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Blog régional de l'association Survie (Aude, Gard, Hérault,Lozère,Pyrénées-orientales)

mercredi 18 août 2010

Rwanda : Vingt-cinq ans de prison pour le génocidaire arrêté à Carcassonne

Midi Libre, jeudi 5 août 2010
Jugé depuis mai 2009 pour génocide par le tribunal pénal international pour le Rwanda, Dominique Ntawukuliyayo avait été arrêté en octobre 2007 à Carcassonne. L’ancien sous-préfet de Gisagara avait joué un rôle majeur en avril 1994 dans le regroupement de milliers de réfugiés tutsis sur une colline, avant leur massacre par les forces armées.

Moins d’une semaine avant des élections présidentielles rwandaises sous haute tension, le tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR,*) installé à Arusha (Tanzanie) a rendu son verdict pour Dominique Ntawukuliyayo. Mardi dernier, le TPIR a condamné l’ancien sous-préfet de Gisagara à 25 ans de prison. Mi-juin, le procureur avait demandé la prison à vie. Réquisitions relatives à des faits datés d’avril 1994, lorsque le haut fonctionnaire
avait déplacé des milliers de réfugiés tutsis sur la colline de Kabuye, avant que les militaires et les policiers n’ouvrent le feu. L’acte d’accusation du TPIR, daté de mai 2005 pour « génocide, complicité de génocide et incitation directe et publique au génocide », faisait état du massacre de 25 000 tutsis.

Si l’appel est encore possible pour les avocats du sous-préfet, ce jugement met un premier terme à la longue procédure qui a mené à l’arrestation de cet homme en octobre 2007 à Carcassonne. A la chute du régime hutu, en juillet 1994, l’ancien instituteur devenu sous-préfet avait rallié la France. En 2001, avec son épouse Languide, Dominique Ntawukuriryayo était pris en charge par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), et logé dans le Centre d’accueil de demandeurs d’asile (Cada) audois d’Alzonne.

Un territoire où cet homme aujourd’hui âgé de 67 ans, père de huit enfants et grand-père à onze reprises, n’aura jamais visé l’anonymat, encore moins la clandestinité. Pour preuve, son engagement associatif sans bornes dans la ville de Carcassonne et plus particulièrement dans le quartier du Viguier, où il aura vécu avec son épouse de 2004 à 2007. Bénévole pour Carcassonne Bénévolat, Terre d’Espérance, ou Accueil Info Drogue, le couple va plus loin en 2005. Alors que le TPIR émet la même année l’acte d’accusation pour génocide, Dominique et Languide Ntawukulilyayo créent ainsi Le futur génie.

Une association déclarée en préfecture de l’Aude en août 2004, avec un siège social dans le bâtiment Berry du Viguier, et dont l’un des buts affichés est d’« aider les enfants rwandais privés de scolarité par la guerre, la misère, l’extrême pauvreté, la maladie ou le décès de leurs parents ».

Louable intention qui vaut à Dominique Ntawukulilyayo de nouer des liens avec la communauté catholique carcassonnaise, alors qu’est initié un partenariat au Rwanda avec l’archevêque de Kigali. L’ancien sous-préfet, sous le coup d’un avis de recherche d’Interpol depuis la fin 2006, s’affiche également à la société Saint-Vincent de Paul, à la Pastorale des migrants, ou encore à la commission de la vie associative des migrants, missionné par l’évêché de Carcassonne. Implication qui suscitera évidemment le grand étonnement de ses proches carcassonnais lorsque surviendra l’interpellation au Viguier de cet homme par les policiers du SRPJ de Montpellier au petit matin, le 16 octobre 2007.

Depuis, une interminable procédure avait finalement conduit à l’extradition de cet homme qui avait choisi de prendre la parole pour sa défense, fin 2009. Un témoignage lors duquel il avait juré n’avoir jamais pratiqué de discrimination ethnique de sa vie. Affirmation qui n’aura donc pas convaincu le TPIR, même si l’un de ses avocats affirmait sa certitude d’un acquittement en appel. Acquitté des chefs de complicité de génocide et d’incitation, Dominique Ntawukuliyayo a été condamné pour génocide. Des faits pour lesquels le procureur avait jugé dans son réquisitoire ne trouver « aucune circonstance atténuante ».
Antoine CARRIÉ
(*) Installé en novembre 1994 par l’Onu, le TPIR a été créé pour juger les personnes présumées responsables d’actes de génocide et d’autres violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda en 1994. Le génocide aurait causé la mort de près de 800 000 Rwandais, majoritairement tutsis. Depuis 1994, 91 affaires ont été traitées par le TPIR.

Midi Libre, 17 août 2010

Ntawukulilyayo : un appel face aux doutes

 RAPPEL : Le 3 août, le TPIR condamnait à 25 ans de prison pour génocide l'homme qui a vécu au Viguier de 2004 à 2007

Annexée au jugement qui condamnait le 3 août Dominique Ntawukulilyayo à 25 ans de prison pour génocide, la position du juge turc Aydin Sefa Akay met du baume au cœur à la défense de l'ancien sous-préfet rwandais de Gisagara. Le 3 août, c'est en effet à la majorité de deux juges contre un qu'a statué dans le procès de Dominique Ntawukulilyayo le tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), chargé de juger les auteurs et complices présumés d'un génocide qui aura coûté 800 000 vies en 1994.
Et si les juges pakistanais Khalida Rachid Khan et kenyan Lee Muthoga ont conclu qu'il avait ordonné le 23 avril à des milliers de Tutsis de rallier la colline de Kabuye en vue d'un massacre organisé, le troisième juge n'a lui pas souhaité l'estimer coupable de génocide. Relevant des « contradictions
dans les témoignages à charge », Aydin Sefa Akay affirmait son désaccord avec « la majorité dans ses conclusions juridiques ».

De quoi motiver l'appel qu'entendent déposer les conseils du sexagénaire qui, arrivé en France en 2001 et pris en charge à Alzonne, avait habité de 2004 à 2007 dans le quartier carcassonnais du Viguier. Le jour du jugement, son avocat mauritanien Maroufa Diabira estimait que son client avait « toutes les chances d'être acquitté en appel ». Sentiment que partage l'avocate montpelliéraine Dorothée Le Fraper du Helen, jointe hier, en rappelant la rareté d'une opinion dissidente au sein des chambres de trois juges chargés de rendre le verdict. De quoi tempérer la statistique qui veut qu'un appel soit rarement couronné de succès devant un TPIR qui avait en février 2010 prononcé 41 condamnations et huit acquittements. « En général, les jugements sont rendus à l'unanimité. Ce juge n'était pas convaincu par les témoignages à charge. Lors du procès en première instance, nous avions d'ailleurs déjà estimé que les 12 témoins à charge du procureur n'étaient pas fiables, avec des incohérences. » Une fois le jugement notifié en français, la défense disposera de 30 jours pour déposer appel, puis d'un délai supplémentaire de 75 jours pour son mémoire d'appel. Acte auquel devrait répondre un mémoire du procureur : « En règle générale, les affaires sont audiencées au bout d'un an », précisait Me Le Fraper du Helen. Délai qui devrait mener à la fin d'année 2011 pour un procès débuté en première instance en mai 2009.


A. C. avec agence Hirondelle News

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