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Blog régional de l'association Survie (Aude, Gard, Hérault,Lozère,Pyrénées-orientales)

lundi 26 décembre 2011

Palabres africaines, Montpellier, 21 janvier 2012 : Frantz Fanon toujours vivant

Survie LR organise à nouveau, dès janvier 2012, les Palabres africaines à Montpellier, avec la collaboration du Collectif du 10 Mai.
 A l'occasion du cinquantenaire de la mort de Frantz Fanon (6/12/1961), nous organisons, le 21 janvier 2012, à la Médiathèque Federico-Fellini (Polygone à Montpellier), de 14h à 18h30, une après-midi avec la Présidente de la Fondation Frantz-Fanon, Mireille Fanon-Mendès France.

Programme :
14h : projection du film Mémoires d'asile d’Abdenour Zahzah
Portrait du psychiatre et théoricien révolutionnaire Frantz Fanon.
Né en 1925 à la Martinique, il fut résistant au pétainisme colonial (il rallia les Forces Françaises Libres des Caraïbes), psychiatre noir chez les blancs de métropole, puis en Algérie, membre du FLN, poète, écrivain, puis ambassadeur de la République Algérienne auprès de l'Afrique Noire. Personnage emblématique des années 60 et 70, ce jeune homme noir auteur de nombreux ouvrages dénonçant avec passion le racisme et le colonialisme, fut admiré des Black Panthers, des jeunes révolutionnaires du Tiers-Monde et d'Europe.
Algérie/France, 2002, Documentaire, 52mn, Vidéo, Couleur, VOST

15h - 18h : conférence de Mireille Fanon Lire notre monde d'aujourd'hui avec Frantz Fanon, suivie d'un débat
Les livres de Fanon et ceux diffusés par Survie seront exposés
Plus d'infos

dimanche 25 décembre 2011

Deux grandes dames

éditorial de Billets d'Afrique et d'ailleurs... par Odile Tobner, décembre 2011

« Les gens admirables en qui le système se personnifie sont bien connus pour n’être pas ce qu’ils sont ; ils sont devenus grands en descendant au-dessous de la réalité de la moindre vie individuelle. »
Guy Debord, La société du spectacle
Deux grandes dames, une même sensibilité aux douleurs de ce triste monde : c’est ce que révèle la photo de l’accueil de Danielle Mitterrand par Chantal Biya, le 1er avril 2008, dans le salon oriental du Palais de la présidence du Cameroun, un mois après que la répression de manifestations d’opposition eût fait 150 morts dans les villes camerounaises. Pendant qu’on jugeait en masse les fauteurs de désordre, la fête ne fut pas troublée.
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Danielle Mitterrand reçue par Chantal Biya, le 1er avril 2008 au Palais de la présidence du Cameroun
C’est au titre de sa fondation France-Libertés que Danielle Mitterrand est alors au Cameroun, celle-ci soutenant, paraît-il, la création à Douala d’une école d’ingénieurs par un cadre d’Alcatel. Surtout, son combat pour l’accès à l’eau imposait sans doute un passage par le palais de Biya, voie d’accès traditionnelle à toutes sortes de liquide pour nos politiciens français.
Comme c’est commode ces fondations de premières dames, d’anciens présidents et autres notabilités. A quoi servent-elles ? Le rapport de France-Libertés pour 2010 tient en six petites pages, photos incluses, pour un budget de 1 193 365 euros. Mais foin de ces préoccupations bassement matérielles puisque, comme chacun sait, ces fondations ne poursuivent qu’un but : le bien. La Fondation Chantal Biya se consacre à la lutte contre le sida, quand France Libertés « défend activement les Droits de l’homme ». Les médias ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, tous saluant d’une seule voix l’intransigeante vertu de la grande conscience socialiste, l’intrépide rebelle qui, faisant fi des périls, défendait avec un courage inouï la cause du peuple tibétain et celle des Indiens du Chiapas.
Aux méchants, qui l’accusent d’avoir méprisé les exigences de la realpolitik, nous opposons le démenti le plus ferme, et nous ajoutons le plus méprisant : on ne l’a jamais vue au côté des opposants aux terribles dictatures installées depuis des décennies en Afrique subsaharienne – demander la libération de Mandela après que tout le show bizness anglosaxon se fut rallié à la cause anti-apartheid était bien le moins de la part de notre première dame. Elle n’est pas allée jusqu’à exiger la vérité sur l’assassinat, le 29 mars 1988, de Dulcie September, représentante de l’ANC à Paris. On ne l’a jamais surprise à soutenir le peuple ogoni dans sa lutte contre les compagnies pétrolières qui ravagent le delta du Niger, ni à se faire photographier aux côtés de leur leader Ken Saro Wiwa ; on ne l’a jamais entendue s’élever contre le pillage du Niger par Areva et l’empoisonnement des enfants touaregs par les déchets de l’uranium, jamais elle ne se hasarda à « défendre activement les droits » des hommes qui ont le mauvais goût de vivre et de mourir dans les zones où la France a planté ses griffes. Demandez donc aux rescapés du génocide des Tutsi en 1994 ce qu’ils pensent de notre rebelle nationale.
Bien loin de placer parfois son mari « dans des positions diplomatiques délicates », comme d’aucuns le prétendent, elle constituait au contraire un élément clé de sa diplomatie. Pendant que Mitterrand père et fils soutiennent le régime génocidaire du Rwanda, France libertés fait diversion en « dénonçant le sort tragique des populations kurdes ».
N’est-ce pas au fond ce rôle-là surtout que partagent nos grandes dames ? Quand ces messieurs repeignent l’Afrique en rouge sang, ces dames arpentent le trottoir des bons sentiments où elles exhibent leur gros coeur dans de nobles causes photogéniques et inoffensives.
Voilà pourquoi, faisant fi des censeurs, il faut oser affirmer qu’en ce 1er avril 2008, sur le canapé rouge du salon oriental de Mme Biya, Danielle Mitterrand était bien à sa place : l’ex-première dame de la Françafrique passant le flambeau à son émule.

