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Blog régional de l'association Survie (Aude, Gard, Hérault,Lozère,Pyrénées-orientales)

jeudi 24 avril 2014

Le Franc CFA, outil du néocolonialisme français : Palabre Survie, Montpellier, 25 avril 2014



https://www.facebook.com/events/573822696049615/

1945 : Franc des colonies françaises d'Afrique
1958 : Franc de la communauté française d'Afrique
1960 : Franc de la communauté financière d'Afrique


Le Franc CFA
outil du néocolonialisme français
Palabre de Survie LR
avec Innocent Bakongod
& Ange Nsouadi, doctorant en économie

Vendredi 25 avril 2014 de 18 à 20 h
Espace Martin Luther King
27 Bd Louis-Blanc
Montpellier
Trams Corum

Intervenir en Afrique : le Sommet UE-Afrique et les plans militaires allemands

par German-Foreign-Policy.com, 2/4/2014. Traduit par Michèle Mialane, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala
Original: Afrikanische Interventionen: EU-Afrika-Gipfel und deutsche Militärpläne für Afrika
Traduction disponible : English   


Berlin et Bruxelles ont profité du sommet UE-Afrique (2 et 3 avril 2014) pour élargir leurs activités politico-militaires sur le continent africain. Outre des décisions relatives à l’intervention militaire de l’UE en République centrafricaine, des négociations visant à poursuivre l’extension des structures de sécurité sous contrôle européen étaient au programme.
Angie avec Meles Ier d'Ethiopie à Bruxelles. Photo: Bundesregierung/Kugler
Ces mesures sont censées aider les forces armées africaines à mettre en pratique les conceptions de « l’ordre » en vigueur à Berlin et Bruxelles : il n’est pas nécessaire d’envoyer ses propres troupes pour « assurer sa présence et une position d’observateur dans  une région en crise » et y défendre ainsi son influence, estiment les experts. Dans cette optique, l’Allemagne soutient l’Union africaine dans l’édification de ses structures militaires et participe à des « missions de formation » en Somalie et au Mali; d’autres actions pourraient être entreprises dans le golfe de Guinée, pour lutter contre la piraterie, selon un document de travail.
Des experts font remarquer que des interventions armées euro-allemandes sont prévues en Afrique malgré l’engagement des forces armées africaines. Les activités militaires de l’UE visent à garantir l’influence occidentale sur le continent, face à la Chine.
Intervention en République centrafricaine
Les activités militaires européennes sur le continent africain constituent l’un des points forts du sommet euro-africain. Dès le 2 avril, un mini-sommet en marge de la rencontre devait donner le signal de l’intervention européenne en Centrafrique. Récemment la crise de Crimée avait provoqué des retards notables, car elle avait poussé certains pays européens de l’Est à refuser d’envoyer leurs troupes en Afrique.
La France s’est déclarée prête à combler les lacunes ainsi causées. L’Allemagne mettra à disposition deux avions pour le transport des troupes et du matériel de guerre ainsi qu’un avion sanitaire ; en outre des militaires allemands (jusqu’à 10) seront envoyés au quartier général stratégique des troupes européennes à Larissa (Grèce ;  «  Operation Headquarters », OHQ) et au quartier général opérationnel de Bangui (« Force Headquarters », FHQ). L’unité européenne doit empêcher les parties en présence dans la guerre civile de continuer à se battre et être rapidement remplacée par des unités africaines. Tandis que Paris cherche à rester la « puissance chargée du maintien de l’ordre » dans ses ex-colonies, Berlin n’a pas d’intérêts stratégiques en Centrafrique. (1)
L'initiative "Eunable and eunhance"* ou : E2I
Au-delà ces questions de politique actuelle, le programme du sommet Afrique-UE prévoyait des négociations en vue de poursuivre l’extension des structures de sécurité africaines. Elles correspondaient à un concept qui n’a pour l’essentiel rien de neuf, débattu actuellement au sein de l’establishment berlinois sous le nom de «Ertüchtigungsinitiative» [Initiative de promotion et de renforcement] ou - un peu plus mode - «Enable and Enhance Initiative (E2I) ». Comme le confirme la dernière édition de la revue spécialisée « Internationale Politik (Politique internationale) », la Chancelière Merkel défend ce concept avec grande énergie depuis 2011 : « L’UE et l’OTAN ne pouvant résoudre à elles seules tous les problèmes de politique sécuritaire, il est nécessaire d’engager aussi la responsabilité de partenaires régionaux. » - c’est un extrait du discours prononcé par la Chancelière à l’automne 2012 lors du séminaire annuel du commandement de la Bundeswehr et publié par Internationale Politik.

La revue rappelle explicitement que l’implication d’États africains dans le « maintien de l’ordre » sous surveillance européenne n’entraîne pas une perte de contrôle : « Le savoir-faire apporté par les partenaires européens  (...) doit permettre à ces derniers d’être présents dans les régions en crise et d’y jouer un rôle d’observateur», ce qui permettrait d’obtenir « des informations sur les structures internes» et ainsi de garantir « les liens avec des partenaires commerciaux actuels ou potentiels. » (2)
Manœuvres dans le Golfe de Guinée
Une intervention actuellement envisagée dans le Golfe de Guinée doit éventuellement servir de test pour le concept « E2I », qui à l’initiative de l’Allemagne a été inclus dans la déclaration finale du sommet européen de décembre 2013. Dans cette zone il arrive que des pirates abordent des navires de commerce - et il paraît qu’il est urgent de mettre un terme à ces pratiques. Et pour cela avoir éventuellement recours à certains États africains, selon un document interne cité par la revue Internationale Politik : L’UE doit les « aider à mettre au point une stratégie régionale de lutte contre la piraterie et les abordages » et soutenir « la mise en place de capacités dans les domaines de la coordination, de la coopération et de l’interopérabilité ».

