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Blog régional de l'association Survie (Aude, Gard, Hérault,Lozère,Pyrénées-orientales)

lundi 31 mai 2010

Nice 31 mai et 1er juin 2010 : XXVe sommet Afrique-France - ChasséEs d’ici, pilléEs là-bas !

Nice accueille, les 31 mai et 1er juin, le XXVe Sommet des chefs d’État de France et d’Afrique, un moment essentiel de la politique africaine de la France. Ces sommets réguliers, qui offrent à des chefs d’État souvent criminels et corrompus l’occasion d’asseoir leur impunité, ont pour objectif de renforcer les liens politiques, économiques et militaires entre la France et ses anciennes colonies africaines, ainsi qu’avec les pays extérieurs à son traditionnel « pré-carré ». Celui-ci sera en particulier l’occasion de favoriser les « affaires », avec plus de 200 entreprises françaises et africaines invitées...
Cette politique françafricaine encourage le pillage des ressources naturelles et humaines par le contrôle monétaire du franc CFA, la dette, la dérèglementation et la casse des services publics réclamées par les institutions multilatérales, le détournement massif de capitaux via les paradis fiscaux... Mais aussi par le recours à l’immigration choisie et le soutien à des gouvernements qui méprisent démocratie et droits humains.
Cette politique françafricaine est l’un des moteurs d’une émigration qui ne pourra qu’augmenter, stimulée par le changement climatique, le saccage environnemental et social qui accompagne le pillage des ressources et la concurrence déloyale des exportations agricoles des pays riches ou émergents. Pour des millions de personnes, la seule possibilité est l’exode vers l’Europe où elles enrichissent pays d’accueil et entreprises par leur travail, leurs cotisations, leurs impôts même si souvent sans papiers, elles sont privées de leur droits légitimes.
La France, dans une Europe forteresse, dénonce hypocritement l’afflux de réfugiés économiques et climatiques qu’elle contribue à créer plutôt que d’agir directement sur les causes, qu’une aide au développement trop souvent détournée de ses objectifs ne parviendra jamais à combattre efficacement.
Nous dénonçons la double dimension de la politique de la France vis à vis de l’Afrique :
- Une politique extérieure, prédatrice au niveau économique, destructrice de l’environnement et contraire à l’intérêt des peuples africains et français,
- Une politique migratoire, qui désigne des boucs-émissaires quand il faudrait aider et régulariser.

Nous, réseaux militants et simples citoyen-ne-s, nous nous sommes rassemblé-e-s pour proposer en amont et pendant ce sommet officiel le maximum d’événements publics en vue d’informer et de mobiliser sur ces thèmes.
+ d’infos : http://local.attac.org/attac06/

Premiers signataires : ADN, Artisans du Monde-Nice, ATTAC France, CADTM France, Cantine Piedanlepla, CETIM, Collectif Anarchiste des Alpes Maritimes (CAAM), COVIAM, Emancipation, Europe Ecologie 06, Greenpeace-Nice, Jeunes Communistes 06, journal Le Patriote, LDH Nice Cannes-Grasse et région PACA, Les Alternatifs, MRAP-06, Nice Citoyenne et Altermondialiste (NICEA), No Vox, NPA, PCF-06, PECOS, RESF-06, Sud-Solidaires 06, Survie, Vie&Partages

Dimanche 30 mai : Journée d’arrivée sur NICE des marcheurs

  • Rassemblement à Cannes sur les Allées devant la mairie près du kiosque à musique, à 10 heures.
Marche dans Cannes
  • Départ vers Nice
  • 16h rassemblement avec les marcheurs Gare NICE - Riquier pour manifester jusqu’au CRA de Nice (caserne Auvare).
Prises de paroles.
  • 19h30 : repas collectif, concert , devant ou à proximité de la caserne Auvare

Lundi 31 mai : journée du contre-sommet françafrique.