La France a perdu l'avenir en Afrique

Récompensé il y a quelques jours par l'Organisation internationale de la Francophonie (1), l'écrivain et professeur camerounais Patrice Nganang a saisi l'occasion pour adresser à Abdou Diouf, secrétaire général de l'OIF, cette lettre ouverte qui dénonce «l'implication directe de l'OIF dans le maintien de la tyrannie qui étrangle le Cameroun depuis 1984», et encore en octobre dernier.

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puceinvite.jpgMonsieur le président,
 
Je vous remercie pour l'audience que vous m'avez accordée, en marge du prix de la Francophonie que j'ai reçu de vos mains.
Cette audience pour moi c'est le prix en réalité. C'est elle seule qui me fait venir à Paris, parce que sinon j'aurais refusé le prix. Je l'aurais refusé, moins parce que l'installation de mon pays dans la zone francophone aura eu lieu au prix de l'éradication de l'écriture shümum que mon roman primé Mont plaisant raconte, qu'à cause de l'implication directe de l'Organisation internationale de la francophonie dans le maintien de la tyrannie qui étrangle le Cameroun depuis 1984, et surtout à cause de la caution qu'elle aura donné au coup d’État constitutionnel qui y a eu lieu ce 4 septembre 2011. En effet, lors de la session parlementaire du 11 octobre 2011, M. Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères de France, dit que les élections présidentielles eurent lieu au Cameroun ce 9 octobre 2011 «dans des conditions acceptables». Il précisa que son jugement, il le basait sur le rapport de l'organisation dont vous êtes le secrétaire général. Plus tard le président Nicolas Sarkozy félicitait Paul Biya.
 
Nous savons, monsieur le président, que la délégation de l'Organisation internationale de la francophonie qui supervisa les élections du 9 octobre était dirigée par le major Pierre Buyoya qui lui-même n'a jamais accédé au pouvoir dans son pays que par des coups d’État; nous savons que le travail de cette délégation au Cameroun était pratiquement téléguidé depuis le cabinet civil de la présidence de la République du Cameroun. Et puis, sur la base des observations de la plateforme «09-10-11 Touche pas a mon vote!» que j'ai constituée avant les élections, plateforme qui a formé près de 2000 scrutateurs déployés à travers le pays, réuni 7 partis politiques et était fondée sur la collaboration entre 7 leaders politiques dont 4 candidats à l'élection; sur la base de ma collaboration parallèle à une plateforme, le Front Uni de la Diaspora Camerounaise, unissant de multiples organisations de la diaspora camerounaise, je puis dire ceci sans avoir peur de me tromper: la Nation camerounaise a été exclue des élections du 9 octobre. La Nation camerounaise, ce sont les 70% du peuple camerounais qui à l'intérieur, et les 99,5% qui à l'extérieur du Cameroun n'ont pas voté, chiffres précisés par deux organisations bien respectées d'observation des votes. Oui, monsieur le président, nous qui n'avons pas voté le 9 octobre 2011, nous sommes la Nation camerounaise.
 
Monsieur le président, j'ai demandé une audience, parce que je voulais vous dire de vive voix notre frustration, oui, notre colère d'avoir été ainsi privés de notre droit fondamental: la possibilité de choisir le dirigeant que nous voulons, pour le bien-être de notre pays. Je vous écris cette lettre parce que les violations de droits minimaux qui ont précédé l'élection du 9 octobre auraient rendu toute reconnaissance de ses résultats impossible: interdictions de conférences, kidnapping de leaders politiques, mise en résidence surveillée, fermeture des frontières du pays; tout a été mis en œuvre par le pouvoir pour nous empêcher, pour empêcher la Nation camerounaise donc, de participer effectivement au choix de son dirigeant. Je vous écris cette lettre au lieu de vous dire ces vérités, parce qu'il m'a été prévenu que durant cette audience, je ne devrais pas vous parler de politique, mais de littérature. Cette note ne m'a cependant pas interdit de vous écrire de lettre sur la politique camerounaise – et je suis écrivain.
 
Monsieur le président, il nous est demandé aujourd'hui d'accepter le fait accompli de la victoire du tyran, bref, de vivre pendant sept ans avec la réalité du coup d’État constitutionnel qui a eu lieu au Cameroun. Il nous est demandé de prendre acte de l'écrasement de fait de la Nation camerounaise par un pouvoir qui aujourd'hui ne se maintient plus que par la force du BIR, le Bataillon d'Interventions Rapides. Il nous est demandé de consacrer par notre silence consentant, la subjugation de la Nation camerounaise, et surtout d'une partie d'elle, les Anglophones, à un ordre politique qui est basé sur le non-respect de nos droits fondamentaux. Il nous est demandé en somme, d'accepter le fait accompli d'une politique qui aujourd'hui nous ramène à une vision tribale des citoyens que nous sommes, politique formulée en 1956 quand la république du Cameroun n'était que francophone, et qui organise la gestion publique des affaires de notre pays selon un axe Nord-Sud pour la satisfaction effective de la France – or cet axe est porteur de violences futures inévitables.
   
