Le Professeur Issa N'DIAYE, mai 2014 |
«Qu’allons-nous
faire ?... Du 19 Novembre [1968] à ce jour, qu’ont fait nos
gouvernements ? Pas grand-chose.Nous assistons à une période faite
de résolutions creuses, de vœux pieux, de détournement de
légitimité. Le Mali traverse une histoire où la violence a pris le
pas sur la raison. Nous, jeunes du Mali, quel est notre avenir? Nous,
femmes du Mali, quel est le nôtre ? Suivre tout simplement ?
Peut-être pas ! Nous sommes fatigués d’un futur sans lumière. Il
est temps que nous prenions conscience que nous sommes seuls et
qu’être assisté en permanence, c’est être colonisé. Ici et
là, jeunes et femmes, redressons la tête et les gouvernants seront
nus. Redressons la tête pour qu’ici et là, la démocratie jeune
et nouvelle, animée par le sang des martyrs… que les fascistes
nous ont volée, refasse surface. Le printemps malien que nous vivons
en ce moment manque cruellement d’expériences, de perspectives et
surtout d’hommes et de femmes capables de l’animer. Mettons-nous
dans la tête que lorsque nous disparaîtrons, nous emporterons avec
nous une conviction. Il n’existe pour ainsi dire pas de problèmes
insolubles, mais il y a peu d’hommes qui soient capables de trouver
les solutions adéquates. Ce n’est pas que les hommes de nos jours
soient sots, mais ils sont trop impliqués dans la gestion de leurs
affaires quotidiennes. Ils n’ont plus le temps, ni la force, ni les
idées pour regarder au-delà. Ils sont résignés…
»
Ibrahima
Ly :
Extrait de l’Appel lancé par le Regroupement des Patriotes Maliens
lors du Référendum constitutionnel de 1974.
Les
anciens disaient que le pouvoir était un révélateur redoutable,
qu'il mettait à nu celui qui l'exerçait, ses qualités, ses
ressorts intimes et surtout ses défauts. Selon une sagesse
populaire, le pouvoir est comme un fusil chargé à bloc dont il faut
se méfier. Il ne faut jamais en faire un jouet. Il ne faut ni
s'amuser avec, ni s'y accrocher. Certes, il faut le tenir fermement mais
sans s'y agripper. En s'y agrippant trop, on en devient le jouet. Au
lieu de diriger le pouvoir, il finit par vous diriger. Pour Amadou
Hampâté Ba, le pouvoir est une drogue. Il agit à l'instar de
l'alcool. Au premier verre, on est joyeux et on gambade dans tous les
sens comme un cabri. Au second, on se prend pour un lion qui veut
tout régenter. Au troisième verre, on veut être craint et semer la
terreur. Mais au lieu d'être craint, on finit par être détesté
par son peuple.
En
observant le comportement actuel du Président du Mali, on a le
sentiment étrange qu'il a bu les trois verres d'un trait, du fait de
la rapidité avec laquelle l'enthousiasme populaire de départ a cédé
la place au plus grand désarroi. Et s'il existait un baromètre
fiable de l'opinion publique nationale, nul doute qu'il battrait le
record d'impopularité de l'actuel président français.Son divorce
rapide avec son peuple, à un semestre de sa prise du pouvoir, semble
venir avant tout du choix malencontreux et à chaque fois raté des
hommes de son entourage. On avait espéré et cru qu'il avait
compris, tout compris, lui qui avait assisté à tout, d'un bout à
l'autre, à la dégénérescence de la démocratie malienne et à la
faillite de l’État. Il en avait été le témoin voire l'un des
acteurs privilégiés parfois. Il connaît la réalité des
institutions et des hommes. Il ne peut donc se prévaloir d'aucune
excuse. Il sait ce qu'il fait et pourquoi il a choisi tel ou tel
individu. Il connaît sa garde rapprochée en dehors et au sein de
son parti, garde rapprochée plus affairiste que militante,
incompétente et vindicative à souhait. Elle est aujourd'hui au cœur
de son système de gouvernement dont le credo s'illustre parfaitement
dans cette proclamation faite déjà en 2002, assez parlante
d'elle-même selon laquelle "IBK serait son projet de société".