« Des manœuvres communes aux forces armées africaines et européennes » pourraient elles aussi être utiles, par exemple les manœuvres sous commandement US-américain « Obangame Express 2014 (OE-14)» se déroulant dans la région , auxquelles la marine de guerre allemande participe depuis le mois d’avril. Ensuite on pourrait mettre au point « sur le long terme un programme anti-piraterie européen dans le golfe de Guinée : dans le cadre de la politique militaire de l’UE (GSVP), en s’appuyant sur les forces armées régionales et sans que l'UE soit contrainte d’exposer au danger ses propres soldats. (3)  
Structures de sécurité de l’Union africaine
Dans la même optique, Berlin apporte depuis plusieurs années son soutien à la mise en place par l’Union africaine d’infrastructures de sécurité. Pour la seule période 2008-2014, le ministère des Affaires étrangères a fourni 159 millions d’euros pour « l’African Peace and Security Architecture ». Il s’agissait de favoriser la mise en place et l’extension de centres d’entraînement régionaux de l’armée et de la police, en particulier le « Kofi Annan International Peacekeeping Training Center  » (KAIPTC) à Accra (Ghana), qui a été inauguré le 24 janvier 2004 en présence de Gerhard Schröder, alors chancelier allemand ; à l’époque l’Allemagne avait déjà apporté une aide financière.

Schröder et le Président Kufuor inaugurent le KAIPTC
Berlin soutient la mise en place de la composante policière des « African Standby Forces (ASF, "Forces africaine en attente") » et organise la formation et l’entraînement de policiers africains dans le cadre du « Programme africain pour la police » de l’Agence allemande de coopération internationale GIZ (4). À la mi-février le Conseil franco-allemand de défense et sécurité a déclaré que le sommet Afrique-UE des 2 et 3  avril devait renforcer les « capacités » de l’Union africaine en matière de sécurité (5).
La répartition des "Forces africaines en attente" en train d'être mises en place

La semaine précédente, le ministre allemand des Affaires étrangères, en visite à Addis-Abeba, capitale de l’Éthiopie et siège de l’Union africaine, a justement déclaré que Berlin « accroîtrait à l’avenir son aide à la formation des forces de sécurité.»
Steinmeier a visité à Addis-Abeba un bâtiment en construction de l’Union africaine, financé par l’Allemagne à hauteur de 27 millions d’euros et construit avec l’aide du GIZ. Il doit être achevé fin 2014 et abriter la « Division pour la paix et la sécurité » de l’Union africaine ainsi que son « Conseil pour la paix et la sécurité » et un centre de veille et de réaction. (6)
Frank-Walter Steinmeier caresse "Molle", le célèbre lion empaillé du Palais national à Addis Abeba
Entraînement militaire en Somalie et au Mali
Pour impliquer les forces autochtones dans le maintien de « l’ordre » tel que le conçoivent l’Allemagne et l’Europe, la Bundeswehr participe depuis un certain temps déjà à des « interventions de formation » : des militaires allemands entraînent des soldats somaliens (d’abord en Ouganda, désormais à Mogadiscio) et maliens, le tout dans le cadre d’interventions de l’UE (EUTM Somalie et EUTM Mali). Et - ainsi que le fait remarquer la revue Internationale Politik  - ces deux « missions de formation » montrent que la tentative de pratiquer des activités militaires de « maintien de l’ordre » avec l’aide des forces africaines n’ira pas sans un engagement sanglant de la part de l’UE : les exercices d’entraînement sont fondamentalement « destinés parallèlement à une intervention vigoureuse de protection et de stabilisation. »(7) En janvier, Berlin a du reste annoncé que la Bundeswehr interviendrait plus souvent en Afrique. (8) Simplement, la lutte pour le pouvoir en Ukraine a provisoirement fait passer cette affaire au second plan.
 
EUTM (European Union Training Mission) Somalie
L'EUTM Mali a d'abord été dirigée par le général Lecointre (en haut) apuis par le général Guibert (en bas, recevant la ministre allemande de la Défense  Ursula von der Leyen en février)



Un instructeur allemand avec un stagiaire malien. Photo: dpa
Eh bien alors, d’une autre façon
L’extension des activités militaires euro-allemandes en Afrique se place à un moment où, d’une part, les USA se préparent à se mesurer à la Chine et soutiennent donc par principe les tentatives de « maintien de l’ordre » de l’UE et de l’Allemagne sur le continent africain, dont ils souhaitent à long terme se désengager un peu. D’autre part, l’Allemagne et l’UE perdent de leur influence économique en Afrique, surtout face à la Chine : les investissements chinois en Afrique et les échanges commerciaux de la République populaire avec ce continent s’accroissent rapidement ; dès 2013 le commerce sino-africain s’élevait en valeur à 150 milliards d’euros, alors que le volume du commerce allemand avec l’Afrique subsaharienne n’atteignait que 26,6 milliards. Selon divers observateurs (9), l’Afrique pourrait « gagner de la confiance en soi », n’étant « plus condamnée à n’avoir que l’UE pour seul partenaire. » Pour l’Allemagne et l’UE, la perte de leur prépondérance économique va de pair avec un effort pour garantir leur position en Afrique- par des moyens militaires.
*En anglais sur tous les documents officiels, y compris du Ministère français de la Défense
Notes
(1) Voir à ce sujet Deutschland 001.
(2) Jana Puglierin, Sebastian Feyock, Yvonne van Diepen: Former au lieu de détourner les yeux. Une initiative allemande pour améliorer le GSVP. Internationale Politik mars-avril 2014
(4) Paix et sécurité en Afrique www.auswaertiges-amt.de.
(5) Déclaration du Conseil franco-allemand de défense et sécurité www.auswaertiges-amt.de. 19.02.2014
(6) Éthiopie : Création d’une architecture de la paix et de la sécurité en Afrique : www.auswaertiges-amt.de. 27.02.2014
(7) Jana Puglierin, Sebastian Feyock, Yvonne van Diepen: Former au lieu de détourner les yeux. Une initiative allemande pour améliorer le GSVP. Internationale Politik, mars-avril 2014
(9) L’Europe et l’Afrique discutent de libre-échange www.dw.de 31.03.2014.