Dire que le Cameroun n'est pas seul dans cet enfer! La Francophonie est devenue le Temple de la Tyrannie, avec ses présidents élus pour deux générations comme au Cameroun, ou ses démocraties héréditaires comme au Togo et au Gabon. Et pour cause! Nous savons que la France est la seule ancienne puissance coloniale qui croit pouvoir nous maintenir silencieux infiniment au moyen de ses milliers de militaires postés ici et là en Afrique. Nous savons qu'elle ne recule pas devant des coups d’État constitutionnels ou militaires, pour imposer son ordre politique dans nos pays – et la centaine de coups d’État en Afrique depuis 1960 nous l'a appris. Nous avons vu en Côte d'Ivoire en 2002 qu'elle ne recule pas non plus devant une guerre civile quand il s'agit d'imposer sa manufacture politique de la gestion de nos pays, ou de défendre ses intérêts. Nous avons vu au Rwanda en 1994, qu'elle ne recule pas devant le soutien à des pouvoirs génocidaires, pour maintenir nos pays dans le giron francophone: et la politique de l'axe Nord-Sud n'a d'ailleurs été imposée dans notre pays qu'au prix du génocide bamiléké et bassa. Nous savons que c'est au Cameroun parce que coupé entre le français et l'anglais, que la bataille pour le futur de la francophonie en Afrique sera décidée, car c'est la géopolitique de notre pays autant que ses richesses, qui dicte la décision de Paris de nous transformer en indigènes, nous qui sommes pourtant nés citoyens. Mais nous savons aussi ceci: aucun fait accompli politique n'est éternel. La Nation camerounaise ne pourra pas éternellement être frustrée de ses droits. La bataille pour notre libération, si nous ne la menons pas aujourd'hui, nos enfants la mèneront demain. Aujourd'hui cependant, nous pouvons dire ceci avec certitude: la France a déjà perdu l'avenir en Afrique. Toute organisation qui ne reconnaît pas cette réalité est condamnée. Voilà ce que ne pouvant vous dire comme citoyen, je suis obligé de vous écrire comme écrivain. Monsieur le président, aidez la Nation camerounaise! 

(1) Vendredi 9 décembre, au siège de l'OIF à Paris, Patrice Nganang a reçu des mains d'Abdou Diouf la mention spéciale du Jury du Prix des 5 continents  pour son roman Mont Plaisant paru aux éditions Philippe Rey.
Source: Mediapart
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Patrice Nganang est né en 1970 à Yaoundé, au Cameroun. Il est connu pour son engagement contre les dictatures africaines, en particulier celle du Cameroun. Patrice Nganang enseigne la théorie littéraire à l'Université d'État de New York.

Romans
La Promesse des fleurs, 1997 (ISBN 2738447066)
Temps de chien, 1999 (ISBN 2-84261-419-4)
La Joie de vivre, 2003 (ISBN 2-84261-439-9)

Nouvelles
Dernières nouvelles du colonialisme, 2006 (ISBN 2-911412-40-0)

Contes
L’Invention du beau regard, 2005 (ISBN 2-07-077271-3)

Essais
Le principe dissident, 2005 (ISBN 9956-435-00-7)
Manifeste d'une nouvelle littérature africaine, 2007 (ISBN 2-915129-27-4)
L'Afrique répond à Sarkozy - Contre le discours de Dakar, ouvrage collectif, 2008 (ISBN 978-2-84876-110-7).

vendredi 16 décembre 2011

Africa24, outil de propagande

par Billets d’Afrique et d’ailleurs..., 13 décembre 2011

C’est à Saint-Cloud, début novembre que le président équato-guinéen Obiang Nguema, qui dirige d’une main de fer depuis 1979 l’un des régimes les plus corrompus de la planète, a inauguré les locaux de sa chaîne d’information Africa24, qu’il a entièrement financée depuis sa création en 2009.
Africa24 emploie 85 salariés et a été fondée en 2009 grâce à un investissement de 10 millions d’euros de la Guinée-Equatoriale qui en détient 20%. Son président, le Camerounais Constant Nemale, en détient les 80% restant.
Celui-ci n’a pas tardé à révéler la véritable utilité d’Africa24 en dénonçant « tous ceux qui passent leur temps à détruire l’image de la Guinée-Equatoriale », « Vous êtes ici en famille », a-t-il lancé à Obiang en promettant qu’Africa24 se fera « une obligation morale » de « combattre jusqu’à ce que l’Unesco attribue le prix Obiang ». La directrice de l’Unesco, Irina Bokova, s’oppose en effet à la remise de ce prix scientifique, financé à hauteur de trois millions de dollars par Obiang en raison de son passif en matière de corruption et de respect des droits de l’homme.
Début octobre, l’Unesco avait remis toute décision au printemps 2012 après les derniers développements en France de l’enquête des Biens mal acquis dans lequel est impliqué Obiang, notamment la saisie fin septembre de onze voitures de luxe du fils aîné et successeur pressenti de M. Obiang, Teodorin. Quelques jours après, Obiang nommait Teodorin ambassadeur adjoint de son pays à l’Unesco, lui permettant ainsi de bénéficier d’une immunité diplomatique si la justice française voulait l’interroger.
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France : inauguration des installations de la chaîne de télévision Africa 24 
par Marie-Alfred Ngoma , Les dépêches de Brazzaville, 09/11/2011

De retour du G20, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, président de la République de Guinée équatoriale et président de
l'Union africaine (UA), accompagné de son épouse, a inauguré les locaux de la chaîne Africa 24

Le samedi 5 novembre à Saint-Cloud (près de Paris), Africa 24 a déployé officiellement ses faisceaux télévisuels. En effet, après le sommet du G20 à Cannes, sur le chemin du retour vers Malabo, le président équato-guinéen a inauguré les locaux d'Africa 24. Il a été accueilli par Jean Ping, président de la Commission de l'UA ; Rachad Farah, ambassadeur de Djibouti en France, représentant l'ensemble du corps diplomatique africain en lieu et place du doyen des ambassadeurs, Henri Lopes ; Sylvestre Mamina, ministre conseiller à l'ambassade du Congo en France ; Constant Nemale, PDG de la chaîne ; Yacine Barro, directrice déléguée ; et Serge Yanic Nana, membre du comité stratégique.

