées à communiquer le nom des personnes en communication. Mais en Belgique on compte parmi les appelants d’ex-chefs militaires rwandais de l’époque du génocide, qui maintenant soutiennent les FDLR. Il existe également des contacts téléphoniques entre les FDLR et le FDU-Inkingi, le parti rwandais en exil dont la Présidente, Victoire Ingabire, qui vit actuellement aux Pays-Bas, veut être candidate aux prochaines présidentielles du Rwanda et fait sa campagne en Europe sous l’étiquette « d’opposition modérée ».


Callixte Mbarushimana (Photo Interpol) 


Victoire Ingabire Umuhoza


Les réseaux financiers européens permettent aux FDLR de s’armer. La milice ne se contente pas de faire main basse sur les armes actuellement en circulation au Congo, elle importe de l’armement venu de Tanzanie via le lac Tanganyika. Bande Ndangundi, un vieil ami  de l’ex-Président du Congo, Laurent-Désiré Kabila, coordonne à partir de Dar Es Salam  en Tanzanie des fournitures d’armes aux FDLR via le Burundi. Il aurait selon les experts de l’ONU des liens étroits avec le gouvernement hutu du Burundi et des officiels de haut rang du gouvernement, de la police et de l’armée tanzaniens. Cette année il aurait eu de fréquents contacts téléphoniques avec un armateur portugais et une entreprise ougandaise de trafic aérien.
Ce business devrait permettre à tout un groupe de responsables tanzaniens de maintenir leur « influence (dans les intérêts) politico-économique » au Sud-Kivu. Une lourde accusation portée par l’ONU. Du carburant passe en contrebande de la Tanzanie vers le Congo, des produits miniers font le chemin inverse. Le Burundi, gouverné depuis 2006 par un ex-mouvement de la rébellion hutu, serait « une base arrière du recrutement pour les FDLR et les réseaux de sympathisants ». Les FDLR entretiendraient des relations étroites avec Adolphe Nshimirimana, le patron  des services secrets burundais, et avec la direction de la police burundaise. Récemment la police burundaise aurait envoyé une délégation en Malaisie pour y acheter 40 000 fusils d’assaut, deux fois plus que ce petit pays ne compte de policiers.
Ce sont les exportations de produits miniers (essentiellement de l’or et du minerai d’étain) qui fournissent aux FDLR les fonds nécessaires. Les marchands d’or  congolais qui collaborent avec les FDLR y travaillent avec des partenaires en Ouganda, au Burundi et à Dubaï. On trouve parmi les acheteurs la Malaysia Smelting Corporation et la  Thailand Smelting and Refining Corporation. Cette dernière est propriétaire de la  Londoner Amalgamated Metals Corporation, son principal fournisseur est selon l’ONU l’African Ventures Ltd, enregistrée aux îles Samoa et installée à Hong-Kong, où son  représentant sur place est l’homme d’affaires suisse Chris Huber. Ce dernier achèterait également des produits miniers fournis par d’anciens rebelles tutsi, qui depuis leur incorporation dans l’armée congolaise contrôlent les districts miniers.
Les armes destinées aux FDLR proviennent aussi de l’armée congolaise elle-même ; ses chefs en charge de la province du Sud-Kivu entretiennent d’étroites relations avec les FDLR et tolèrent, voire mettent en œuvre des transferts d’armes, tout en combattant officiellement la milice. Le gouvernement du Congo, lui, importe des armes d’Europe et d’Asie. Selon l’ONU, le cargo nord-coréen « Bi Ro Bong » chargé de 3 435 tonnes d’armes destinées à l’armée congolaise a accosté le 21 janvier dernier dans le port de Boma, sur l’Atlantique. En  mai c’était au tour du cargo chinois « An Xin Jiang » de déposer dans le port voisin de Matadi d’autres armements. Ni le Ministère de la Défense de Corée du Nord, ni celui de Chine, ni celui du  Congo n’ont souhaité répondre aux questions des experts de l’ONU à ce sujet.
À Kisangani, dans l’Est du Congo, ont atterri entre septembre 2008 et février 2009 18 avions en  provenance de la capitale soudanaise, Khartoum, transportant des frets destinés à l’armée. Des véhicules blindés en provenance de Chine, de Belgique et d’Espagne sont arrivés au Congo ces derniers mois, ainsi que des hélicoptères de combat  ukrainiens, maintenant stationnés à Goma, dans l’Est du Congo et dont la maintenance est assurée par des Ukrainiens et des Biélorusses.
FDLR : les FDLR (Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda) sont une milice opérant en  République démocratique du Congo et composée de combattants hutu rwandais issus des organisations qui pont perpétré en 1994 le génocide rwandais. Leur président Ignace Murwanashyaka a pendant des années dirigé le groupe à partir de l’Allemagne où il a été arrêté le 17 novembre dernier.
Groupe d’experts onusiens : Un embargo sur les armes décrété par l’ONU pèse sur les groupes armés congolais, incluant des interdictions de se déplacer  pu d’effectuer des transactions financières. Les livraisons d’armes au gouvernement congolais doivent être déclarées. Des équipes d’experts informent des violations de l’embargo le comité onusien compétent en matière de sanctions. Ces informations servent de base à l’ONU pour établir des mesures de rétorsion. 