 

vendredi 18 avril 2014

Duplicité des responsables politiques et militaires dans la lutte contre les violences faites aux femmes par des militaires

par Survie, 17 avril 2014 
Alors que M. Le Drian prend une posture protectrice des femmes en annonçant un plan d’action « vigoureux » pour lutter contre les violences dont sont victimes les femmes militaires au sein de l’armée, l’association Survie rappelle qu’il y a quatre mois, ce même ministre de la Défense faisait voter une loi qui empêche notamment les femmes d’engager des poursuites judiciaires contre un militaire français pour un crime se produisant à l’étranger pendant une opération. Cette disposition était réclamée par le ministère de la Défense notamment en écho aux affaires rwandaises.

Le scandale des violences sexuelles au sein de l’armée française a permis de mettre sur la place publique un sujet tabou, qui relevait d’une véritable « omerta » au sein des institutions, dénoncée par de nombreuses femmes, avocat-e-s et associations. Cependant, en reconnaissant la nécessité et l’urgence de mesures pour lutter contre les violences faites aux femmes militaires au sein de l’armée, les responsables politiques font preuve de duplicité puisqu’ils viennent il y a peu d’aggraver la situation des femmes civiles et étrangères, qui elles, semblent ne pas compter.
Ainsi, il y a 4 mois, le même ministre de la Défense et le même président de la République faisaient voter par les mêmes parlementaires une loi qui empêche désormais les victimes de crimes commis à l’étranger – dont les femmes victimes de violences sexuelles – d’engager des poursuites judiciaires. Selon l’article 30 de la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013, l’engagement des poursuites est en effet maintenant réservé au parquet, avec la possibilité évidente pour l’exécutif d’étouffer des affaires.
Cette loi fait écho entre autres aux opérations au Rwanda : l’armée a essayé d’étouffer les plaintes pour viol pendant Turquoise. L’institution militaire a en effet systématiquement et par tous les moyens (médiatiquement, judiciairement) essayé d’empêcher une instruction, puis a tenté de torpiller celle-ci, allant jusqu’à faire pression sur la juge d’instruction pour qu’elle ne se rende pas au Rwanda.
L’association Survie dénonce l’omerta et l’impunité qui subsistent encore aujourd’hui en cas
de crimes commis par certains militaires français en opération à l’étranger, et exige l’abrogation des textes de lois qui réservent le monopole des poursuites au parquet en cas de crime (qu’il s’agisse de l’article 30 de la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013, ou de l’alinéa 2 de l’article 689-11 du Code de procédure pénale en lien avec la loi d’adaptation de la Cour pénale internationale).

Note sur l’article 30 de la LPM du 18 décembre 2013

La loi de programmation militaire du 18 décembre 2013, à travers son article 30, a modifié l’article 698-2 du Code de procédure pénale en ajoutant :
« [...] l’action publique ne peut être mise en mouvement que par le procureur de la République lorsqu’il s’agit de faits commis dans l’accomplissement de sa mission par un militaire engagé dans le cadre d’une opération mobilisant des capacités militaires, se déroulant à l’extérieur du territoire français ou des eaux territoriales françaises, quels que soient son objet, sa durée ou son ampleur [...] » [1]
La communauté des militaires représentées par le CSFM (Conseil Supérieur de la Fonction Militaire) avait pourtant signifié son opposition à ce texte : “Il a émis un seul avis défavorable sur le projet concernant la protection des militaires contre une judiciarisation dans l’exercice de leurs missions militaires.” [2]
Mais le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, vraisemblablement sous l’influence de quelques membres de l’État-major, a persisté pour imposer cette capacité de fournir une impunité à des militaires français.
Il n’y a aucune ambiguïté quand aux origines de ce texte de loi, dont l’objectif avait été présenté ainsi : “Ce monopole reconnu au parquet [...] constituera une protection efficace des militaires contre une judiciarisation excessive de leur action“ et “sera également le gage de l’absence d’instrumentalisation de l’action judiciaire par des acteurs qui auraient intérêt à contester par ce biais la politique militaire française. “ [3]. Le passif concerne notamment les cas de la Côte d’Ivoire et du Rwanda.


mercredi 16 avril 2014

Le franc CFA, un outil de contrôle politique et économique sur les pays africains de la zone franc