Les militant-e-s des organisations qui participent au collectif du contre-sommet tiendront le stand de leur organisation sur le parvis de l’ancienne gare du SUD à la Libération.
  • Distribution du tract pour sensibiliser la population.
  • A midi trente repas collectif et convivial
  • Après-midi : animations diverses en plus des stands, clowns, théâtre etc…
  • A 18 h 30 rassemblement unitaire contre le sommet Françafrique, devant la Gare Thiers.
  • Marche de la Gare Thiers à la Libération par l’avenue Malausséna.
20h30 : Table-ronde et débats, place de la Libération (ou en salle en cas de pluie) avec:
- Odile Tobner, présidente de Survie
- Brice Mackosso, coordinateur de la coalition « Publiez ce que vous payez » -
Congo Brazzaville, coordinateur responsable Commission Justice et Paix, Pointe
Noire
- André Afanou, du CACIT-Togo (Collectif des Associations contre l’impunité au
Togo)
- Olivier Blamangin, responsable Afrique de la CGT (sous-réserve)
- Un représentant des marcheurs sans-papiers
Pour plus d'information:
- Thomas Borrel (Survie) : 06.16.97.42.87
- Geneviève Legay (ATTAC 06) : 06.16.91.15.22
- Franck Gaye (Sud Education 06) : 06.33.18.21.97
- Estelle Coll (CGT 06) : 06.50.02.71.57
Programme détaillé et actualisé : http://local.attac.org/attac06/
La Marche Paris-Nice : www.ministere-de-la-regularisation-de-tous-les-sans-papiers.net
Ecoutez la radio de la marche

Pour proposer un hébergement éventuel aux militant-e-s venu-e-s à cette occasion sur NICE, envoyer un mail à : contresommet.nice@gmail.com

Nous soutenons les sans papier en marche pour la régularisation !
A Nice les 31 mai et 1er juin se tient un sommet pour commémorer le cinquantième anniversaire des indépendances des pays Africains. Les Collectifs de sans papiers réunis dans le Ministère de la Régularisation de Tous les Sans Papiers ont décidé de marcher de Paris à Nice pour réclamer la régularisation des sans papiers qui vivent et travaillent en France.
Beaucoup viennent des pays africains qui ont gagné leur indépendance en 1960. Malheureusement le colonialisme de la France qui avait abondamment pillé les ressources, utilisé les peuples comme réservoir de main d’oeuvre a continué sous la forme de rapport néocoloniaux.
Les pays ne se sont pas développés et ils ont du migrer pour nourrir leurs familles.
L’agriculture exportatrice européenne et le mode de développement des pays riches a accéléré un réchauffement climatique, qui dans les pays subsahariens a diminué les pluies des moussons et a contraint les paysans des pays africains à fuir les campagnes, aller végéter dans les villes ou migrer vers l’Europe.
Le gouvernement français est responsable de cette situation, trop souvent les gouvernements africains sont complices de cette politique. Ainsi les Accords de réadmission signés par trop de pays organisent avec l’Europe forteresse de la directive de la honte « la chasse aux migrants» et leur expulsion.
Assez de ces traitements indignes !
Gouvernements africains, arrêtez de collaborer !
Gouvernement français, régularisez les sans papiers !
Nous associations et organisations signataires appelons à constituer des collectifs dans toutes
les villes étapes pour soutenir et accueillir les marcheurs qui durant le mois de Mai iront de Paris à Nice.
Signataires au 28 avril :
ACORT, Alternative libertaire, Alif Sans Papiers, les Alternatifs, Association des communistes unitaires, Assouevam, ATMF, Attac, CADTM, CASE, Cedetim, CIIP( Centre d'information Inter-Peuples de Grenoble), Collectif cohésion, CSP Montreuil, CSP Turcs et Kurdes, Confédération Paysanne,Coordination Rhône Alpes de soutien aux sans papiers, Coordination 75, Coordination 93 de lutte pour les sans papiers, CNSP (coordination nationale des sans papiers), COPAF, Coviam (comité de vigilance des Alpes Maritimes), le CRAN, DAL (Droit au Logement), Droits devant, Emancipation, FASE, Fasti, Fédération Sud éducation, FTCR, Gisti, IACD, IPAM (initiatives pour un autre mode), Fédération du Rhône de la LDH, Maison des Etudiants de Côte d'Ivoire, MRAP, NPA, PCF, Rafale, RDA, RESF, Réseau féministe "Ruptures", Respaix, Survie, Union Syndicale Solidaires, les Verts-Europe écologie, VP-Partisan

Le "Dossier noir" de l'armée française en Afrique : entretien de Dénètem Touam Bona avec Raphaël Granvaud

" Que fait l'armée française en Afrique ? (1) ", c'est le titre du dernier " Dossier noir " de l'association Survie paru aux éditions Agone. Un dossier on ne peut plus actuel en cette année de commémoration du cinquantenaire des indépendances africaines. Rencontre avec son auteur, Raphaël Granvaud, qui revient sur certaines questions abordées dans ce dossier.