vendredi 18 décembre 2009

Ô Racines, un film sur le problème de l'eau dans la Vallée du Drâa au Maroc

Par Cécile Couraud, 13/12/2009

Chers Souscripteurs,


Il y a très longtemps, pour certains, vous avez souscrit au DVD du film documentaire alors intitulé Effet Papillon sur le problème de l'eau chez les nomades dans la Vallée du Drâa au Maroc.
Et depuis, pour la plupart, vous n'avez plus eu de nouvelles.
En voici donc...
Tout d'abord, je tiens à tous vous remercier pour votre soutien,
sans lequel tout cela n'aurait pu se faire;
et à vous faire part de l'adresse du site Internet du film,
sur lequel vous pourrez visionner la bande annonce du film, rebaptisé "Ô Racines!" :
Comme ce site est tout récent et peut donc encore comprendre quelques "bugs",
voici également la bande annonce :

En bref :
Le projet suit donc son cours : les repérages ont eu lieu en mai 2009 et le tournage vient de s'achever le 23 novembre 2009. Comme c'était à prévoir, nous avons pris du retard et le film ne sortira ni en décembre (grossière erreur qui a infiltré l'appel à souscription) ni en février 2010... mais fin MARS 2010.
Si, toutefois, vous ne receviez votre DVD qu'en avril 2010, je vous prie, d'avance, de
m'en excuser. Il est très difficile de tenir les délais d'un projet à si faible budget.
Car, si j‘ai effectivement obtenu le soutien de nombreux partenaires - ce qui a permis le financement des repérages et du tournage -, le film n‘est cependant pas terminé et les financements font cruellement défaut pour la post-production (traductions, montage, composition de la bande son, mixage, étalonnage, impression DVD ...)
Pour ceux qui ont demandé des reçus pour leurs souscrptions,
vous les recevrez vendredi 18 décembre par e-mail.
Pour ceux qui ont fait un don - ou souhaiteraient le faire! -,
sachez qu'il me sera possible de délivrer un reçu fiscal (déduction des impôts)
à partir de février 2010, date de naissance de notre future association.
Enfin, je profite de ce message pour relancer l'appel à souscription;
merci de faire circuler l'information au maximum...
Encore merci pour votre soutien !
Cécile Couraud
Réalisatrice indépendante

Extrait du courriel d’avril 2009
Le film – Extrait du synopsis :
« […] Dans ce film, la caméra racontera l’histoire d’une tribu de nomades sahraouis en quête d’eau, un liquide retenu par les puissantes dents du barrage El Mansour Eddahbi près de Ouarzazate, la porte du Grand Sud marocain. […]
Ce récit n’est pas seulement une histoire d’eau ; dans ce conte, des humains cherchent à préserver leurs racines, leur identité. L’eau et les racines. Tandis que la France fait face au « déracinement » de certaines populations -des « expatriés marocains » notamment- il semble aujourd’hui essentiel de penser cette question en amont et de remonter à la source : pour grandir, les racines ont besoin d’eau. […] »