Selon les responsables de la chaîne d'information créée en 2008, totalement financée par la Guinée équatoriale, « la chaîne d'information à vocation panafricaniste est devenue la chaîne la plus regardée en Afrique francophone ». Une évolution rapide et importante dont s'est félicité Teodoro Obiang Nguema Mbasogo en soulignant, par ailleurs, qu'« Africa 24 n'est pas le patrimoine de la Guinée équatoriale, mais plutôt une chaîne pour toute l'Afrique ». Ces propos ont été repris d'une façon unanime par l'ensemble des interlocuteurs. Pour Rachad Farah, « le nouvel outil médiatique africain servira de pont de dialogue entre Africains... un pont de la diversité africaine... »

Constant Nemale a rappelé que ce projet a été réalisé grâce à une confiance initiale immédiate obtenue auprès de la Guinée équatoriale, qui a investi 10 millions d'euros. Ce partenaire institutionnel détient 20% de la chaîne, dont 80% sont la propriété du PDG. Le fondateur de la chaîne a annoncé vouloir ouvrir le capital d'Africa 24 aux autres pays africains. Sa croissance exponentielle permettra à la chaîne de l'information en continu de réaliser son ancrage en Afrique et pourra réaliser la diversification des programmes en arabe, en anglais et en espagnol.

À travers les interventions, l'ensemble de la rédaction d'Africa 24, constitué de 85 employés issus d'une soixantaine de nationalités différentes, a pu évaluer les attentes de tout un continent quant au traitement de l'information et de la culture de l'Afrique par les Africains. C'est devenu une priorité, « un essai médiatique afin que les Africains puissent se parler », a confié Constant Nemale. À propos de la culture, le groupe Magic System, par la voix de son chanteur Asafo, a lancé un appel vibrant aux dirigeants africains et à la chaîne : « À côté de l'information, faites une place à la culture. C'est le meilleur vecteur de valorisation de nos différents pays... »

À l'issue de la cérémonie, le président de l'UA s'est prêté à une conférence de presse, où il a été question du G20 et du prix Unesco portant le nom de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. 


 

mercredi 14 décembre 2011

Madagascar : le pillage

 