Pourquoi
en l'espace de bientôt un quart de siècle, notre génération de
Maliennes et de Maliens a-t-elle raté toutes les occasions offertes
par l'histoire pour changer la donne et partant notre destin en tant
que pays? Sommes-nous devenus une génération maudite? Pourquoi
avons-nous perdu le sens du collectif pour devenir une bande de
courtisans? Comment expliquer notre lâcheté collective? Pourquoi
continuons-nous à ramper, pour la plupart d'entre nous, à nous
bousculer pour ramasser les miettes d'une caste d'apatrides qui nous
gouverne depuis si longtemps? Pourquoi avons-nous trahi notre pays et
notre peuple?
En
1991, la chute de la dictature de Moussa Traoré fut une première
occasion ratée. La "démocratie" a fini par faire pire que
la dictature, surtout au niveau de la qualité des ressources
humaines. Elle a injecté sur la scène politique toutes sortes de
gens, parfois de véritables voyous. Les éléments les plus sains
ont fini par être, presque tous, marginalisés au profit d'une
génération spontanée de politiciens sans foi ni loi. On connaît
la suite.
Alpha
Oumar Konaré avait ouvert la boîte à Pandore. Le Maradona
politique qu'il était, a fini par être victime de ses propres
dribbles. En politique, les fautes sont toujours lourdes à porter.
Et il doit le réaliser à présent. Les acteurs politiques
principaux qui se disputent aujourd'hui le pouvoir, sont tous sortis
de sa forge ou ont tous été transformés par ses soins. Consensus
oblige, tous ont fini par échapper à son contrôle. Pourtant ils
lui doivent ce qu'ils sont devenus aujourd'hui. Il a largement
façonné leur destin. Certains sont devenus par opportunisme, ses
pires pourfendeurs. Maintenant qu'il n'est plus au pouvoir, peut être
qu'il a fini par prendre conscience des conséquences dramatiques de
ses erreurs passées. Ce qui expliquerait sa disparition volontaire
des écrans radars du marigot politique malien.Le silence
assourdissant du talentueux "professeur de démocratie" de
ses homologues africains dont certains traînent encore au pouvoir,
son volontaire effacement de la scène politique, ne traduit-il pas
les remords d'un homme placé devant le tribunal impitoyable de sa
propre conscience, mesurant pleinement l'ampleur de ses
responsabilités historiques face au désastre actuel? Terrible
fardeau que le sien! Se construire sa propre prison pour échapper au
regard accusateur de ses propres concitoyens! Alpha Le Démocrate,
rase les murs tandis que Moussa Traoré le Dictateur parade. Quelle
terrible leçon de l'histoire.Cela ne doit-il pas nous faire
réfléchir? Cependant il serait tout à fait excessif de rendre
Alpha seul responsable des maux actuels de la démocratie malienne.
De sa fabrique de génération spontanée de politiciens, sortirent
tant de monstres qui n'ont ni son génie, ni surtout son talent.
L'artiste politique, le Mitterrand malien céda le pouvoir à un
homme qui n'avait ni l'intelligence ni surtout le profil de l'emploi.
Il fut bruyamment accompagné dans sa gestion hasardeuse du pouvoir
par des "fidèles" compagnons et des disciples du
"professeur de démocratie". Pour la plupart, ils
retournèrent rapidement leur veste et sont devenus au fil du temps
ses principaux ennemis. Au bout du compte, ils firent pire que Alpha.
Le
pouvoir ATT (ndlr :Amadou Toumani Touré) finit par
donner libre cours à tous les instincts, surtout les plus mafieux.
On en connaît aujourd'hui les conséquences terribles. Dans toute
l'histoire du Mali, le pays n'est jamais tombé aussi bas. Le pouvoir
n'a jamais été autant déconsidéré et gangrené par une
"médiocratie" politique totalement corrompue. Les
conséquences notamment sociales et psychologiques sur les ressources
humaines sont d'une extrême gravité. Le matériel humain malien en
est durablement affecté. La chute de ATT fut la seconde occasion
ratée et l'espoir de courte durée. Le désir d'accaparement effréné
du pouvoir et des sources d'enrichissement personnel a pris le pas
sur toute autre considération. Ceux qui ramassèrent le pouvoir par
terre, un certain 22 mars 2012, sabordèrent rapidement toute
espérance. Ils étaient avant tout, le produit d'un système qui les
avait largement formatés. Le réveil fut brutal devant leurs dérives
et les règlements de compte sanglants. La classe politique,
opportuniste à souhait, fit feu de tout bois. Les calculs et les
positionnements furent à géométrie variable en fonction des
circonstances. Nombreux furent ceux qui défilèrent à Kati où ils
firent allégeance. Certains déçus par une longue attente,
embouchèrent les vuvuzelas de l'anti -putschisme. La CEDEAO,
instrument docile de la France et des Occidentaux, imposa au pays les
mêmes individus, le même système, les mêmes méthodes et on
recommença, en poussant ATT seul vers la sortie. Ceux qui l'avaient
aidé dans le festival des brigands que fût son règne, revinrent
aux affaires avec la seconde Transition dictée de l'extérieur. Elle
fut pire que la première, celle de 1991-1992. On se rua sur la
dépouille de l’État. Ce fut le hold-up du siècle et ceci en
toute impunité! On ne se préoccupa guère de l'état avancé de
déliquescence du pays même si l’État malien fut déclaré "État
failli" par ceux qui prétendirent voler à son secours.