La troisième partie de votre livre s'intitule "la réhabilitation du colonial", j'ai ressenti un vrai malaise à sa lecture. Je ne savais pas que l'armée française, du moins les forces spéciales opérant en Afrique, étaient travaillées à ce point par la nostalgie du colonialisme. Je me demande s'il ne faut pas voir dans la forte implication militaire française en Afrique, au-delà des enjeux économiques et géopolitiques, une manifestation de puissance. Comme si la France n'avait toujours pas digéré les indépendances africaines, comme si elle ne pouvait renoncer à être une "plus grande France" (formule qui désignait l'empire français)…

Les hommes politiques le revendiquent très clairement, qu'il s'agisse de Mitterrand, de Chirac ou de Sarkozy, on retrouve toujours dans leurs discours l'idée que "la France doit garder son rang dans le monde". On sent bien que c'est l'argument qui légitime le maintien de cette présence militaire en Afrique. Bien sûr cette présence offre de nombreux avantages : elle conditionne, dans une large mesure, la possibilité d'entretenir des situations de monopole économique dans certains pays et de surveiller des ressources stratégiques.

D'ailleurs certains régimes africains comme ceux du Tchad ou de la Centrafrique ne tiennent que par la force des armes, que par le soutien de l'armée française.

Depuis les indépendances, le prétexte majeur du maintien de la présence militaire française c'est de défendre les pays africains, avec lesquels on a passé des accords militaires, contre des agressions extérieures. Dans les faits, il n'y a quasiment jamais eu d'agressions extérieures, l'armée française n'a servi qu'à gérer les problèmes internes à des régimes confrontés à des rébellions armées ou à des mouvements populaires.

Le plus souvent, les armées des Etats africains postcoloniaux se comportent vis-à-vis de leurs propres populations comme des armées d'occupation. Leurs forces armées sont conçues avant tout pour répondre au péril de l' "ennemi intérieur" et non à celui d'une agression extérieure. Vos analyses montrent clairement la responsabilité de la France dans cet état de choses.

Absolument, ça faisait partie du kit théorique doctrinal qui a été inculqué aux officiers africains formés dans les écoles militaires françaises. Il faut rappeler qu'au moment des indépendances, les armées africaines sont créées de toute pièce : elles constituent alors une sorte de prolongement de l'armée coloniale française. Les armées africaines sont des filiales de l'armée française, elles sont structurées sur le même modèle, formées à partir de la même idéologie : la doctrine militaire de la "guerre révolutionnaire", de la "contre-insurrection" qui veut que le rôle principal de l'armée soit le "contrôle de la population". Mais pour les armées africaines, il ne s'agit pas du contrôle d'une population étrangère comme dans le cas de l'armée française en Algérie. La mission des militaires africains est de contrôler leurs propres populations, mais avec les mêmes méthodes que l'armée française a employées dans ses guerres coloniales. C'est ce qui s'est passé au Cameroun, au moment de l'indépendance, dans la guerre sanglante menée contre les maquis de l'UPC (Union des Populations Camerounaises). Dans le cas du Rwanda, le chercheur Gabriel Périès a retrouvé des mémoires d'officiers rwandais, formés en France dans les années 80-90, dans lesquels on retrouve cette obsession de lutter contre l'ennemi intérieur, de mettre en œuvre des tactiques contre-insurrectionnelles. Menée à son terme, la logique du " contrôle de la population " conduit au génocide…

En dressant la généalogie de la guerre contre-insurrectionnelle, votre livre souligne les continuités et similitudes qui existent entre guerres coloniales d'Indochine et d'Algérie et guerres postcoloniales du Cameroun (une guerre occultée) et du Rwanda.