L’accaparement des terres en Afrique ne date pas d’aujourd’hui. Elle a commencé avec la colonisation mais le processus s’accélère actuellement avec des sociétés d’investissement qui achètent des terres laissées en friches et profitent de la demande accrue de surfaces cultivables pour spéculer. Le cas de Madagascar est édifiant. Interview de Mamy Rakotondrainibe, présidente du Collectif pour la Défense des Terres Malgaches (TANY).
Billets d’Afrique (BDA) : Pour quelles raisons Madagascar est-elle particulièrement touchée par l’accaparement des terres ?
Mamy Rakotondrainibe : Les autorités malgaches cherchent à attirer les investisseurs afin d’obtenir des fonds pour alimenter leurs budgets (sans parler de la corruption). 70% des recettes du budget de l’Etat dépendent de l’extérieur depuis plusieurs années. Ceci explique l’intense recherche d’investisseurs à travers le monde avec des offres alléchantes dont les terres agricoles font partie. D’autre part, de nombreuses surfaces sont considérées comme non cultivées, soit parce que la densité de population est faible, soit que l’eau est insuffisante pour des cultures de grandes surfaces. Sur ces terres vivent des familles dispersées ou regroupées en petits hameaux, où elles assurent leur alimentation de subsistance.
Quelles sont les sociétés étrangères qui tentent d’accaparer des terres à Madagascar et y-a-t-il parmi elles, des sociétés françaises ?
La célèbre affaire Daewoo (1,3 millions d’ha) est devenue emblématique du problème de l’accaparement des terres et a montré que Madagascar était particulièrement vulnérable face à ce type de prédation. Grâce à la mobilisation nationale et internationale, ce projet n’a pas pu se réaliser, et a contribué en partie à la chute de Marc Ravalomanana. Il existe bien d’autres cas d’accaparement de terres en cours à Madagascar. On peut citer l’action des sociétés indiennes comme Varun sur des surfaces situées dans le nord et l’ouest de l’île, et Landmark dans le centre sud. Des investisseurs australiens, mauriciens, des Européens comme l’Italie, l’Allemagne et le Royaume-Uni sont également cités dans les rapports de recherches. Sont présentes des sociétés françaises comme le Groupe Cailler, Soabe et New Ecological Oil en plus de Sopremad, un groupe mixte franco- malgache. [1]
Le Collectif TANY s’oppose à la vente des terres et aux baux emphytéotiques (location pour 50 ou 99 ans) et rejoint d’autres représentants de la société civile dans leur lutte pour aboutir à la transparence de toutes les tractations. Le Collectif réclame particulièrement l’annulation de la loi 2007-036 sur les investissements qui autorise l’achat de terres par les étrangers à partir du moment où ils sont associés à des Malgaches. La conséquence pratique est que souvent l’investissement est réalisé sous couvert d’une entreprise malgache.
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Madagascar 2010
Photo sous licence Creative Commons de Isem
Que rapporte à l’Etat malgache cette politique sur les terres ?
Sur les ventes de terres, on ne connait pas les sommes rapportées car les dossiers sont opaques. Cette situation alimente la suspicion de corruption, sinon pourquoi ce manque de transparence ? Les locations pour les baux emphytéotiques aurait été de 0,80 dollar US par hectare et par an [2]. Nous ignorons, par contre, les chiffres réels que les redevances et rentrées fiscales de ces locations de terres ont rapporté à l’Etat, aux régions et aux communes.
Dans certains contrats, sont évoquées des contreparties telles que la construction de routes, d’écoles, de puits, quelquefois de centres médicaux que les investisseurs fournissent à la place de l’Etat. Dans d’autres dossiers, rien n’est écrit et les contreparties sont seulement formulées oralement avec les autorités locales ! Ces contreparties pour l’Etat et les populations doivent faire l’objet d’études concrètes et minutieuses pour vérifier leur impact. C’est en effet, le principal argument avancé par les autorités et les défenseurs des investisseurs dont la préoccupation n’est pas la souveraineté du pays ni l’indépendance alimentaire des générations malgaches futures .
L’Etat de la juridiction foncière, présente-t-elle des ambiguïtés qui favorisent l’accaparement des terres ?
Les lois malgaches sur le foncier, se sont longtemps appuyées sur les textes issus de la colonisation dont le but était de favoriser les titres de propriété pour l’acquisition de terres par les colons (à l’origine la terre appartenait à la collectivité) Pour que le paysan puisse être propriétaire reconnu par la loi de la terre qu’il cultive, il doit posséder un titre délivré par les services fonciers. Ceci nécessite beaucoup de temps, des moyens financiers considérables et d’affronter une procédure administrative complexe. Pendant la colonisation et jusqu’en 2009, il existait une trentaine de services fonciers dans ce pays vaste comme la France et le Benelux réunis. Ainsi, en plus de cent ans, 400 000 titres ont été délivrés et seulement 1/15 de la surface de Madagascar a été immatriculée. Après la décolonisation, les terres non titrées sont devenues propriétés de l’Etat malgache. En conséquence, la majeure partie des paysans non posseurs de titre, cultivent des terres qui appartiennent de fait à l’Etat. C’est ce qu’on appelle la présomption de domanialité, alors que le droit coutumier n’est pas pris en compte. Donc l’état peut vendre les terres et les louer comme il l’entend.
C’est en 2005, qu’une réforme foncière essaye de modifier cet héritage colonial en reconnaissant les droits locaux en distinguant les propriétés privées titrées et les propriétés privées non titrées. La gestion des propriétés privées non titrées a été confiée aux collectivités décentralisées avec la création de « guichets fonciers » plus proches des populations où peuvent s’acquérir des certificats fonciers délivrés par les communes [3], beaucoup moins chers et plus rapides à acquérir. En cinq ans, 416 communes sur 1559 sont munis d’un guichet foncier et 60 000 certificats ont pu être ainsi délivrés [4]. Suite à la crise politique de 2009, les bailleurs de fonds qui soutenaient les guichets fonciers, ont arrêté leur financement ce qui a entrainé un ralentissement de la certification foncière et seules les communes qui en avaient les moyens ont pu poursuivre ce travail.
Les anciennes lois profitaient surtout à l’état malgache, on se doute que l’application de ces nouveaux textes ne font pas partie des urgences gouvernementales !
La loi 2007-036 qui facilite la vente des terres aux investisseurs étrangers, (dont le décret d’application n’est jamais paru), est citée comme référence dans une circulaire d’octobre 2010. Cette circulaire évoque une centralisation de l’attribution des terres de vastes surfaces aux investisseurs. Le document délivré à la fin des procédures de demande de bail emphytéotique décrites par cette circulaire s’appelle « titre spécial ». Le nom de ce document va sûrement créer sur le terrain une grande confusion en faveur des investisseurs.
L’ensemble de ces textes n’est pas favorable à la petite paysannerie qui constitue la majorité de la population. La volonté de favoriser l’acquisition de terres par les investisseurs étrangers figure dans la Constitution votée en novembre 2010 dans l’article 1er : « Les modalités et les conditions relatives à la vente de terrain et au bail emphytéotique au profit des étrangers sont déterminées par la loi. »
Quels moyens de pressions sont utilisés par les investisseurs pour acquérir des terres et quelle est l’attitude du gouvernement malgache ?
Les instances internationales, Banque mondiale et FMI ont beaucoup poussé l’Etat Malgache à permettre aux investisseurs d’acquérir des propriétés foncières. En 2003, la loi sur les nationalités a autorisé les achats de terres par les étrangers, à condition que le montant investi soit au minimum de 500 000 dollars. La loi 2007-036 sur les investissements a encore plus favorisé ce genre de transactions.
La Banque mondiale, pendant la période où Ravalomanana était au pouvoir, a financé l’EDBM - Economic Development Board of Madagascar - structure mise en place auprès de la présidence dont l’objectif était de faciliter l’installation des investisseurs étrangers. En 2009, beaucoup pensaient que le financement de cette structure s’était tari comme les autres fonds de l’aide internationale. En fait, l’EDBM a simplement été déplacé sur le ministère de l’Aménagement du Territoire et de la Décentralisation où il a continué son activité !
Le pouvoir malgache de la Haute Autorité de la Transition recherche des fonds pour alimenter ses budgets, notamment en raison de la suspension des financements internationaux. L’attribution de terres agricoles de vastes surfaces constitue probablement l’un des volets du bradage des ressources naturelles visant à compenser partiellement ce déficit.
Connaissons-nous la surface des terres soustraite aux paysans malgaches et combien de familles sont-elles touchées ?
L’évaluation est difficile en raison du manque de transparence. Une récente publication parle de 3 millions d’hectares de surfaces qui ont fait l’objet de transactions en cours, suspendues ou réalisées à Madagascar entre 2005 et 2010 (2) mais cet inventaire n’est peut-être pas exhaustif. Quant au nombre de familles touchées, il est impossible pour l’instant de l’évaluer par insuffisance de données. Par contre le projet avorté de Daewoo qui portait sur 1,3 million d’hectares aurait spolié des centaines de milliers de familles.
Comment peut-on contrer le problème ?
L’interpellation des autorités locales, régionales et nationales, les échanges d’information entre tous les citoyens, une solidarité forte avec les paysans au niveau national et international sont les actions que nous menons et les objectifs que nous visons. Pour faire face aux investisseurs transnationaux qui font chorus avec le pouvoir malgache, il faut établir un rapport de force. Les citoyens malgaches doivent unir leurs forces de mobilisation avec celles des citoyens des autres pays, car l’accaparement des terres aujourd’hui n’a plus de frontières. L’information des familles paysannes et des citoyens malgaches est une action prioritaire. De nombreuses données montrent que les droits des populations concernées ne sont pas pris en compte. Elles sont peu consultées, et pas toujours informés de la totalité du projet de l’investisseur.
Des déplacements de populations et de tombeaux auraient eu lieu dans certaines régions. Le retard des informations concernant ces évènements auprès des malgaches a nui pour une mobilisation efficace. Les populations touchées s’expriment peu, rendues prudentes par les pressions exercées par certaines autorités mais aussi parce que des avantages à court terme sont proposés. Il est indispensable d’évaluer toutes ces propositions sur le long terme.
Les droits des ouvriers agricoles ne sont pas toujours respectés. La société Delta Jatropha qui avait embauché des paysans démunis de leur terre n’a pas payé les indemnités de licenciement ni versé le dernier salaire, lorsqu’ elle a arrêté son activité en 2009. C’était pourtant des dispositions contractuelles. Des révoltes de paysans face à des accaparements de terres ont été durement réprimées, par exemple à Analavory en 2006. La liberté d’expression limitée à Madagascar constitue un obstacle majeur aux actions d’opposition. Le foncier est un sujet très sensible et les familles malgaches ne cèdent leurs terres que si elles y sont obligées.
Des organisations paysannes et associations de la société civile à Madagascar luttent contre l’insécurité foncière .Les associations comme le Collectif TANY ont un rôle de veille et d’information des populations malgaches afin qu’elles puissent être informées des conséquences des accaparements de terres. Nous informons l’opinion publique internationale sur le développement de ces spoliations afin de déclencher des mouvements de solidarité. Une pétition dans ce sens est en cours de signature suite à une vague d’expulsions en 2011.
La mise en place d’une politique foncière et agricole favorable aux petits paysans malgaches, constituerait face à l’agrobusiness une alternative efficace pour atteindre l’autosuffisance alimentaire et contribuerait à la paix sociale.