La souscription – Prix de soutien : 20 €
 Une souscription vous permettra de réserver votre DVD que vous recevrez en mars 2010 :
  • Souscription à 20€ l'unité
  • Tout complément financier sera le bienvenu !
Pour souscrire à ce DVD, merci de remplir ce bulletin (ou de le copier sur papier libre) :
Nom / Prénom :
Adresse :
Courriel:

o Je souscris à...(nombre de  DVD "O Racines" en remplissant ce bulletin (ou en le copiant sur papier libre)et j'y joins un chèque de ………… € à l'ordre de Cécile Couraud
o Je souhaite recevoir un reçu du montant de ma souscription : (à cocher éventuellement)
Date et signature :
A renvoyer à Cécile COURAUD – 24 rue de la République - 89150 SAINT-VALERIEN

lundi 14 décembre 2009

Survie, 25 ans

Édito, par Odile Tobner, Billets d'Afrique et d'ailleurs, N°186 ,  Décembre 2009
Le 24 juin 1981, sur l’initiative du Parti radical italien, on diffusait dans les plus grandes capitales de l’Occident un document contre l’extermination par la faim, signé par cent treize prix Nobel. Parmi ceux qui répondirent à cet appel, publié dans Le Monde, se trouvait un homme résolu, François-Xavier Verschave. L’association Survie-France fut créée en 1984 pour réaliser les objectifs de ce manifeste.
Le texte pointait clairement le « désordre politique et économique qui règne aujourd’hui ». Il posait l’axiome qui nous sert de guide : « Il faut que tous et chacun donnent valeur de loi au devoir de sauver les vivants, de ne pas tuer et de ne pas exterminer, que ce soit par inertie, par omission ou par indifférence ». Parmi les objectifs concrets, si celui d’augmenter et d’institutionnaliser l’aide a montré ses limites, il en est un qui reste essentiel: "Si les gens savent, s’ils sont informés, nous ne doutons pas que l’avenir puisse être différent de ce qu’il menace d’être et semble fixé pour tous et dans le monde entier."
Un quart de siècle après, la situation est d’une urgence grandissante. La prévision selon laquelle il fallait s’attendre à ce que « notre époque » soit « celle de la catastrophe », s’est révélée cruellement exacte. Le recours proposé s’impose toujours avec la même acuité : "Si ceux qui sont sans pouvoir et sans défense s’organisent, utilisant leurs rares mais durables armes – celle de la démocratie politique et des grandes actions non-violentes “gandhiennes”."
Défendre la démocratie politique là où elle est menacée – et nous savons qu’elle n’est jamais acquise mais constamment soumise aux efforts d’intérêts extrêmement puissants qui n’ont de cesse de la vider, par tous les moyens, de son contenu effectif –, l’instaurer là où elle est absente, partout où l’intérêt des peuples est impudemment bafoué par ceux qui les gouvernent et les bâillonnent, profanant le mot de « démocratie » dont ils osent s’affubler, tel est le combat que nous avons engagé. Pour cela il suffit aux simples citoyens que nous sommes de nous lever et d’oser dire non à la passivité et la soumission à ce qu’on préfère appeler fatalité pour ne pas avoir à nommer les causes objectives des tragédies qui surviennent. Grâce en effet au courage et à la volonté obstinée d’un homme modeste, le manifeste des prix Nobel n’est pas resté, comme tant d’autres appels, une voix qui crie dans le désert, il s’est concrétisé dans l’existence d’une association, modeste elle aussi, à la mesure de nos moyens. François-Xavier Verschave n’a pas attendu que je ne sais quel bienheureux hasard lui donne les moyens de son action, il ne s’est pas découragé devant l’énormité de la tâche1, il a seulement commencé à marcher avec une poignée d’amis aspirant au même but, qui n’avaient que leur seul dévouement. Certains, comme lui-même, sont tombés sur le chemin, quelquesuns, comme Sharon Courtoux, l’associée des toutes premières heures, n’ont jamais renoncé à oeuvrer quotidiennement et bénévolement pour faire avancer les objectifs de l’association. Survie a conquis, au fil des années, une base solide de militants à l’enthousiasme indestructible et à l’engagement généreux et lucide, qui ne ménagent pas leur peine avec une joyeuse abnégation.
A tous, en ce vingt-cinquième anniversaire, il faut dire merci d’avoir, par leur exemple, montré qu’il n’est pas nécessaire d’être puissant matériellement pour « changer la vie » et peser sur le devenir du monde. Il suffit d’être fidèle à ses exigences et de leur accorder plus d’importance qu’aux soucis, même légitimes, qui ne doivent pas nous prendre tout entiers. Il faut laisser la part de l’action pour le rêve.


N°186 - Décembre 2009
Bulletin mensuel d’information alternative sur les avatars de la politique de la France en Afrique depuis 1994, Billets d’Afrique et d’ailleurs constitue l’un des piliers de notre volonté de mieux informer.
Billets est disponible sur abonnement à Survie au prix de 25 € par an (30 € pour l’étranger) pour 11 numéros de 12 pages.