Au
lieu de se pencher sur le mal et de le soigner à la racine par une
refonte radicale du système "démocratique" et des
institutions de l’État, les pays occidentaux soutenus par la
CEDEAO et la classe politique malienne sortirent l'éternelle et
inopérante arme des élections pour donner un semblant de légitimité
à des hommes et à des institutions ayant "failli" selon
un constat unanime.Même élu à plus de77%, quelle est la légitimité
réelle d'un président et des autres institutions républicaines
dans un pays où le corps électoral représente à peine 10% de la
population? Que représente la classe politique dans son ensemble?
Que vaut une démocratie de façade conçue pour satisfaire les
besoins de parade et de gloutonnerie d'une élite largement
minoritaire et totalement discréditée? Il semble que l'on s'en
fiche éperdument de toutes ces questions!
L'essentiel
pour l'Occident, c'est d'installer et de maintenir au pouvoir des
individus et un système de gouvernance acquis à l'ordre mondial
actuel et largement favorable à ses seuls intérêts.
La
troisième occasion ratée par notre génération est celle
consécutive à l'élection de Ibrahim Boubacar Kéita dit IBK.
L'espoir apparut de nouveau comme un arc-en-ciel à la fin de
l'orage. L'on se disait partout que cette fois-ci était la bonne.
L'erreur fondamentale de IBK est essentiellement de n'avoir pas
compris que le plébiscite électoral qui fut le sien au sortir des
élections, n'est pas pour sa personne, encore moins pour son parti
mais avant tout l'expression du rejet d'un système d’État et
surtout d'individus qui l'incarnaient plus que lui. L'annonce de la
composition de son premier gouvernement doucha tant d'espoirs, un
choc tétanisant! On se frotta les yeux pour bien réaliser que ce
n'était pas un rêve. Les plus optimistes continuèrent à penser
que ce n'était qu'un cauchemar passager. Loin de rassurer, les actes
successifs posés furent pour la plupart, des actes manqués. Effrayé
par le poids du jugement de l'histoire, son Premier Ministre décampa
à toute allure. Lui avait compris, tout compris et il ne voulait pas
partager, à juste raison, une si lourde responsabilité. C'est ainsi
que le changement attendu se transforma en mirage. Que reste-t-il
encore de l'espérance des Maliennes et des Maliens? Quels sont
aujourd'hui les risques encourus? Et surtout que faire? Existe-t-il
encore une chance pour notre génération de rebondir?
Face
à l'immensité des défis et à la médiocrité du matériel humain
actuel et surtout sur le terrain politique, est-il permis d'espérer
encore? Quelle alternative faut-il chercher à construire?Et comment?
D'abord, il ne sert à rien de chercher à "couler" IBK. La
Gauche malienne doit arrêter de tirer les marrons du feu pour des
forces encore plus rétrogrades. Il lui faut apprendre de ses échecs,
suite à sa gestion chaotique des événements consécutifs à mars
2012.Ballottée entre les dérives libérales des uns et
l'aventurisme ultra-gauchiste des autres, la Gauche malienne se
cherche. Elle mettra du temps à se ressaisir tant qu'elle ne sera
pas capable de faire son autocritique sans complaisance et dépasser
le sectarisme ambiant et le culte de certains ego. Elle a du chemin à
parcourir pour devenir une alternative crédible sur l'échiquier
politique national.