Photo prise à Antananarivo sous licence Creative Commons par Olivier Lejade
[1] Après Daewoo ? Etat des lieux et perspectives des appropriations foncières à grande échelle à Madagascar p.52 et suiv.
[2] Burnod Perrine et al. « Régulations des investissements agricoles à grande échelle » Études de Madagascar et du Mali, Afrique contemporaine, 2011/1 n° 237, p. 111-129. DOI : 10.3917/afco.237.0111.
[3] Rochegude Alain « La terre, objet et condition des investissements agricoles ». Quels droits fonciers pour l’Afrique ? Afrique Contemporaine 2011/1 n° 237 p.85-96. DOI : 10.3917/afco.237.0085
[4] Landscope 4 : Certification foncière : pourquoi et pour qui ?

mardi 13 décembre 2011

Accord PS-EELV : la fin de quelle Françafrique ?


Le « contrat de mandature » en cas de victoire de la gauche à la présidentielle de 2012 qu’ont signé le Parti socialiste et Europe Écologie – Les Verts (EELV) le 15 novembre dernier promet de « mettr[e] fin aux pratiques de la “Françafrique" ». Si plusieurs points de cet accord indiquent une volonté d’épuration de la vie politique française allant dans ce sens, d’autres aspects du texte laissent planer certaines ombres.
A u-delà de la revendication de l’héritage de Mitterrand affichée par bon nombre de dirigeants socialistes, il convient aussi de confronter cette bonne volonté affichée aux actes posés par les élu-e-s du PS ces dernières années. En effet, le déroulement de la négociation montre bien que c’est le Parti socialiste qui a pesé le plus dans cet accord. Le contrat de mandature liste effec­ tivement différentes réformes visant à plus de transparence et de séparation des pouvoirs. Deux principes dont le manque a toujours caractérisé la cin­ quième république, assurant l’opacité et l’impunité des pratiques françafricaines. Ainsi, le contrôle parlementaire sur l’action du gouvernement devrait être accru et le rôle du président diminué, notamment en matière de politique international : « Les choix diplomatiques et militaires y seront effectivement débattus et décidés. » et « les pouvoirs excessifs du président de la République seront réduits ou encadrés : [...] limitation de son pouvoir de nominations ». Si la réforme constitutionnelle de 2008 a légèrement déprésidentialisé les questions militaires, en imposant un avis du parlement au bout de quatre mois d’opération, le déclenchement des opérations extérieures (Opex) reste en effet le privilège exclusif de l’Élysée. Promettant de mettre fin à une autre particularité française, l’accord annonce aussi le renforcement du « contrôle parlementaire des services de renseignement [et] l’encadrement des sociétés privées de sécurité ». En outre, le contrat prévoit une « réforme visant à rendre aux magistrats leur indépendance » qui s’attaque à la forte dépendance du parquet, dont le comportement a favorisé l’impunité ou le ralentissement de nombreuses affaires françafricaines : assassinat du juge Borrel, affaire des « disparus du Beach », plaintes contre l’armée française au Tribunal aux armées de Paris pour l’opération Turquoise au Rwanda, affaire des « biens mal acquis » [1].