Pour un retour à l'ordre constitutionnel au Niger L'UE doit appliquer les accords de Cotonou


Communiqué du collectif Areva ne fera pas la loi au Niger, de la Coordination pour la Sauvegarde de la Démocratie au Niger (CSD) et de Survie, 8/12/2009
Ce 8 décembre, un émissaire du pouvoir nigérien se déplace à Bruxelles pour débuter les consultations avec l'Union Européenne (UE), conformément aux accords de Cotonou [1]. Nos organisations demandent à l'UE de faire en sorte que ces consultations aboutissent, dans les plus brefs délais, à un retour à l'ordre constitutionnel basé sur la constitution de 1999.

Par le référendum sur la révision de la constitution en août dernier, le président du Niger, Mamadou Tandja, a  organisé un coup d'Etat constitutionnel pour s’octroyer les pleins pouvoirs et profiter encore de la rente de l'uranium. Il peut ainsi rester à la présidence 3 ans de plus et se représenter à volonté. La société civile, les syndicats et la majorité des partis politiques nigériens refusent cet état de fait et en appellent à une élection présidentielle, au terme du mandat du président le 22 décembre prochain, comme prévu avant la révision constitutionnelle.
En octobre, malgré les menaces de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l'UE, le Niger a maintenu des élections législatives illégitimes. En conséquence, la CEDEAO l’a suspendu au titre d'"une violation grave de son protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance". L'UE a aussi durci le ton, appliquant ce que prévoient les accords de Cotonou en cas de manquements en matière  de droits de l'Homme et de gouvernance : en appeler à des consultations et prendre des mesures conservatoires, notamment la suspension de son aide budgétaire au Niger.
Ces consultations UE-Niger pouvant aller jusqu'à 120 jours, leur démarrage a été repoussé au maximum par l'Etat nigérien. Cependant l'action conjointe CEDEAO - UE peut inciter le président nigérien à un dialogue avec l'opposition citoyenne et politique, laquelle exige un retour à l'ordre constitutionnel.
Nous notons avec satisfaction que l'UE ait commencé à appliquer les articles 9 et 96 des Accords révisés de Cotonou qui prévoient la non-exécution de ceux-ci en cas de violation des principes démocratiques et lui demandons de tout faire pour peser sur le cours de la démocratie au Niger, en appliquant ces mesures jusqu'à leur terme, s'il le faut. Nous demandons à l'UE de refuser tout compromis provoqué par des considérations économiques et par une position française complaisante.
Ces consultations sont une occasion et une chance pour l'Union Européenne de concrétiser son attachement à la démocratie et aux droits de l'Homme. Le retour à l'ordre démocratique au Niger serait un signe porteur d'espoir et de changement pour tous les pays africains, notamment ceux qui organisent des élections en 2010 : Togo, Tchad, Centrafrique, Burkina Faso, Madagascar.

Contact presse :     - Stéphanie Dubois de Prisque - Chargée de communication Survie

- Moctar Chekaraou, Membre de la CSD - 06 50 40 59 56

[1] L'accord de Cotonou signé en 2000 entre l'Union Européenne et les États d'Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP)  a pour objectif de rétablir les équilibres macro-économiques, de développer le secteur privé, d'améliorer les services sociaux, de favoriser l'intégration régionale, de promouvoir l'égalité des chances hommes-femmes, de protéger l'environnement et d'abolir de manière progressive et réciproque les entraves aux échanges commerciaux

 

dimanche 13 décembre 2009

Uranium, l'héritage empoisonné


Un documentaire de 52' de Dominique HENNEQUIN.
Une production Nomades TV et Public Sénat avec le soutien du CNC et de la Région Lorraine.
Rediffusion le :
dimanche 13/12/2009 à 18h00
lundi 14/12/2009 à 10h30
dimanche 20/12/2009 à 09h00
Durée : 52 minutes

Uranium, l'héritage empoisonné - Extrait 1
A Mounana au Gabon, AREVA a cessé les activités de sa filiale, la COMUF, en 1999. Sur place, une pollution radioactive des sols et des maisons construites avec des stériles miniers provoque de nombreuses maladies.
A Arlit, au nord du Niger, AREVA exploite deux mines depuis quarante ans. On relève aux alentours les mêmes effets : des mineurs locaux et des expatriés souffrent principalement de cancers des poumons.
Pendant 18 mois, Dominique HENNEQUIN et Pascal LORENT ont enquêté sur les conséquences de
l'exploitation de l'uranium au Gabon et au Niger et rapporté des images exclusives. A Mounana, Dominique HENNEQUIN et Pascal LORENT ont filmé un vaste site contaminé à la radioactivité et rencontré des victimes. Dans les mines d'Arlit, au Niger, l'équipe entre dans le futur site minier d'Imouraren et donne la parole à la rébellion Touareg.
Une enquête étayée par de nombreux témoignages et les analyses d'échantillons réalisées par la CRIIRAD (Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité).