Ensuite, il est illusoire de croire que le Mali est dans une situation pré-révolutionnaire même si les conditions objectives semblent favorables. Les conditions subjectives sont loin d'être réunies. L'état de préparation politique, idéologique et organisationnel est plus qu'insuffisant. Le risque d'agitations sociales incontrôlées nous conduira certainement vers un autre coup d’État. Or l'histoire nous montre largement que les coups d’État ne sont pas une solution. Ils finissent par se retourner toujours contre les forces sociales qui les ont soutenus. Le cas malien ne saurait constituer une exception.
Ensuite, il est illusoire de croire que le Mali est dans une situation pré-révolutionnaire même si les conditions objectives semblent favorables. Les conditions subjectives sont loin d'être réunies. L'état de préparation politique, idéologique et organisationnel est plus qu'insuffisant. Le risque d'agitations sociales incontrôlées nous conduira certainement vers un autre coup d’État. Or l'histoire nous montre largement que les coups d’État ne sont pas une solution. Ils finissent par se retourner toujours contre les forces sociales qui les ont soutenus. Le cas malien ne saurait constituer une exception.
Par
ailleurs, la crise actuelle a jeté une lumière crue sur l'état
réel de notre armée. Tout comme dans les autres compartiments de la
société, l'affairisme y a fait des dégâts importants au détriment
de l'esprit civique et patriotique. L'incompétence érigé en
système de gouvernement a fait le reste. La militarisation
progressive de l'appareil d’État où des militaires continuent
d'occuper des fonctions civiles alors qu'il y a fort à faire dans
l'armée, en est une illustration. Que faire de nombreux officiers
sans commandement dans l'armée? Jusqu'ici, non seulement on a
continué à en produire et au rabais, mais encore en guise de
restructuration, on leur jette un os moelleux à ronger pour freiner
leur tentation de prise du pouvoir. Le résultat est tout autant
désastreux. Et ne nous faisons pas d'illusions, le sursaut national
ne viendra pas de la classe politique. Tout comme IBK, elle est
incapable de sortir du système actuel dont elle est le fruit amer.
Réformer le système actuel est un suicide pour elle.Au-delà des
problèmes que pose notre armée, une lecture simpliste fait croire à
beaucoup de personnes que la crise malienne se limite au nord Mali.
On en fait tantôt une guerre de religion, tantôt un conflit
ethnique. Au delà de ses enjeux géopolitiques et géostratégiques,
convoitises françaises et d'autres États pour les richesses
minières locales, au delà des motifs réels des interventions
militaires des puissances extérieures à l'Afrique, il y a autre
chose.
Ce
ne sont pas seulement les groupes armés rebelles qui ont intérêt à
semer la pagaille dans le nord du Mali. Le conflit a des racines
économiques puissantes. Il s'y est développé une économie
souterraine mafieuse basée sur toutes sortes de trafics, d'armes et
surtout de drogue. Derrière les discours religieux et
indépendantistes se déroule une bataille féroce pour le contrôle
des réseaux et des routes de trafic. Bien des gens en tirent des
bénéfices tant au sein des appareils de l’État que de la classe
politique aussi bien au Mali que dans certains pays voisins. L'argent
de la drogue est devenu un enjeu économique et financier global plus
que le djihadisme ou la rébellion armée qui n'en sont que le
vernis. On fait malheureusement semblant de l'ignorer. Il alimente en
partie le système financier international et on le sait. L'argent de
la drogue déstabilisera nos pays tant que nous n'en extirperons pas
les racines qui sont au cœur même de nos institutions. L'éclairage
fourni par la publication du dernier ouvrage du correspondant de RFI
à Bamako en dresse un tableau inquiétant. Il fait froid dans le
dos. La rébellion armée dans le nord du Mali nourrit trop de gens
et pas seulement les groupes rebelles touaregs. Des réseaux
implantés au cœur des États, des appareils sécuritaires, de la
classe politique, des milieux d'affaires et autres, s'en nourrissent
quotidiennement. Dans ces conditions, le conflit risque de perdurer.
Il n'y a pas non plus de solution durable dans le cadre du système
malien actuel. Il faut résolument en sortir.
Les dérives actuelles d'IBK dans sa gestion factuelle du pouvoir ont aussi une explication. Elles sont liées au système politique et institutionnel malien actuel. On décrit la Constitution malienne comme une photocopie de celle de la France. Ce qui est vrai. On oublie souvent que la constitution française est elle-même le produit d'un coup d’État, celui du Général De Gaulle en 1958. Par essence, elle est loin d'être démocratique. Les Français en savent quelque chose. Mais c'est en Afrique francophone qu'elle a connu les pires travestissements.