Des perspectives séduisantes

Une loi contre la concentration des médias serait aussi mise en œuvre, avec des « moyens de réduire la dépendance des médias à la commande publique », ouvrant une perspective séduisante alors que bon nombre d’organes de presse sont aux mains d’entreprises du secteur de l’armement ou ont d’importantes activités en Afrique, tout en ayant des liens importants avec l’exécutif français [2].
Dans le prolongement de l’engagement de nombreuses régions françaises, souvent sous l’impulsion des élu-e-s écologistes, l’accord électoral se place sous le signe de la « lutte acharnée contre les paradis fiscaux et l’interdiction des fonds spéculatifs » : abolition du secret bancaire ou encore la proscription par la zone Euro des « liens de ses établissements bancaires et financiers avec les paradis fiscaux ». En cas de victoire des socialistes et des écologistes les rouages de la corruption, des barbouzeries et du pillage des matières premières que sont ces montages opaques auraient donc a priori du souci à se faire.
Côté français et européen, le projet commun défini par l’accord électoral PS-EELV promet donc des atteintes encourageantes à certains socles du système françafricain. Mais la continuité de l’entreprise coloniale doit se déconstruire aussi sur le plan de la politique extérieure.
« Tournons la page du funeste discours de Dakar prononcé par le président sortant ! ». C’est l’affirmation qui ponctue l’annonce des orientations voulues pour la politique internationale de l’Europe, placée martialement dans une perspective de « stratégie offensive et défensive dans la mondialisation ».
Un gouvernement PS/EELV ferait « du renforcement des liens avec l’Afrique une priorité : les deux rives de la Méditerranée ont vocation à relever ensemble les défis de la sécurité alimentaire, du changement climatique, de l’accès à l’eau, de la transition énergétique, des migrations, de la défense des libertés et des droits ». On ne peut pas vraiment dire que la France ait pêché par manque de lien avec ses anciennes colonies après les indépendances, bien au contraire.

Quelques contradictions

Si la défense des libertés et des droits est invoquée pour qualifier ces liens, plusieurs passages de l’accord peuvent contredire cette bonne volonté.
Alors que l’Organisation internationale de la francophonie n’est en réalité qu’un outil d’influence pour la France, servant trop souvent à apporter une caution à des élections truquées par ses missions d’observation [3], ayant même des velléités sur le plan militaire [4], l’accord promet de redonner « à la Francophonie les égards et les moyens qu’elle mérite ». Plutôt qu’une réorientation, c’est plus un vernissage qui semble se dessiner pour l’OIF.
Quant à la présence militaire sur le continent, plutôt qu’un retrait de l’armée française, le pacte continue à la légitimer par la lutte « contre les origines du terrorisme au Sahel ou dans le Golfe », et prévoit même déjà des « interventions dans le droit international, le respect des résolutions de l’ONU, la protection des populations civiles et de nos ressortissants à l’étranger ». Dans le respect du droit, certes - encore heureux - mais des interventions, tout de même...
Enfin, les signataires s’engagent à porter « l’aide publique au développement à 1 % du PIB d’ici à la fin de la législature », niveau qui n’a jamais été atteint, mais malheureusement sans s’intéresser au devenir de cette aide, pourtant sujette aux détournements, sans non plus s’interroger sur son essence une aide seulement marginalement ciblée sur le bénéfice des populations et aidant surtout nos propres intérêts.
Par ailleurs, on cherchera, en vain, toute mention au franc CFA et au vol de souveraineté qu’il constitue. Grande absente du texte, aussi, la coopération militaire et policière, qui permet à bon nombre de gouvernements autoritaires d’Afrique de se maintenir au pouvoir en écrasant par la force toute opposition. L’actualité en Afrique du Nord a pourtant permis de mettre le sujet sur la table des électeurs.