Je n'ai fait que rapporter des travaux qui existent sur le sujet. Officiellement, depuis la fin de la guerre d'Algérie, ces théories contre-insurrectionnelles sont remisées et des méthodes comme la torture ou la guerre psychologique proscrites. Dans les faits, il y a eu une première vague d'exportation des tactiques anti-subversives françaises à destination des dictatures sud-américaines : des gens comme le général Aussaresse (connu pour ses révélations sur l'usage systématique de la torture en Algérie) ont pu ainsi continuer à transmettre leur " savoir-faire "… Puis ce savoir-faire anti-insurrectionnel a été recyclé en Afrique francophone pour gérer les indépendances et la période post-indépendance. Moi, ce que j'ai essayé de montrer, c'est que cette tradition de la "guerre révolutionnaire" se poursuit aujourd'hui, de façon plus subtile. Quand on lit les publications militaires contemporaines, on retrouve des références à des gens comme Trinquier (théoricien principal de la "guerre contre-insurrectionnelle"), mais aussi des références aux techniques de conquête coloniale de Liautey ou de Gallieni (guerres coloniales de "pacification" fin 19ème - début 20ème siècle) ; des stratèges qui reviennent au goût du jour quand il s'agit de penser des situations de conflit comme celles de l'Afghanistan ou de la Côte d'ivoire.

Sur le plan des savoir-faire et des discours, l'armée française entretient donc un rapport intime avec son histoire coloniale. Y a-t-il une spécificité de l'armée française de ce point de vue là ?

Les militaires français considèrent qu'il y a une tradition culturelle française plus forte que celle des anglo-saxons sur le plan du contact avec les populations. L'armée française prétend détenir un vrai savoir-faire lui permettant de mieux se faire accepter en tant qu'armée d'occupation. C'est la question du "contrôle des populations". Pour les militaires français, il ne faut pas faire comme les Américains qui arrivent, militairement par la force, et qui ensuite se barricadent. L'armée française se flatte d'être capable d'agir de manière psychologique, en menant des opérations "civilo-militaires" pour faire accepter auprès des populations civiles la présence des militaires. Toujours avec cette idée, qui remonte à l'Indochine, qu'on va pouvoir séparer dans la population le bon grain de l'ivraie, et couper les rébellions de leurs bases populaires.

L'armée française a-t-elle recours à des savoirs de type ethnologique dans son approche des populations des pays occupés ?

Quand on gratte un peu, on retombe toujours sur une espèce de prêt à penser, directement issu de la période coloniale. Les forces spéciales françaises sont sensées, en plus d'un savoir-faire proprement militaire, posséder un savoir culturel, ethnologique qui les rendrait plus à même d'opérer dans certaines zones géographiques du monde, en particulier en Afrique. Ces savoirs "culturalistes" reposent sur des conceptions complètement dépassées d'un point de vue universitaire. Quand on lit des interventions d'officiers dans des colloques, on trouve des choses absolument ahurissantes comme : "la présence de l'armée française est nécessaire parce que les Africains ont du mal à se projeter dans l'avenir". Les mêmes clichés éculés qui émaillaient le discours de Dakar de Sarkozy : ce vieux fond colonial qui prétend être une connaissance permettant une intervention sur des populations.

Revenons sur le cas du Cameroun, le premier pays africain, en 1960, à accéder à l'indépendance (le 1er janvier). Du milieu des années 50 au début des années 70, il s'est produit une véritable guerre dans ce pays : des dizaines de milliers de morts, plus de 100 000 selon certaines sources. Cette guerre menée contre l'UPC par un régime à la solde de la France relève-t-elle, elle aussi, de la guerre "anti-insurrectionnelle" ?

Le chercheur Gabriel Périès a montré récemment comment les dispositifs mis en place en Algérie ont été décalqués au Cameroun à la même époque (2). Le quadrillage des territoires, la torture à grande échelle, la déportation des populations, la politique de la terre brûlée, tout ce qui se faisait en Algérie a été repris tel quel au Cameroun. Il faut signaler sur le sujet l'excellent documentaire "Autopsie d'une indépendance" (3) dans lequel on peut entendre Mesmer déclarer à propos des bombardements des villages au napalm que "ce n'est pas important". Ce sont des choses qui, ces dernières années, commencent à remonter à la surface.