Les dérives actuelles d'IBK dans sa gestion factuelle du pouvoir ont aussi une explication. Elles sont liées au système politique et institutionnel malien actuel. On décrit la Constitution malienne comme une photocopie de celle de la France. Ce qui est vrai. On oublie souvent que la constitution française est elle-même le produit d'un coup d’État, celui du Général De Gaulle en 1958. Par essence, elle est loin d'être démocratique. Les Français en savent quelque chose. Mais c'est en Afrique francophone qu'elle a connu les pires travestissements.
D'Alpha Oumar Konaré à IBK, les présidents élus ont toujours nommé
des Premiers Ministres par dessus la tête des partis politiques et
du parlement. IBK est d'ailleurs la seule exception sous Alpha. C'est
aussi après sa nomination qu'il a pris le contrôle du parti
majoritaire à l'époque pour mettre fin à la guérilla politique
que livrait au Président la direction de l'ADEMA. En fin stratège,
Alpha a brisé toute résistance avec les suites que l'on sait. Sous
ATT, ce fut pire. Il n'était pas lui-même candidat d'un parti
politique. Il s'est largement joué des partis représentés au
parlement. Tous ont joué le jeu. Il y a fort à douter de la
capacité de la classe politique actuelle à faire réellement le
procès qu'on veut lui intenter. Il est sûr que cela se terminera en
queue de poisson, comme toutes les mesures annoncées.
IBK
ne fait donc que continuer la tradition fondamentalement basée sur
la prééminence d'un individu sur toutes les institutions de la
république. On en connaît les conséquences dramatiques en Afrique
et singulièrement au Mali. A entendre les discours du nouveau
Premier Ministre malien, il y a lieu de s'en inquiéter, quand il
insiste à plusieurs reprises sur la "loyauté au Président"
et non au pays ou à l’État. Il en ressort que le Président est à
lui seul l’État et le pays. A titre d'illustration, dans la
réplique à la publication du journal français, Le Monde, le
communiqué officiel a affirmé sans ambages qu'il s'agissait d'une
attaque contre le Mali. La réaction épidermique a d'ailleurs été
de porter plainte contre ledit journal, une plainte qui a été,
semble-t-il, retirée par la suite en catimini.
Dans
ces conditions, à quoi sert un Premier Ministre? A quoi servent les
Ministres? A quoi sert le Parlement? A quoi servent les autres
institutions de la république? D'expérience, la réponse est
largement connue. Le Premier Ministre, les Ministres n'ont pas la
réalité du pouvoir, tout comme les directeurs nationaux ou généraux
des appareils administratifs de l’État. Ne parlons pas du
Parlement et des autres institutions. Est-ce cela la démocratie?Il
ne faut pas s'attendre à un chamboulement dans les révisions
annoncées dans la Déclaration de politique générale du Premier
Ministre par rapport à la Constitution et autres textes
fondamentaux. C'est le système même qui a montré ses limites avec
l'effondrement de l’État malien. Il faut en tirer toutes les
conséquences et faire passer le souffle purificateur du changement
dans les institutions maliennes.
Cela ne peut être du ressort exclusif des institutions de la république. Elles ne sauraient se
remettre en cause. Dans les faits, on sait qu'elles ne sont nullement représentatives du peuple malien, tout comme la classe politique. C’est pourquoi, pour sortir de l'impasse actuelle, nous sommes condamnés à créer une nouvelle dynamique à travers des Assises Nationales Populaires, à l'instar de ce qui a été fait au Sénégal par la société civile, même si la dynamique n'a pas été menée jusqu'au bout. Cela a tout de même permis de congédier Abdoulaye Wade et d'éviter au pays une guerre civile. Nous pouvons en tirer des leçons.
Sortons du schéma classique des conférences nationales souveraines, des États généraux, des concertations nationales et autres scenarii où l’État et la classe politique en cooptent les participants.
Cela ne peut être du ressort exclusif des institutions de la république. Elles ne sauraient se
remettre en cause. Dans les faits, on sait qu'elles ne sont nullement représentatives du peuple malien, tout comme la classe politique. C’est pourquoi, pour sortir de l'impasse actuelle, nous sommes condamnés à créer une nouvelle dynamique à travers des Assises Nationales Populaires, à l'instar de ce qui a été fait au Sénégal par la société civile, même si la dynamique n'a pas été menée jusqu'au bout. Cela a tout de même permis de congédier Abdoulaye Wade et d'éviter au pays une guerre civile. Nous pouvons en tirer des leçons.
