
par Anne Bocandé
Africultures
Dépoussiérer
le panafricanisme. C'est ce que propose le chercheur Amzat Boukari dans
son ouvrage paru chez La Découverte, Africa Unite ! Une histoire du
panafricanisme. Africultures l'a rencontré.
Vous
évoquez le panafricanisme comme un concept philosophique, un mouvement
sociopolitique, ou une doctrine de l'unité politique. Quelle est la
définition du panafricanisme ?
![]() Amzat Boukari-Yabara
Historien, spécialiste de l'Afrique.
Originaire du Bénin et de la Martinique, Amzat Boukari-Yabara est titulaire d'une maîtrise en histoire du Brésil (Paris-Sorbonne, 2005), d'un master en sciences sociales (EHESS, 2007) et d'un diplôme d'études latino-américaines (IHEAL, 2011). Sa thèse de doctorat en histoire et civilisations de l'Afrique (EHESS, 2010) interroge les divers aspects du panafricanisme et des mouvements révolutionnaires contemporains à partir de la biographie politique et intellectuelle de l'historien guyanien Walter Rodney. Il est notamment l’auteur de Nigeria (De Boeck, 2013) ; Mali (De Boeck, 2014); Africa unite ! (La Découverte, 2014); Walter Rodney (1942-1980) : les fragments d’une histoire de la révolution africaine (Présence africaine, 2015). |
D'autre part, il y a un aspect historiographique : quand on dit que l'histoire de l'Afrique contemporaine commence en 1885 avec la conférence de Berlin, ou en 1960 aux indépendances, cela n'a aucun sens. Mon intérêt était de montrer que le panafricanisme est né en même temps que le libéralisme et le socialisme qui sont liés à la Révolution française, à la Révolution américaine, à l'industrialisation, etc. L'histoire contemporaine de l'Afrique, c'est le panafricanisme. C'est exactement la même profondeur historique. Donc, par conséquent, si on veut écrire l'histoire de l'Afrique, il faut partir du panafricanisme.
Vous
précisez que c'est une histoire liée à un continent, à un espace, mais
pas nécessairement à une couleur de peau. C'est-à-dire ?
Le panafricanisme a d'abord été un pan-négrisme, un sentiment de
solidarité entre les Noirs déportés aux Amériques dans le cadre de la
traite transatlantique. Ce crime contre l'humanité a accompagné l'essor
du capitalisme, c'est-à-dire le système le plus perfectionné
d'exploitation et de domination globale de l'homme par l'homme, et donc
le système à l'origine du monde tel que nous le connaissons aujourd'hui.
Le racisme - qui stigmatise et assimile la peau noire à la condition
servile dans les Amériques - a eu pour réponse une auto-identification,
cette fois-ci positive, des Noirs à l'Afrique, mais une Afrique qui
était plus imaginée que représentée. Cette imagination vient des
passages sur l'Éthiopie dans la Bible ou dans les récits d'esclaves, et
donnera plus tard les écrits de la Renaissance de Harlem et de la
Négritude.