Le Niger, l’uranium et les communicants excommunicateurs

par Samuel Gontier, Telerama, 11 décembre 2009   

Jacques-Emmanuel Saulnier, brillant porte-parole d’Areva, leader mondial du nucléaire, fait savoir par courrier (1) que « [s]es équipes ont pour instruction de ne plus donner suite à vos sollicitations ». Il s'adresse au réalisateur Dominique Hennequin, à qui il reproche ses propos tenus dans Télérama pour parler de son film Uranium, l'héritage empoisonné, diffusé ce soir sur Public Sénat.  Avant de revenir sur la polémique, attardons-nous d'abord sur deux enquêtes effectuées à Arlit, au Niger, où Areva exploite des mines.

Jacques-Emmanuel Saulnier dénie à la visite de Dominique Hennequin le caractère d’une « opération de com (…) : Nous aurions choisi une autre audience que celle offerte par Public-Sénat, soyez-en assuré ». On appréciera le compliment adressé à une chaîne pas franchement subversive, qui, dans la mesure de ses faibles moyens, mène cependant une politique ambitieuse en matière de documentaire. Et on n’osera contester cette information fournie par Areva : « Plus de 50 journalistes se sont rendus à Arlit l'an passé. » Parmi eux, Patrick Forestier, qui a réalisé pour Spécial investigation une enquête, Trafic d'uranium, diffusée début novembre sur Canal+. Un petit comparatif avec le travail de Dominique Hennequin, fondé sur quelques extraits, se révèle particulièrement édifiant.

Pour les deux reporters, la visite des mines d’Arlit ne constitue que la seconde partie de leur document. Dans sa première partie, très intéressante, Patrick Forestier enquête sur l’extraction périlleuse et la destination douteuse de l’uranium des mines clandestines situées en République démocratique du Congo (RDC). De son côté, Dominique Hennequin se rend au Gabon pour mesurer les désastreuses conséquences sanitaires et environnementales de l’exploitation par la Comuf (filiale d’Areva) d’un site fermé en 1999.

Nous voici au Niger.
Patrick Forestier y est allé à l’occasion d’une cérémonie bien fréquentée.

Patrick Forestier descend ensuite dans une mine de la Cominak, qui, « fait exceptionnel, accepte de nous ouvrir les portes de ses boyaux souterrains ». « Exceptionnel », c’est un peu exagéré. Si j’en crois Jacques-Emmanuel Saulnier, cette mine est un vrai moulin à vent. Le reporter y recueille des témoignages sur les conditions de sécurité.

Visitant lui aussi une mine souterraine de la Cominak, Dominique Hennequin est confronté exactement au même discours. Mais il se permet d’émettre des doutes

Au fait, où va le radon dont un mineur explique à Patrick Forestier qu’il doit être ventilé pour ne pas les intoxiquer ? L’enquête de Canal+ donne une réponse plutôt succincte.

Suivra le discours calibré des salariés d’Areva évoqué plus haut. Dominique Hennequin, lui, s’intéresse de plus près à cette pollution atmosphérique. Exprimant de nouveau son scepticisme.

Chaque gisement d’uranium possède son usine de traitement du minerai qui broie la roche puis en extrait l’uranium naturel pour produire l'uranate, ou « yellow cake », exporté vers les usines d'enrichissement françaises. En visitant l'installation de la Cominak, Patrick Forestier s’arrête d’abord devant le tas de minerai prêt à être traité.

Patrick Forestier ne le sait peut-être pas, mais il assiste à un rituel très prisé des dirigeants d’Areva, une ordalie qui établit l’innocuité de leur industrie : prendre dans la main un objet peu radioactif et, si l’exposition n’est pas prolongée, peu dangereux (sauf par inhalation ou ingestion, d’où la phrase « Je vais me laver les mains. »). Dominique Hennequin, lui aussi, visite l’usine de traitement de l’uranium. Mais il ne s’attarde pas sur le beau minerai doux au toucher, il s’interroge sur le devenir des boues qui sont produites lors de fabrication de l’uranate. Des boues stockées à l’air libre.