Sortons du schéma classique des conférences nationales souveraines, des États généraux, des concertations nationales et autres scenarii où l’État et la classe politique en cooptent les participants.
Autre
aspect innovant, les Assises nationales, pour être vraiment
populaires, doivent impliquer les populations depuis la base jusque
dans les villages les plus reculés. A chaque étape, il reviendra
aux populations de désigner elles-mêmes leurs propres
représentants. C'est seulement ainsi que l'on s'assurera de la
représentativité des institutions qui en sortiront et surtout de
leur légitimité. Il faut en réduire drastiquement le nombre. Nous
avons déjà fait des propositions en ce sens dans des articles
précédents.
A
titre d'exemples: suppression de la Primature, élections du
Président par le Parlement, impossibilité de sa dissolution par ce
dernier, principe du scrutin uninominal par circonscription
électorale, renforcement des critères d'éligibilité autres que
par l'argent, durcissement des conditions de création de partis
politiques et associations, généralisation du principe de la
limitation des mandats aux partis politiques, syndicats et
associations, suppression du financement public des partis politiques
et son remplacement par un système de prestations de service comme
par exemple la formation des cadres, etc. Sortons aussi des
déclarations de politique générale qui n'ont aucun impact sur la
vie réelle des populations. Chaque ministre doit passer devant le
Parlement pour faire valider son programme d'activités avec
obligation de résultats et un chronogramme à l'appui. Il faut
instaurer, à l'occasion, de véritables débats.De même, pour le
choix des directeurs nationaux et généraux suite à un appel à
candidature. Tous devront exercer la plénitude de leurs fonctions
respectives et en assumer entièrement la responsabilité. Ils
doivent en rendre compte et pouvoir être sanctionnés à tout
moment. Tous les secteurs doivent être revisités par les Assises
nationales populaires. Il faut aussi élaborer un nouveau système
sécuritaire et de défense où seront impliquées et
responsabilisées les populations à la base. La meilleure sécurité
est celle qui implique des populations conscientes et responsables.
De nombreuses expériences positives existent un peu partout dans le
monde. Il ne faut pas se leurrer. De telles mesures ne sont possibles
que dans le cas d'un pouvoir véritablement populaire et qui n'a pas
peur de son peuple. Ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. Ce
n'est pas avec une armée de mercenaires qu'on peut régler les
questions de sécurité. Même les armées étrangères les
puissantes et celles sous mandat de l' ONU et l'Union Africaine n'y
peuvent rien à terme. Seuls les peuples souverains ont la solution à
leurs propres problèmes.
Et
enfin, il faut continuer à critiquer IBK et à faire pression
pour qu'il change de politique. Nous subirons certainement les
conséquences de son échec, même si nous ne sommes pas aux
affaires. La situation du pays est critique. Nous devons nous
efforcer de montrer qu'il existe d'autres alternatives. Il nous
revient de les construire avec les populations. Nous y sommes
condamnés. Il faut sortir des batailles politiciennes et travailler
à l'émergence d'un changement qualitatif réel. Cela demande du
travail, des efforts et du temps. Faisons inlassablement notre devoir
de génération. C'est la seule façon de reconstruire l'espérance
et de sortir du marché des charlatans nationaux et internationaux,
vendeurs d'illusions. Notre salut commun en dépend.Les élites
actuelles ont atteint leurs limites. Elles sont condamnées par
l'histoire. Les mouvements sociaux de base contre l'accaparement et
la privatisation des terres agricoles, les luttes de résistance
contre les concessions minières qui arrachent aux populations leurs
lieux de vie et de production avec les conséquences dramatiques sur
leur santé et leur environnement, la désespérance des jeunes face
aux horizons bouchés par les politiques néolibérales qui ont créé
partout des impasses dans le monde, sont en train de dessiner de
nouvelles alternatives. Il faut travailler à l'émergence et à
l'organisation qualitative de ces luttes. Elles constitueront
l'étincelle qui allumera l'incendie qui consumera l'ordre ancien en
putréfaction et éclairera l'horizon d'un monde appelé à émerger.
Le
poète cubain José Marti disait qu'il fallait voir dans l'incendie,
non pas les cendres du monde ancien, mais la lueur des flammes qui
s’élance vers le ciel et éclaire l'horizon du monde nouveau en
gestation.
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