par Survie, 22/3/2010

La zone franc et le franc CFA, un système hérité de la colonisation

La zone franc et sa monnaie le franc CFA constituent le seul système monétaire colonial au monde à avoir survécu à la décolonisation. La mise en place progressive de ce système est le résultat de choix stratégiques de la France mettant l’entreprise de colonisation au service des intérêts économiques français. Les monnaies africaines sont supprimées et des banques privées appartenant aux colons mais contrôlées par la France sont créées.
La puissance coloniale exploite les matières premières des colonies pour alimenter l’industrie française et utilise les colonies comme débouchés pour les produits français. Suite à la crise de 1929, la France accentue son repli sur l’empire colonial pour protéger son économie et son commerce extérieur. La création de la zone franc en 1939 offre le moyen de pérenniser cette stratégie : les échanges avec des pays extérieurs à la zone franc sont interdits, ce qui cimente les liens économiques et commerciaux entre la France et son empire. La monnaie franc CFA (Colonies Françaises d’Afrique) est quant à elle créée en 1945 afin que la dévaluation du franc français au sortir de la guerre n’affecte pas les marchés des possessions africaines de la France. Celle-ci conserve ainsi le leadership dans le commerce extérieur des colonies et réaffirme sa suprématie sur son empire.
Au moment des indépendances, la quasi-totalité des anciennes colonies françaises d’Afrique subsaharienne décide de rester dans le giron de la France en signant des accords de coopération monétaire et en adhérant de ce fait à la zone franc. Le franc CFA est d’ailleurs renommé franc de la Communauté Française d’Afrique en 1958. Mais la Guinée refuse cet assujettissement monétaire et sort de la zone franc dans un coup d’éclat. Le président Sékou Touré veut une réelle indépendance politique et économique pour la Guinée, et pour ce faire crée le franc guinéen et quitte la zone en 1960. Au Togo, ancienne colonie allemande membre de la zone franc depuis 1949, des voix s’élèvent également contre le franc CFA en la personne du président Sylvanus Olympio. La sortie de la zone est prévue pour 1963 mais Sylvanus Olympio est assassiné juste avant que l’indépendance monétaire du pays ne soit acquise. Ce n’est que dix ans plus tard, en 1973, que la zone connaît de nouvelles modifications avec la sortie de la Mauritanie et de Madagascar.
C’est également à la période des indépendances que des banques centrales dont seulement la moitié des administrateurs sont des représentants africains sont créées pour émettre le franc CFA. Les présidents de ces institutions sont néanmoins français et restent maîtres de toute décision. Pendant les années 1970 la zone franc connaît des ajustements à la fois techniques et symboliques : révision des accords de coopération monétaire, déménagement des sièges des banques centrales de Paris à Dakar et Yaoundé, diminution du nombre de représentants français au sein des Conseils d’Administration. D’autre part deux nouveaux pays signent des accords de coopération avec la France et adoptent le franc CFA : la Guinée Équatoriale en 1985 et la Guinée-Bissau en 1997. Malgré ces changements, la France garde la mainmise sur la politique monétaire de la zone franc dont les pays subissent des choix économiques et monétaires dictés par les intérêts français. La France va même jusqu’à décider unilatéralement de la dévaluation du franc CFA en 1994.

La zone franc : une gestion et des principes au service des intérêts français

La zone franc englobe donc aujourd’hui quinze pays : huit pays d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina-Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo), six pays d’Afrique centrale (Cameroun, République Centrafricaine, Congo-Brazzaville, Gabon, Guinée Equatoriale, Tchad) et les Comores. C’est une organisation financière, monétaire et économique, dont le cœur est la France et l’instrument principal le franc CFA. Cette organisation, gérée par la France, s’appuie sur des institutions africaines : la Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), la Banque des Etats d’Afrique Centrale (BEAC), la Banque Centrale des Comores (BCC).
Le système franc CFA est basé sur quatre grands principes : la centralisation des réserves de change au Trésor public français, la fixité de la parité franc CFA/euro, la libre convertibilité du franc CFA à l’euro, et la libre circulation des capitaux entre la France et les pays africains de la zone franc. A ces principes s’ajoutent la participation française aux instances de direction des banques centrales africaines, pièce maîtresse du système CFA puisqu’elle garantit l’application sans faille des quatre principes précédemment cités.

La centralisation des réserves de changes : un principe qui bloque l’économie des pays de la zone franc

Chaque banque centrale de la zone franc possède un compte d’opérations au Trésor public français et doit y déposer une partie de ses réserves de monnaie. Depuis 2005, 50% des réserves de change doivent être stockées sur le compte d’opérations en France (jusqu’en 2005 ce pourcentage était de 65). Il y a donc actuellement environ 8000 milliards de francs CFA venant de la BCEAO et la BEAC stockés au Trésor public, soit plus de 12 milliards d’euros. C’est autant d’argent qui est amputé du budget des États de la zone franc. La France rémunère les banques centrales africaines en intérêts, tout en se servant au passage grâce à des placements privés (des sommes dégagées au profit de la France qui se comptent en centaines de millions d’euros). Pire, la part d’intérêts versée aux banques centrales est comptabilisée dans l’Aide Publique au Développement ! Dépouillés de la moitié de leurs recettes, les pays africains de la zone franc se retrouvent ainsi dans une situation économique et sociale très difficile, d’autant plus que la France leur impose une rigueur budgétaire (c’est-à-dire une baisse des dépenses publiques) pour que l’approvisionnement du compte d’opérations soit garanti.

La parité fixe franc CFA-euro : une entrave à la compétitivité des économies africaines dans le monde

Hier lié au franc français, le franc CFA est aujourd’hui arrimé à l’euro, c’est-à-dire que la valeur du franc CFA sur les marchés mondiaux dépend de celle de l’euro. Autrement dit, les pays africains de la zone franc n’ont pas le contrôle de leur politique de change et subissent les fluctuations du cours de la monnaie unique européenne. Les recettes de leurs exportations doivent être converties en euro avant de l’être en franc CFA, ce qui signifie que si la conversion entre l’euro et les monnaies étrangères fluctue, les recettes des pays africains de la zone franc fluctuent également. Actuellement la valeur de l’euro se renforce par rapport aux monnaies étrangères. Par conséquent, la compétitivité des pays de la zone euro, et donc de la zone franc, diminue par rapport au reste du monde. Une baisse de la compétitivité signifiant une plus grande difficulté à vendre ses produits sur le marché mondial, les conséquences pour les pays africains de la zone franc d’un arrimage à une monnaie forte comme l’euro sont considérables : les économies restent faibles, et les population se paupérisent car les matières premières qu’elles produisent ne peuvent ni être exportées ni être transformées.

La libre convertibilité franc CFA/ euro et la libre circulation des capitaux ou comment légaliser la fuite des capitaux

La libre convertibilité s’applique des pays africains de la zone franc à la France et inversement, mais ne concerne pas les échanges entre les trois zones du système CFA. Ce principe facilite les investissements français en Afrique, le rapatriement des capitaux, et l’importation par la France de matières premières, mais bloque les échanges inter-africains.
Les principes de libre convertibilité et libre circulation des capitaux favorisent également la fuite des capitaux de l’Afrique vers la France. Les entreprises françaises installées dans les pays africains de la zone franc peuvent rapatrier librement leurs liquidités vers la France et les transferts d’argent entre la France et l’Afrique s’opèrent sans entraves au profit des élites françafricaines.