Au final, le contraste entre les deux enquêtes est saisissant. N’accablons pas Patrick Forestier : il ne s’intéressait pas à la pollution engendrée par l’extraction d’uranium mais aux risques géopolitiques (la prolifération) qu’elle implique. De ce point de vue, son enquête est réussie. N’empêche que le message des communicants est passé. Les abominables mines clandestines de RDC semblent avoir été filmées pour mieux faire admirer le soin avec lequel Areva extrait de l’uranium nickel au Niger – et pour annoncer en conclusion que l’entreprise va implanter son formidable savoir-faire… en RDC (!).

Dominique Hennequin, de son côté, a creusé son sillon avec rigueur, multipliant les sources d’information : associations, scientifiques, médecins, victimes, juristes, opposants politiques… et Areva, bien sûr. Le tout sans jamais remettre en cause la nécessité d’exploiter l’uranium du Niger pour alimenter les centrales d’EDF. Cette démarche simplement rigoureuse n’a pourtant pas l’heur de plaire aux apôtres de la communication.

Dans sa lettre, le porte-parole d'Areva met particulièrement en cause une impression confiée à Télérama par Dominique Hennequin. « Notre visite était tellement encadrée, elle m’a rappelé la Corée du Nord », dit le réalisateur (qui a effectué un reportage au pays de Kim Il-sung). « Il est outrancier de comparer l’accueil d’Areva à celui de la Corée du Nord, s’indigne Jacques-Emmanuel Saulnier. Que vous vous livriez à un amalgame géopolitique de ce type pour qualifier la manière dont notre Groupe vous a ouvert ses portes est insultant pour celles et ceux de mes collègues qui, au siège ou au Niger, se sont mobilisés à cet effet. »

Le porte-parole d’Areva voudrait faire croire
à une attaque contre des personnes ? Mais Dominique Hennequin parlait d’une ambiance qu’il a ressentie, pas des salariés d’Areva. Le Niger n’est pas la Corée, les communicants de la multinationale ne sont pas les robots d’un régime totalitaire. Ils ont loyalement accepté de répondre aux questions les plus dérangeantes posées par un reporter bien documenté dont la pugnacité les a parfois contraints à exprimer quelques ambiguïtés révélatrices. Quant aux mesures sécuritaires auquel est soumis le Nord Niger, il va de soi qu’elles ont été « décrétées » par le gouvernement, pas par Areva… même si la spoliation de leurs terres pour les besoins de l’exploitation minière n’est pas étrangère aux motivations des rebelles touaregs.

Dominique Hennequin a donc enfreint le catéchisme d’Areva. Celui-ci est d’une simplicité biblique : « Nous ouvrons grand nos portes et nos fenêtres à quiconque nous sollicite », prêche régulièrement Jacques-Emmanuel Saulnier, moine-soldat du combat pour la « transparence », dans de grands élans œcuméniques. Et c'est vrai (2). Ensuite, si l’enquêteur prend l’initiative de vérifier les dires des communicants, de chercher d’autres sources, d’interroger des personnes « dont on connaît les engagements » – disent-ils pernicieusement… comme si Areva n’avait pas d’engagements ! –, bref, s’il fait son travail de journaliste… Sacrilège ! Le mécréant a abusé de la confiance de ses hôtes, usant de « pratiques déloyales » pour mener une enquête « à charge ».

Si cela peut le consoler, Dominique Hennequin n’est pas le premier (et sûrement pas le dernier) à subir ce genre d’excommunication de la part d’Areva (ou de la part d’autres entreprises familières du même bréviaire). Au diable les sermons ! Leur seule existence confirme la pertinence du travail réalisé. Après tout, le triste sort réservé aux salariés et riverains des mines africaines ne méritait-il pas une enquête « à charge » ? (1) La lettre d'Areva (ou sur le site d’Areva).
(2) Il m'a été donné d'apprécier la civilité et la disponibilité dont il sait faire preuve.




vendredi 11 décembre 2009

Guinée: après le Clown Sanglant, le "Tigre"

Regardez cette vidéo d'une conférence de presse du Capitaine Moussa Dadis Camara datant d'août dernier et vous comprendrez pourquoi le Maroc de Mohamed 6 l'a accueilli pour le soigner, après qu'il se fut fait flinguer par son aide de camp à la dégaine rapide:



Mais passons aux choses sérieuses. Voici le nouvel homme fort de Guinée, le Général Konate. Avec lui, finie la rigolade !