Cela remet donc complètement en question le mythe d'une "décolonisation douce"…

La " décolonisation en douceur " reste la version officielle si l'on se réfère aux programmes scolaires en histoire au collège ou au lycée. Un des enjeux de l'étude de la décolonisation c'est de montrer qu'il y a eu, d'un côté, une décolonisation violente, celle de l'Algérie et, de l'autre, une décolonisation qualifiée de pacifique, de "douce". Les cas du Cameroun et de Madagascar suffisent à montrer que c'est un mythe complet : le mythe des indépendances en douceur préparées par Deferre et de Gaulle après la conférence de Brazzaville en 46. Dans les faits, tout ce qui a été concédé par la France l'a été contre le gré de la métropole, souvent après des tentatives désespérées de reprise en main violentes. Cela s'est accompagné d'un processus d'élimination des mouvements indépendantistes et de leurs leaders, mais aussi de la promotion d'hommes politiques à la dévotion des intérêts français. Dans l'après-guerre, il y a eu une émergence de mouvements indépendantistes, autonomistes, progressistes, révolutionnaires, un vent d'espoir irrésistible : il y avait des idéologies variées qui mobilisaient les populations, et ces mouvements ont été étouffés, brisés, parfois, comme dans le cas du Cameroun, complètement éradiqués. Il y a donc eu une longue période où les populations africaines ont été orphelines d'un certain nombre de mouvements et de leaders. Ça commence à renaître maintenant avec les mouvements sociaux africains et les contre-sommets où la question de la domination néocoloniale est au centre des préoccupations de la société civile ; qu'il s'agisse de la présence française ou de systèmes plus mondialisés comme la dette et les politiques imposées par le FMI et la Banque Mondiale.

Revenons à l'armée française. Dans votre livre vous mentionnez un "détail" qui fait froid dans le dos : les troupes de marine sont toujours surnommées la "Coloniale"…

Les questions de tradition et d'identité sont des questions extrêmement fortes, en particulier dans les forces spéciales, dans cette composante de l'armée française issue de l'armée coloniale. Les troupes de marine sont extrêmement fières de leur passé colonial, elles en revendiquent l'esprit et les méthodes. Les prises d'armes comme les éditoriaux de leur revue L'Ancre d'or continuent à se clôturer sur ces mots " Et, au nom de Dieu, vive la Coloniale ! "

Et j'imagine qu'on retrouve souvent ces troupes de marine dans les opérations françaises menées en terre africaine.

Elles composent en effet la majeure partie des forces spéciales auxquelles on fait appel lors des opérations sensibles : des opérations "coups de poing", des opérations à forte teneur en renseignement. On les retrouve également dans les opérations européennes (EUFOR). Lors de la première d'entre elles, en République Démocratique du Congo, en 2003, la France s'était flattée d'avoir inculqué un certain nombre de méthodes à des forces militaires européennes, en particulier aux forces spéciales suédoises. Depuis on se demande quelles méthodes puisque parmi ces forces suédoises, certains militaires s'étaient plaints auprès de leur hiérarchie d'avoir eu à subir la vision d'actes de torture pratiqués par des militaires français sur des congolais. Ca a fait beaucoup de bruit en Suède, beaucoup moins en France…

Est-ce qu'il y a un contrôle du Parlement français sur les opérations militaires menées en Afrique ?

Théoriquement, depuis la modification constitutionnelle opérée à l'été 2008, il y a un droit de regard du parlement sur les opérations extérieures, mais un droit extrêmement limité. Les députés ont le droit d'être informé d'une opération extérieure dans les 3 jours après son déclenchement, ils restent donc mis devant le fait accompli. Le parlement ne possède un pouvoir de contrôle que sur les opérations lourdes de plus de 4 mois (qui ne représentent qu'une petite partie des opérations militaires) dont il peut refuser le renouvellement. Il n'y a aucun contrôle par contre sur les opérations secret-défense spéciales et les opérations clandestines de la DGSE.

Le Tchad et la République Centrafricaine (RCA) représentent certainement aujourd'hui l'exemple le plus caricatural de l'ingérence militaire française dans certaines régions d'Afrique. Vous consacrez d'ailleurs une place importante dans votre livre à ces deux terrains d'intervention.

En 2006, en RCA, la France a monté une opération du même type que Kolwezi (sauvetage du régime de Mobutu grâce à l'intervention des parachutistes français) : l'armée française a largué des parachutistes pour reconquérir Birao, dans l'ignorance totale de la population française mais aussi des parlementaires. Cette opération a sauvé le régime du président centrafricain Bozizé. Ce type d'opération reste aujourd'hui tout à fait possible. Plus récemment, lors de la dernière offensive sérieuse des rebelles sur la capitale tchadienne, il y a eu une intervention officielle de l'armée française sous prétexte de sécuriser ses ressortissants. Cette opération a permis de sécuriser l'aéroport d'où ont pu décoller les mercenaires d'Idriss Deby… D'après le journal La Croix, la "sécurisation" de l'aéroport de N'Djamena s'est accompagnée aussi d'une intervention militaire des forces spéciales françaises qui ont pris directement part aux combats contre les rebelles : une opération clandestine qui n'est toujours pas reconnue par les autorités françaises...