La participation française à la gestion des banques centrales africaines

Dans les trois banques centrales de la zone franc, des administrateurs français siègent aux Conseils d’Administration (CA). Dans les faits, la présence d’administrateurs français garantie par les statuts des banques centrales confère à la France un droit de veto lors de la prise de décision. Au CA de la BCC, 4 administrateurs sur 8 sont français alors que les décisions doivent être votées à la majorité. A la BCEAO seuls 2 administrateurs sur 16 sont français, mais l’unanimité est requise pour toute décision majeure (et notamment la modification des statuts). La situation est la même à la BEAC avec 3 administrateurs français sur 13. Le pouvoir de la France dans ces institutions est donc considérable et la présence de représentants français garantit la mise en œuvre de tous les principes centraux du système CFA.

Un système monétaire qui constitue une entrave à la souveraineté des États africains de la zone franc

Le franc CFA est un liant qui cimente les relations économiques entre la France et les pays africains de la zone franc. Ces pays ne sont pas libres de la gestion de leur politique économique et monétaire, domaine pourtant constitutif de la souveraineté d’un État. Preuve en est la dévaluation de 1994 décidée unilatéralement par la France.
Malgré le passage à l’euro, la France garde la mainmise sur la zone franc, alors même qu’elle n’est plus émettrice de la monnaie d’arrimage. L’adoption de l’euro aurait pu se traduire par une disparition du pouvoir tutélaire de la France sur ses anciennes colonies, or la France a obtenu que les accords de coopération monétaire de la zone franc ne soient pas affectés par l’intégration européenne.
Cinquante ans après les indépendances, la politique monétaire de la zone franc reste donc décidée par la France en fonction de ses intérêts propres. Cinquante ans pendant lesquels cette politique a été complètement déconnectée des vrais enjeux du développement africain tout en permettant à la France de contrôler économiquement et politiquement ses anciennes colonies au profit de son économie nationale, et au préjudice du développement des relations entre pays africains. Le modèle imposé par le système franc CFA induit une verticalité des échanges (Nord-Sud) au détriment d’une coopération horizontale (Sud-Sud). Un tel système financier, au service des intérêts économiques et politiques de la France, ne peut pas être le vecteur de l’autonomie monétaire et du développement. Il perpétue les relations asymétriques et néocoloniales entre la France et les pays de la zone CFA.

mardi 15 avril 2014

Les parlementaires français doivent obtenir la déclassification des archives concernant le Rwanda

 par Survie, 15 avril 2014
Paris, 15 avril 2014 - A l’occasion de la vingtième commémoration du génocide des Tutsi, les médias se sont fait largement l’écho de la nécessité de déclassifier et de rendre accessibles aux Français les archives concernant la politique menée au Rwanda de 1990 à 1994.
Interrogées, des personnalités comme Édouard Balladur et François Léotard, respectivement Premier Ministre et Ministre de la Défense en 1994, se sont publiquement déclarées favorables à l’ouverture des archives, estimant qu’il n’y avait rien à cacher. Hubert Védrine, Secrétaire général de l’Élysée de 1991 à 1995, sera auditionné demain mercredi 16 avril par la Commission de la Défense de l’Assemblée nationale. Les députés doivent saisir l’opportunité de cette audition pour exiger de M. Védrine qu’il s’engage à rendre publiques les archives en sa possession.
L’association Survie a contacté l’ensemble des parlementaires pour leur demander d’obtenir que la totalité des archives françaises concernant le Rwanda soient rendues publiques, sans être expurgées.
Les parlementaires, dont un des rôles constitutionnels est de contrôler l’action de l’exécutif, doivent lors des prochaines séances de questions au Gouvernement exiger que soient rendues publiques, entre autres, les archives de la DRM (Direction du Renseignement Militaire), les archives de la DGSE (Direction Générale de la Sécurité Extérieure), les archives de l’Élysée, l’ensemble des télégrammes diplomatiques Kigali-Paris y compris ceux de la période du 6 au 15 avril, les archives des ministères de la Coopération, des Affaires étrangères, de la Défense, les archives de Matignon, l’enquête de l’Armée sur l’attentat, les archives du COS (Commandement des Opérations Spéciales), etc.
A titre d’illustration, est joint en annexe un document auquel a pu avoir accès le journaliste Mehdi Ba.
Note de la DRM à l'attention du général Heinich - 15/04/2014
Il s’agit d’un document de la DRM rédigé il y a 20 ans jour pour jour. Ce document montre que les FAR (Forces Armées Rwandaises), qui à l’époque non seulement combattaient le FPR de Paul Kagame mais également encadraient et participaient au génocide, demandaient benoîtement au gouvernement français, en plein génocide, de leur fournir des munitions par l’intermédiaire de notre armée.
Or, ce type de munitions a été utilisé pour commettre le génocide, comme le prouvent des documents du TPIR [1]. Et c’est ce même type de munitions que Paul Barril s’engagera à fournir aux génocidaires, quelques semaines plus tard. Ce document de la DRM montre également que les FAR indiquaient en toute transparence à nos responsables politiques et militaires le nom et le contact d’un trafiquant d’armes français, lequel n’a, étonnamment, jamais été inquiété par les autorités de notre pays.Ce document, qui dénote une proximité stupéfiante avec les FAR, même en plein génocide, n’est qu’un exemple parmi de nombreux éléments qui appellent à ce que toute la lumière soit faite sur les décisions prises à l’époque au nom de la France par les dirigeants de notre pays.
Une mission d’information parlementaire – et non une commission d’enquête – a conduit ses travaux en 1998 et permis une première avancée vers la vérité. Cependant, le document présenté en annexe n’a jamais été rendu public. Les députés ont-ils même pu le consulter à l’époque ?
Concernant le rôle de la France au Rwanda, il demeure ainsi de très nombreuses questions qui n’ont pas encore trouvé de réponse. 20 ans après, alors que notre pays est l’objet d’accusations publiques, il est plus que temps.