Le destin de la Guinée entre les griffes du « Tigre »
Le général Sékouba Konaté, nouvel homme fort du pays
Par Franck Salin, jeudi 10 décembre 2009, afrik.com


L’homme n’aime pas les grands discours. A l’inverse du capitaine Moussa Dadis Camara, le général de brigade Sékouba Konaté est avare de paroles et méfiant vis-à-vis des médias. Ce colosse de 43 ans, qui assure l’intérim du chef de la junte guinéenne grièvement blessé, a gagné son surnom de « Tigre » sur le front. Il est l’officier le plus respecté de la troupe. Il a lors de son premier discours télédiffusé annoncé sa volonté de changement et de remettre l’armée au pas. Peut-il faire basculer le destin de la Guinée ?
jeudi 10 décembre 2009 / par Franck Salin

« Soyons une armée républicaine. Notre pays a trop souffert, la population civile a trop souffert des agissements de certains de nos camarades », lançait le général Sékouba Konaté mercredi au militaires guinéens. Ces propos, diffusés par la télévision nationale, rejoignent le sentiment général du peuple guinéen qui espère, en effet, que les militaires jouent leur rôle – protéger les citoyens –, plutôt que d’être une menace permanente. Le 28 septembre, plus de 150 personnes, rassemblées pour protester contre les velléités du président auto-proclamé Moussa Dadis Camara de se présenter aux élections, périssaient à Conakry sous les balles et les coups des bérets rouges et de leurs acolytes. Plusieurs agressions et actes de vandalisme commis par des militaires ont été signalés ces six derniers mois. Une situation qui plonge la population dans la peur et la pousse à nourrir une méfiance certaine vis-à-vis d’une armée qui, au fil des cinquante dernières années, a accumulé un lourd passif.

Le général Konaté a appelé les soldats à « la cohésion » et à la « discipline », laquelle, concède-t-il, « était complètement bafouée ». Un bilan et des prescriptions que son prédécesseur avait déjà formulés et notifiés à la troupe, mais sans succès. « C’est une armée où un soldat ne connaît pas son unité organique, c’est une armée où un caporal peut dire merde à son colonel ! », aimait à répéter le capitaine Dadis Camara pour justifier son impuissance et la nécessité qu’il y avait à réformer la Grande muette. Le général Konaté parviendra-t-il à lancer cette réforme que n’a pu initier son prédécesseur ? Il en affiche en tout cas la volonté. « Nous avons quatre priorités, a-t-il expliqué hier à ses hommes : la reconstruction des camps (militaires), la formation des hommes, l’équipement des hommes et le renforcement de la discipline, parce qu’un militaire sans formation, c’est un criminel ». Parmi ses priorités également, la capture de celui que la junte considère comme l’ennemi public numéro un, le lieutenant Aboubacar « Toumba » Diakité qui a blessé grièvement à la tête, jeudi dernier, Moussa Dadis Camara auprès duquel il occupait le poste d’aide de camp. « Nous ne devons plus laisser des gens indésirables agir en notre sein », a déclaré le général Konaté à ses soldats en armes, faisant allusion à Toumba et à ceux qu’il qualifie de « mauvaises graines ».


Moussa Dadis Camara et Sékouba Konaté

Un soldat de l’élite militaire guinéenne

Proche de Dadis Camara, qu’il a soutenu lors de sa prise de pouvoir le 23 décembre 2008, après la mort du général Lansana Conté, Sékouba Konaté était considéré comme l’homme fort de l’armée guinéenne et avait hérité du portefeuille de la Défense au sein du gouvernement mis en place par le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD, organe politique de la junte). Le président Dadis Camara lui-même ne tarissait pas d’éloge pour celui dont le bureau, au camp Alpha Yaya Diallo, se trouvait à l’étage au-dessus du sien. Nombreux à Conakry allaient même jusqu’à dire que le pouvoir réel était entre ses mains, tandis que Dadis se contentait d’assurer la communication du nouveau régime. Cependant, il est plus vraisemblable qu’il existât une partition négociée du pouvoir entre les deux hommes. Une partition d’autant plus appropriée au sein d’une armée où les clans et les tensions ethniques étaient patents. Les ethnies forestières (dont le groupe Guersé auquel appartient Dadis Camara) et Malinké (dont est issu Konaté, qui serait aussi proche des Soussou avec lesquels il a passé une partie de sa jeunesse à Conakry) composent la majorité du contingent militaire guinéen [1]. L’alliance des deux hommes pouvait garantir un certain équilibre et satisfaire le gros de la troupe.