Mettre fin à la Françafrique, pourquoi ? Parce que « pour être écouté, il faut être exemplaire »

La justification de ce slogan donne à s’interroger. Ce n’est pas parce que la Françafrique est criminelle qu’il faudrait y mettre fin, mais parce qu’elle crée un déficit d’image.
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Présentation de l’équipe de campagne de François Hollande
On est loin de formulations érigeant comme un principe d’intérêt général le durcissement de la responsabilité sociale et environnementale des filiales d’entreprises françaises et européennes hors d’Europe, alors même que les conditions dans lesquelles elles pillent l’Afrique ne sont un secret pour personne.
Si quelques questions critiques au gouvernement ont été soumises au parlement [5] ces dernières années, les élu-e-s socialistes n’ont pas fait preuve d’une réelle volonté de rupture avec ces « pratiques d’un autre temps » auxquelles même Nicolas Sarkozy avait promis de s’attaquer.
Le PS, dans son ensemble, a soutenu l’intervention en Côte d’Ivoire, a voté en faveur de celle en Libye, même s’il s’est tout de même abstenu en janvier 2009 lors du vote sur l’autorisation de prolongation de cinq interventions (notamment au Tchad, en Côte d’Ivoire et en République centrafricaine), plus pour des raisons de forme que de fond.
Enfin, certaines personnalités socialistes se sont fendues récemment de déclarations faisant peser le doute sur la réelle volonté de rompre avec le soutien aux dictatures françafricaines. Ainsi, le 13 janvier dernier, en pleine révolution tunisienne, Claude Bartolone, actuel chargé des relations extérieures du candidat Hollande, trouvait sur BFM TV quelques aspects positifs à Ben Ali : « le président Ben Ali avait réussi à présenter aux tunisiens un compromis. Une marche plus lente que les pays occidentaux en direction de la liberté mais en échange l’éducation assurée pour les garçons et pour les filles, et l’association du peuple tunisien à un développement économique ».
Plus grave encore, la promesse de Ségolène Royal au Burkina Faso de Blaise Compaoré le 25 novembre 2011 : « Le Burkina peut compter sur moi dans sa volonté de redorer son image à l’étranger ». Après 24 ans d’un règne autoritaire, le régime de Compaoré a très certainement une mauvaise image. Plutôt que d’en dénoncer les raisons, Royal choisit d’en améliorer le maquillage.
Et c’est peut-être malheureusement seulement ça la « fin [des] pratiques de la Françafrique » qui se dessine via l’accord PS-EELV : une éclaircie – non négligeable – en France et en Europe, mais une refonte cosmétique du soutien aux dictatures africaines.
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Ségolène Royal et le président burkinabé Blaise Compaoré vendredi 25 novembre 2011

[1] Voir le communiqué du Syndicat de la magistrature du 29 octobre 2009 : Lettre ouverte à ceux qui feignent de croire en l’indépendance du parquet
[2] Dassault ou le groupe Lagardère vendent aussi bien des armes que des journaux ; le groupe Bolloré, et son empire médiatique et publicitaire (Direct Matin, Direct Soir, Direct 8, Havas, Euro-RSCG...) ainsi que le groupe Bouygues, propriétaire de TF1, première audience de France, réalisent un important chiffre d’affaire dans les pays africains.
[3] Brochure La France coloniale d’hier et d’aujourd’hui, Survie, p. 31
[4] « La Francophonie, nouveau cheval de Troie de l’influence militaire française ? », Pierre Rohman, Billets d’Afrique de juin 2008
[5] Notamment l’interpellation de Serge Janquin à Alain Juppé concernant le soutien français au régime de Paul Biya et plus généralement la politique africaine de la France, lors de la séance du 11 octobre 2011 à l’Assemblée nationale.
Vous venez de lire un article du mensuel Billets d'Afrique 208 - décembre 2011. Pour recevoir l'intégralité des articles publiés chaque mois, abonnez vous:

lundi 12 décembre 2011

Sénégal : témoignage de Fadel Barro, l' un des initiateurs mouvement "Y’en a marre"

Le mouvement citoyen “Y'en a marre” est né le 18 janvier 2011 à l’initiative de jeunes rappeurs et journalistes sénégalais lassé d’un Sénégal mis en coupe réglée par la famille Wade et plus une classe politique loin des préoccupations quotidienne. Le témoignage de Fadel Barro un des initiateurs mouvement Y'en a marre.
Quels sont les objectifs du mouvement et comment est-il organisé ?
“ Y'en a marre ” cherche à amener les autorités à prendre en compte les préoccupations des Sénégalais. Face aux coupures d’électricité, les jeunes ont estimé qu’il fallait faire quelque chose pour faire bouger les choses dans un pays profondément marqué par le fatalisme et le fait religieux. L’objectif principal de “ Y'en a marre ”, est d’arriver à créer une opinion publique forte, avoir une masse critique de Sénégalais capable de se dresser en rempart contre l’élite politique peu soucieuse des intérêts de la population. Le but étant d’arriver à faire participer le maximum de jeune dans le jeu démocratique et les intéresser dans la conduite du pays. Tout cela est conduit par un noyau dur qui fonctionnant comme un bureau exécutif composé des membres fondateurs. Autour de ce noyau dur, il y a les Esprits qui sont les antennes dans les localités du pays. Le Noyau dur détermine les grandes orientations et les Esprits se spécialisent dans les problèmes locaux et s’engagent à la recherche de solution.

Comment est-il perçu par la population ?
Le mouvement a un écho favorable chez les populations. Ils répondent massivement aux appels du mouvement et on enregistre une forte adhésion des jeunes. Au fond, au Sénégal comme en France, nous combattons la même forme d’injustice sociale, les mêmes affres du libéralisme sauvage. Tous les moyens sont bons pour gagner ensemble le combat. Notre conviction est que l’heure n’est plus où les gens du nord aident ceux du sud pour faire face à leur problème. Mais, c’est ensemble que nous devons battre avec des plans d’action communs pour arrêter les fossoyeurs et les mafieux où qu’ils soient. Les problèmes peuvent être différents d’un pays à l’autre, mais nous vivons dans un même monde injuste et de plus en plus déshumanisé à cause du pouvoir de l’argent et de la frénésie du profit.
Et par le pouvoir ?