Aller plus loin

[1] http://www.francerwandagenocide.org... La mention « ratissage » dans ce document correspond à « génocide ». Document TPIR. Il faut rappeler que le génocide a été commis à l’aide de fusils, de grenades, voire même de mortier et donc non pas seulement à l’aide d’armes blanches contrairement à ce qui est souvent affirmé.

dimanche 13 avril 2014

L'Égypte à marche forcée vers la Sissicratie !

par Rabha Attaf, 13 avril 2014
Grand reporter, spécialiste du Maghreb et du Moyen-Orient
Auteure de « 
Place Tahrir, une révolution inachevées », éditions workshop19, Tunis, 2012

C'est officiel depuis le 27 mars dernier. Investi par le Conseil Suprême des Forces armées, le maréchal al-Sissi est désormais candidat à la prochaine élection présidentielle dont le premier tour est annoncé pour les 26 et 27 mai prochains. Pas étonnant ! L'artisan du coup d'État militaire qui a destitué Mohamed Morsi, le 3 juillet 2013, n'a jamais caché sa volonté d'être aux commandes du pays. Il avait notamment transformé le référendum constitutionnel de janvier dernier en véritable plébiscite personnel, annonçant qu'il se présenterait « si le peuple le réclame ».
La propagande en faveur du Maréchal établit une filiation avec Nasser et Sadate, dont 61% des Égyptiens, ayant moins de 30 ans, n'ont pas connu les règnes, omettant sciemment Moubarak.
Surfant à la fois sur la sissimania matraquée par des médias complaisants, et surtout sur le climat de violence dans lequel l'Égypte s'enfonce au fil du temps, al-Sissi incarne désormais, pour les défenseurs du régime militaire, le héros de la lutte anti-terroriste, mais aussi le garant de la stabilité du pays pour ses soutiens occidentaux - dont la France et les USA qui viennent de rappeler leur attachement au « processus de transition en cours ». Autant dire que l'issue du prochain scrutin semble d'ores et déjà déterminée ! De quoi donner des ailes à « Sissi l'imperator » et lui garantir un score défiant toute concurrence !
 
Pour assurer la sécurité pendant le référendum, la police militaire égyptienne a été dotée de ces tenues évoquant irrésistiblement celles des personnages du jeu vidéo "Power Rangers". Coûtant chacune la modique somme de 1429 $, ces tenues de Ninjas rouges appelées XP Instructor Suit  sont produites par RedMan, une division de l'entreprise Macho Inc. , en Floride (USA)…

mardi 8 avril 2014

Hollande esquive la commémoration du génocide : une faute politique et historique majeure

 par Survie, 8 avril 2014
En évitant toute participation au débat public lors des commémorations en France et au Rwanda du génocide Tutsi quand les questions sur le rôle de la France étaient sur toutes les lèvres hier, François Hollande a clairement fait une faute politique et historique majeure en laissant les acteurs politiques et militaires de l’époque monopoliser le champ médiatique.
http://s1.lemde.fr/image/2014/04/07/534x0/4396913_6_9af1_rwanda_b218d9a0dd3e702f111a4bae603bac42.jpg
RWANDA | CARL DE KEYZER / MAGNUM PHOTOS POUR LE MONDE
En ce 7 avril, journée internationale de commémoration du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, Survie et les associations mobilisées dans la lutte pour la vérité et la justice autour de ce crime espéraient une prise de parole des autorités françaises pour reconnaître enfin le rôle qu’elles ont joué durant le génocide, et que de nouveaux témoignages sont venus illustrer le matin même [1].
Cette complicité multiforme a été évoquée par plusieurs intervenants lors de la cérémonie du souvenir organisée devant l’Hôtel de Ville de Paris, mais les autorités françaises restent sourdes à la demande de faire toute la lumière sur cet épisode du passé et de publier les archives françaises de cette époque. Ces revendications, qui font consensus auprès d’organisations telles qu’Ibuka, SOS Racisme, Survie et de représentants de partis ou mouvements politiques français, ont été émises en présence d’un membre de la cellule diplomatique de l’Élysée, mais sans autre représentation diplomatique ou protocolaire notable, Anne Hidalgo, annoncée, ayant annulé sa participation.
Plus tard dans la soirée, le représentant du gouvernement français attendu pour la commémoration organisée au siège de l’UNESCO n’a même pas osé se présenter et affronter les critiques qui n’auraient pas manqué de se manifester.
Le court texte diffusé par l’Elysée en fin d’après-midi [2] était déjà venu doucher l’espoir d’une avancée dans la reconnaissance officielle des crimes du passé : quelques mots sur le génocide et ses victimes, des propos incantatoires sur la prévention du génocide, une justification des interventions militaires françaises à l’étranger, une évocation de l’impuissance de la communauté internationale sans un seul mot sur le rôle de la France. Ces quelques phrases et le vide sidéral de leur contenu, en comparaison des propos pourtant insuffisants de Nicolas Sarkozy en 2010, auront suffi à balayer toutes les attentes et à montrer à la face de tous que François Hollande, plutôt que de choisir le camp de la vérité, a préféré céder aux injonctions et menaces d’anciens responsables politiques ou militaires (Alain Juppé, Edouard Balladur, Hubert Védrine, Paul Quilès, l’amiral Lanxade, le général Quesnot, les anciens officiers des opérations françaises au Rwanda regroupés au sein de l’association France-Turquoise) qui usent depuis 20 ans de toute leur influence pour taire les secrets les plus inavouables de l’armée et de la diplomatie française au Rwanda, en bénéficiant d’un large accès aux médias.
Comme l’a évoqué Fabrice Tarrit, président de Survie, lors de sa prise de parole sur le parvis de l’Hôtel de Ville « une poignée de représentants politiques ou militaires ne peuvent pas influencer et monopoliser la parole officielle et l’inscrire contre le cours de l’Histoire. Le cynisme, le déni et le mensonge ne peuvent tenir lieu de politique ».
Cet affront adressé par François Hollande aux victimes est une honte pour nos institutions autant qu’une faute politique et historique majeure.
Contact : Ophélie Latil ophelie.latil@survie.org 01 44 61 03 25
[1] cf. Guillaume Ancel, ancien officier français sur France Culture ou Bernard Kouchner, décrivant des livraisons d’armes aux génocidaires jusqu’en août 1994. Déclaration de Kouchner 
[2] Communiqué sur le site de l’Élysée 