Désormais au sommet de l’Etat, le général de brigade Sékouba Konaté, ancien commandant du Bataillon autonome des troupes aéroportées (BATA, unité d’élite de l’armée guinéenne, basée au camp Alpha Yaya Diallo), peut néanmoins compter sur son autorité naturelle et ses états de service pour se faire respecter et imposer ses vues. Ce militaire à la carrure imposante, peu causant, grand spécialiste du combat rapproché, a intégré l’armée en 1985, à l’âge de 19 ans. Il reçoit alors une formation de base, qu’il complète à l’Académie royale de Meknès au Maroc. Il poursuit sa formation en France. En 1996, il suit les cours du Brevet de chef de section Parachutiste à Pau et des cours d’entraînement du 1er degré à Mont-Louis. La même année, il est nommé commandant-adjoint du Détachement des parachutistes à la 2ème région militaire de Labé, au nord de la Guinée. Quelques années plus tard, en Chine, il reçoit des cours supérieurs de guerre. Mais c’est au front qu’il a gagné son surnom de « Tigre » et le respect de ses hommes, en menant entre 2000 et 2002 des actions le long des frontières sud et sud-est de la Guinée contre des bandes armées venues du Sierra Leone et du Liberia, et en participant à la Mission des Nations unies en Sierra Leone (UNAMSIL).

Konaté fera-t-il mieux que Dadis ?

La mise à l’écart forcée de Moussa Dadis Camara et d’un autre homme fort du régime, Mamadouba « Toto » Camara (1er vice-président du CNDD et ministre de la Sécurité), tous deux grièvement blessés à Koundara lors de l’altercation avec Toumba et les hommes du bataillon autonome de la sécurité présidentielle (BASP), pourrait bel et bien ouvrir une nouvelle ère. Nul ne peut dire, aujourd’hui, quand Dadis Camara reviendra en Guinée ni s’il reviendra. Accueilli favorablement par la majorité de la population et la communauté internationale l’année dernière, il s’est trouvé discrédité à leurs yeux suite au massacre du 28 septembre et à sa volonté affichée de se maintenir au pouvoir. Son hospitalisation au Maroc et la fuite de Tomba Diakité (désigné comme celui qui a coordonné le massacre à l’intérieur du stade du 28 septembre – l’identité du commanditaire reste sujet à débat), règlent a priori deux problèmes politiques majeurs. Soulagé de ces poids, le général Konaté apparaît à la communauté internationale comme une alternative acceptable. Les Américains ont d’ailleurs exprimé, hier, leur position. « Nous ignorons si (Camara) reprendra le pouvoir, mais dans l’intervalle nous tendons la main à Konaté (...). Nous pensons que des progrès (vers un gouvernement civil) peuvent être accomplis avec (Konaté) dans le cas où Camara ne reviendrait pas », a dit un diplomate américain à l’AFP, sous couvert d’anonymat. Et le sous-secrétaire d’Etat adjoint pour l’Afrique, Michael Fitzgerald, qui doit participer dimanche à une réunion du groupe international de contact sur la Guinée, a déclaré à l’agence Reuters que, même s’il était « trop tôt » pour le savoir, le général Konaté ne lui donnait pas l’impression, contrairement à son prédécesseur, de vouloir s’éterniser sur le fauteuil présidentiel. Par ailleurs, des rumeurs lui attribuant des ennuis de santé confortent, pour certains, l’idée qu’il ne cherchera pas à rester en poste ad vitam aeternam.

Le général Konaté confiera-t-il le pouvoir à la société civile et à ses leaders politiques ? La question reste entière. Et l’exemple laissé par le général Lansana Conté aux jeunes générations de militaires ne pousse pas à l’optimisme. Néanmoins, si transition démocratique il y a un jour, il est à peu près sûr qu’elle n’aura pas lieu dans l’immédiat, les priorités affichées du « Tigre » étant tout autres.

[1] Les Soussous et les Peuls sont minoritaires dans l’armée guinéenne qui compterait quelque 50 000 hommes.