Dans son dernier rapport sur la Centrafrique, Human Rights Watch est très critique par rapport aux dernières interventions de l'armée française en RCA.

Dans le rapport qu'elle a publié en 2007, l'ONG a pointé un certain nombre de choses : elle a détaillé la politique de terre brûlée menée par l'armée centrafricaine à l'égard des populations du Nord, des populations accusées de soutenir les mouvements rebelles. Là aussi, on retrouve les techniques coloniales françaises : il s'agit de terroriser les populations afin de priver de leur soutien les mouvements rebelles. Les exactions les plus graves ont été commises dans le sillage direct des interventions militaires françaises. Après la reprise de Birao par l'armée française, cette ville a été ravagée par les forces centrafricaines. A l'époque, dans les journaux, les militaires français ont fait peser la responsabilité des destructions sur les rebelles. On sait depuis qu'il s'agissait d'une tentative de dissimulation qui relève de la complicité de crime de guerre. Il y a également dans le rapport de HRW des photos qui interrogent : on voit des officiers français à proximité directe de l'OCRB (Office Central de Répression du Banditisme), une sorte de milice qui se livre à des exécutions sommaires.

Vu la nature de ses interventions en Afrique, la France est-elle vraiment en mesure de commémorer le cinquantenaire des "indépendances" africaines ?

On sent qu'il y a un gros malaise au niveau de la commémoration de ce cinquantenaire. Ce malaise n'est pas étranger au fait que toutes les interventions orales de Nicolas Sarkozy sur la question de l'Afrique affirment une volonté de rupture avec les pratiques de ses prédécesseurs. Mais en dehors des discours, de rupture on n'en voit pas : c'est toujours le règne des pressions diverses, des émissaires occultes, des accords secrets, des opérations clandestines. On va avoir en guise de célébration des choses assez caricaturales : un défilé du 14 juillet où, sous couvert de rendre hommage aux tirailleurs africains, on va inviter des armées comme celles du Cameroun ou du Congo connues pour leurs exactions envers les populations. La véritable décolonisation et la célébration de cette décolonisation restent à faire...

1. Que fait l'armée française en Afrique ? Editions Agone, oct. 2009.

2. cf. Une guerre noire, enquête sur les origines du génocide rwandais (1959-1994), Gabriel Périès et David Servenay, Editions La Découverte, 2007.

3. Cameroun, Autopsie d'une indépendance, réalisation Gaëlle Le Roy et Valérie Osouf, durée 52', production : France 5 / Program 33, 2007.

Quelques références :
En Centrafrique, stratégie française et enjeux régionaux

État d'anarchie (rapport Human Rights Watch sur la RCA)
Rébellions et exactions contre la population civile

Cameroun : retour sur une décolonisation sanglante

Où est le "centre" de l'Afrique ?

Marchés militaires et économie de la prédation, des pays du lac Tchad et du Soudan occidental au Golfe de Guinée. http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=4394

Cinquante ans de décolonisation africaine



jeudi 20 mai 2010

Tournée de Bassolma Bazié, secrétaire adjoint de la CGT du Burkina Faso

Paris, Lyon, Nîmes, Perpignan, Toulouse : tournée de Bassolma Bazié de la CGT B (Burkina Faso)

Nîmes: Mardi 25 mai à 19H au Centre Pablo Neruda
Perpignan : Mercredi 26 mai à18h au local de la CNT-66, Cour F, HLM st Mathieu, 39 rue des Rois de Majorque.