Photos des victimes du génocide au Rwanda, au sein du mémorial de Kigali.
Photos des victimes du génocide au Rwanda, au sein du mémorial de Kigali. | REUTERS/NOOR KHAMIS

Le CADTM et Survie exigent du nouveau gouvernement français d’arrêter d’instrumentaliser l’ « aide » au Mali

par CADTM, Survie, 8 avril 2014 
Lors de la Conférence « Ensemble pour le Renouveau du Mali », réunie à Bruxelles le 15 mai 2013, la France s’était engagée officiellement à aider le Mali à relancer son économie et favoriser l’emploi des jeunes. Or, la réalité est bien différente. Le gouvernement français sert, avant tout, les intérêts privés des multinationales françaises. La diplomatie française a, en effet, obtenu la signature de cinq contrats au profit des entreprises privées françaises opérant au Mali dans le cadre de la Mission des Nations Unies (MINUSMA).
Dans une brève datée du 13 mars 2014, le Ministère français des affaires étrangères déclarait sur son site France-Diplomatie : «  Le secrétariat des Nations unies a attribué hier cinq contrats de gré à gré à des entreprises françaises, afin de construire dans le nord du Mali des infrastructures au profit de la mission des Nations unies (MINUSMA). Le montant total de ces contrats s’élève à 34,7 millions d’euros. Ce succès remporté par nos entreprises et l’opérateur public du ministère des Affaires étrangères, France Expertise Internationale, s’inscrit dans le cadre de nos efforts en matière de diplomatie économique et des partenariats entre entreprises et pouvoirs publics. Dans le cadre de cette procédure, les Nations unies négocient exclusivement avec les États, qui ensuite peuvent recourir à des prestataires privés. C’est la première fois qu’une telle procédure est mise en œuvre par la France. »
Selon le quotidien français, Les Echos (13 mars 2014), « d’autres contrats pourraient suivre dans la logistique, l’approvisionnement en nourriture, l’alimentaire ou encore dans les carburants » car « la France cherche en toile de fond à optimiser "le taux de retour", explique le Quai d’Orsay. Elle veut retrouver, en contrats, les montants versés au titre de la contribution multilatérale » (contribution qui s’élève à 48 millions de dollars sur un budget annuel onusien de 260 millions). Un nouvel exemple de « l’aide » française, conçue comme une subvention déguisée à ses entreprises.
Le réseau international CADTM et Survie dénoncent les politiques néolibérales de la diplomatie française qui permettent à la France d’obtenir une contrepartie pour son effort militaire au Mali, via ces contrats conclus le 12 mars 2014, dans le seul intérêt du capital français.
Ces contrats prouvent une fois de plus que l’aide promise au Mali, en mai 2013, par les « donateurs », dont la France, est une imposture.
Rappelons, par ailleurs, que pas moins de 36% de l’ « aide » promise par la France est en réalité composée de prêts qui maintiennent le peuple malien dans le piège de la dette.
Le réseau CADTM et Survie exigent l’annulation de toutes les dettes illégitimes du Mali à l’égard de la France, mais aussi envers d’autres créanciers comme la Banque mondiale et le FMI qui utilisent l’arme de la dette pour imposer leurs politiques néolibérales.
A cette fin, le CADTM et Survie apportent leur soutien à la démarche d’audit citoyen de la dette, initiée par la CAD Mali, coalition représentant 103 organisations de la société civile malienne.
Contacts presse :
Françoise Wasservogel (CADTM France) : +33 6 03 70 75 24
Ophélie Latil (Survie) : +33 1 44 61 03 25
Issa KAMISSOKO : Secrétaire Général de la Coalition des Alternatives
Africaines Dette et Développement (CAD-Mali), Tél : (00223) 66 72 85 39,
adresse mail : isskam@yahoo.fr

 http://grosmytho.unblog.fr/files/2014/03/jihad-africain.jpg

lundi 7 avril 2014

20ème anniversaire du début du génocide-Rwanda : les autorités françaises persistent et nient

Versión española: 20° aniversario del inicio del genocidio
Ruanda: las autoridades francesas persisten y niegan

English version 20th anniversary of the beginning of the genocide
Rwanda: the French authorities persist in their denial 

 

par Survie, 7/4/2014
Le 7 avril est la journée internationale de commémoration du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994 qui fit près d’un million de morts en trois mois. Chaque année depuis 20 ans, Survie et les associations mobilisées dans la lutte pour la vérité et la justice autour de ce crime attendent une prise de parole des autorités françaises pour reconnaitre le rôle qu’elles ont joué durant ce génocide : une complicité multiforme (diplomatique, militaire, économique) documentée par un nombre considérable de travaux et confirmée encore ce matin par un ancien officier français sur France Culture.
Pour l’association Survie, la position du gouvernement socialiste sur le génocide et le rôle de l’État français se doit, en 2014, d’aller au-delà de ce qui a déjà été exprimé par Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner en 2010, lesquels avaient reconnu des "erreurs" de la France [1].


C’est pourtant à un net recul de la parole publique française sur le génocide que nous risquons d’ assister. Après plusieurs rendez-vous ratés [2], les autorités françaises ont cette fois décidé d’annuler la participation annoncée de la ministre de la Justice aux 20èmes commémorations du génocide des Tutsi au Rwanda, suite à des accusations publiques de complicité et de participation directe au génocide portées contre la France par le président rwandais Paul Kagamé. Contrairement au gouvernement belge, également mis en cause, qui a maintenu la représentation prévue, les dirigeants français ont choisi de se placer à rebours de l’Histoire et de ne pas honorer la mémoire des victimes avec la considération qu’elles méritent.
Cette décision est une nouvelle preuve de l’incapacité de l’État français à assumer les fautes de son passé et à tirer les leçons de l’Histoire, alors qu’il donne facilement des leçons sur ce point [3]. Elle marque aussi la cassure grandissante du gouvernement français avec la société civile de notre pays et ses jeunes générations, y compris dans les rangs des militants socialistes [4] pour qui la complicité dans ce crime est avérée et doit être reconnue. Plutôt qu’à la lucidité des jeunes de son propre parti, François Hollande va-t-il choisir d’adhérer aux injonctions au déni d’Alain Juppé, réitérées ces derniers jours suite à une interpellation citoyenne sur son rôle pendant le génocide ?
Sous prétexte de protéger une certaine vision de l’honneur de la France et de son armée, d’anciens responsables politiques ou militaires pressent François Hollande de taire les secrets les plus inavouables de l’armée et de la diplomatie française au Rwanda : Alain Juppé, alors ministre des affraires étrangères, Hubert Védrine, secrétaire général de l’Elysée sous Mitterrand, Paul Quilès, qui a étouffé en 1998 les conclusions les plus accablantes de la mission d’information parlementaire, ou encore les anciens gradés de l’association France Turquoise. Pour beaucoup de ces défenseurs du rôle de la France au Rwanda, le contre-feux récurrent est la dénonciation du régime rwandais actuel et de son rôle dans la sous-région depuis 1994 - un sujet qui ne doit en aucun cas occulter le rôle de l’État français dans le génocide.
Il n’appartient pas à notre association de commenter les déclarations récentes de Paul Kagamé, mais bien de continuer à interroger nos anciens responsables politiques, qui ont agi en notre nom. De nombreux témoignages, documents, investigations démontrent la complicité multiforme de l’Etat français dans le génocide et même la possibilité que des officiers français aient laissé perpétrer des crimes dont ils avaient connaissance, ou que des soldats français aient eux-mêmes commis des crimes (viols voire assassinats). L’exemple de la colline de Bisesero, où des milliers de Tutsi ont été laissés aux mains des massacreurs entre le 27 et le 30 juin 1994 est à cet égard éclairant. Plus généralement, il convient de rappeler que les autorités françaises ont soutenu les extrémistes ayant commis le génocide par de la formation, des livraisons d’armes, un soutien diplomatique, jusqu’à l’organisation de leur évacuation vers le Zaïre. Avoir fourni cette aide, en connaissance de cause, quelle qu’en soit la motivation, possède une qualification juridique bien précise : complicité de génocide.
Paris, 5 avril 2014 : action de Survie devant le Centre Pompidou
Survie s’est constitué partie civile dans plusieurs plaintes contre X déposées en 2005 par des rescapés du génocide visant des militaires français de l’Opération Turquoise. Aujourd’hui, les révélations continuent. Sur France Culture, un ancien officier français, Guillaume Ancel, vient de témoigner que Turquoise avait bien initialement un but offensif, qu’à la mi-juillet 1994 la France avait rendu leurs armes aux ex-FAR réfugiés au Zaïre alors que nombre d’entre eux avait participé au génocide, et que notre pays leur avait payé leur solde en dollars [5]. Quels responsables politiques et militaires ont pu donner de tels ordres ?
Ces faits n’ont pas été jugés, et de nombreux documents restent classifiés, ce qui permet à des responsables français de s’enfoncer dans le déni. Or, ce rôle joué avant et pendant le génocide par un certain nombre de personnalités politiques et militaires français, dont certains assument encore des responsabilités administratives ou politiques, devra un jour être examiné par les tribunaux. Si notre association s’est félicitée du premier procès d’un génocidaire rwandais sur le sol français et de la récente condamnation de Pascal Simbikangwa, elle rappelle régulièrement que bien des dossiers judiciaires traînent depuis trop longtemps, au delà du délai raisonnable pour juger.
Par devoir envers les victimes, il est grand temps pour les dirigeants et la justice française d’éclairer les nombreuses zones d’ombre qui entourent l’action de l’État français de 1990 à 1994 et de poursuivre et juger les complices français du génocide. Pour ce faire, il est incontournable que l’ensemble des documents français sur le rôle de la France au Rwanda soient enfin déclassifiés et publiés [6].
Notes
[1] M. Kouchner ayant même précisé récemment, qu’il y a bien eu "quelques ordres bizarres" durant l’opération Turquoise et, concernant le génocide, que "tout a été préparé avec [le] consentement illicite, implicite...j’en sais rien" des troupes françaises. Génocide rwandais : Kouchner reconnaît le "consentement implicite" de la France, RTL.fr, 06/04/2014. Mise à jour : 07/04/2014 12h30 : d’après Libération M. Kouchner a rappellé ces jours-ci « que « le gouvernement génocidaire a été formé dans l’enceinte de l’ambassade de France en avril 1994 », et que « Paris lui a livré des armes jusqu’en août 1994 ». »

[2] Départ précipité de Kigali du secrétaire d’Etat Renaud Muselier en avril 2004, absence notable d’un représentant politique lors de la commémoration de 2013 à Paris.
[3] Rappelons que François Hollande avait « exhorté le 27 janvier la Turquie à faire son « travail de mémoire » sur le génocide de centaines de milliers d’Arméniens  ». Hollande appelle la Turquie à « faire son travail de mémoire » sur le génocide arménien, AFP, 27/01/2014
[5] http://www.franceculture.fr/2014-04... (écouter notamment le second extrait sonore à partir de 4’10’’)