Tournée en France, organisée par le SI de la CNT, de Bassolma Bazié secrétaire adjoint de la CGT du Burkina Faso.
La CGT- B, créée en 1988, se revendique du syndicalisme révolutionnaire.
Elle contribue à la lutte pour de meilleures conditions de vie et de travail et pour les libertés. Aujourd’hui elle est présente sur tout le territoire et dans la plupart des champs professionnel. Elle participe à l’Unité d’Action syndicale et à la coalition contre la vie chère. Non seulement elle lutte par la grève pour défendre les travailleurs-euses et le service public, mais elle gère aussi une école démocratique populaire et se mobilise contre les OGM. Enfin elle vise à soutenir et populariser les luttes des autres travailleurs-euses de par le monde.
Cette rencontre est l’occasion de discuter de la situation sociale et des luttes au Burkina Faso :
– Luttes contre la vie chère et la dernière grève contre la Taxe de Développement Communal
– Luttes contre les actions du gouvernement et la corruption
– Luttes contre les multinationales comme en 2009 contre Total.

lundi 10 mai 2010

Or noir: enjeux d'une histoire de l'esclavage, à Montpellier le 20 mai

cliquer sur l'image pour l'agrandir

Sur ce thème, lire:
par Henry Louis GATES Jr. 

http://www.ouest-france.fr/region/paysdelaloire_detail_-En-1815-La-Bonne-Mere-troque-355-esclaves-_8620-1364687_actu.Htm

Pays de la Loire

En 1815, La Bonne Mère troque 355 esclaves

vendredi 07 mai 2010

À la veille de la commémoration de l'abolition de l'esclavage, un document très rare montre l'inhumanité de la traite. Il s'agit du journal de 1815 d'un navire négrier nantais.

Repères « Cinq nègres et deux négresses »
C'est un journal de traite, un document privé, on pourrait dire secret, propriété du seul armateur. Ce journal raconte dans le moindre détail la partie commerciale d'une expédition de 1815. Au fil de 27 pages de ce grand cahier parcheminé sont consignés, jour après jour, et avec une grande minutie, les trocs réalisés par le navire La Bonne Mère sur la côte de l'actuelle Guinée. Et la vente des esclaves aux Antilles.
Le 5 mai, le chef africain Besse Pepel remet ainsi « cinq nègres et deux négresses » contre quatre barils de poudre, dix barres de fer, trois parasols, des toiles indiennes, trois ancres, des chapeaux, des mouchoirs de Cholet, du plomb... Parti de Nantes en février, le bateau passe deux mois sur la côte africaine, achetant les esclaves par petits lots. Le capitaine va embarquer au total 355 esclaves. Il en vendra 340 car 15 d'entre eux meurent « de fièvre ataxique et de dysenterie », précise le chirurgien-major du bord.
Un capitaine de Paimboeuf
La Bonne Mère est construit à Nantes en 1802 pour l'armateur nantais Trottier, qui demeure dans l'Île Feydeau. Désarmé sous l'Empire, ce bateau de 350 tonneaux, mené par 35 hommes d'équipage, reprend du service en 1815 pour les armateurs nantais Salentin et Van Neunen. Le capitaine Leglé est originaire de Paimboeuf, l'avant-port de Nantes dans l'estuaire de la Loire. En septembre, le navire est saisi par les Anglais à Pointe-à-Pitre, précise l'universitaire Serge Daget dans son répertoire des expéditions négrières françaises entre 1814 et 1850. On ignore comment le journal de traite est arrivé jusqu'à nous. L'actuel propriétaire, qui vient de le confier à l'association nantaise Les Anneaux de la Mémoire, veut préserver son anonymat.
À propos de ce navire, Serge Daget écrivait : « On ne sait rien sur la traite. » Ce n'est plus le cas. L'historien Jean Breteau parle d'un document choc. « L'accumulation de détails révèle la totale maîtrise d'un commerce qui va encore prospérer, et même prendre de grandes proportions jusqu'en 1830, pendant ces années où la traite est illégale. L'extrême précision des comptes fait ressortir l'inhumanité et le crime de ce commerce. »
Une exposition à Paimboeuf
Le journal va être étudié par Eric Saugera, spécialiste de la traite nantaise et bordelaise. Puis son contenu sera présenté et mis en perspective, cet été, à Paimboeuf (à partir du 18 juin sur le port). Il se trouve que l'association Les Anneaux de la Mémoire préparait une exposition consacrée au passé négrier de l'ancien avant-port nantais. « Ce journal, en lien avec Nantes et Paimboeuf, est un formidable cadeau », note Jean Breteau.
L'association a joué un rôle pionnier dans la connaissance, par le grand public, du passé négrier de Nantes. Depuis elle continue son travail de recherche et de vulgarisation. Et développe des liens avec les pays concernés en Afrique et aux Amériques. Ce travail, depuis vingt ans, explique sans doute que ce soit aux Anneaux de la Mémoire que le propriétaire a confié le précieux journal.
Marc LE DUC.