Affaire n°1
Un médecin rwandais recherché par Interpol exerçait à l'hôpital de Maubeuge
samedi 17.10.2009, 05:02 - J.-M. BOUTILLIER , La Voix du NordEugène Rwamucyo, né en 1959 à Ruhengeri, Rwanda, est-il ou non mêlé au génocide perpétré dans ce pays entre avril et juillet 1994 et qui, selon l'ONU, a coûté la vie à 800 000 Rwandais, essentiellement des Tutsis ? ...
Le Tribunal pénal international pour le Rwanda répondra peut-être un jour à cette question. Mais ce qu'il y a de sûr, c'est que ce médecin exerçait jusqu'à ce jeudi ses fonctions de responsable de la médecine du travail au centre hospitalier de Sambre-Avesnois de Maubeuge, alors qu'il faisait l'objet d'une notice de recherche des services d'Interpol. Exerçait, car, comme le confirmait hier Henri Mennecier, directeur de l'établissement, le médecin est visé depuis ce mercredi par une mesure de suspension, « à titre conservatoire », dès lors que sa situation particulière a été connue de la direction, à la faveur d'investigations journalistiques.
Eugène Rwamucyo, Hutu, qui fut médecin-chef du centre universitaire de Butare, dans le Sud du Rwanda, est cité par le Collectif des parties civiles pour le Rwanda, comme un acteur du génocide. Depuis 2006, il fait l'objet d'une notice de recherche d'Interpol, « une notice rouge », confirmait-on hier après-midi au siège de l'organisation internationale de police criminelle, à Lyon. Ce qui range le médecin dans une catégorie de personnes auxquelles sont reprochés des faits d'une certaine gravité.
Première plainte à Lille
C'est le 15 avril 2007 qu'une plainte visant Eugène Rwamucyo a été déposée, à Lille, par le CPCR, le Collectif des parties civiles pour le Rwanda, présidé par Alain Gauthier, mari d'une Rwandaise qui a perdu quasiment toute sa famille dans le génocide. En novembre de la même année, une ordonnance de dessaisissement est rendue au profit du parquet de Paris qui ouvre, le 5 février 2008, une information judiciaire pour « crimes de guerre et complicité ».
Depuis, il semblerait que l'activité judiciaire ait été exercée a minima à l'encontre du médecin. « Il n'a jamais été entendu », affirmait hier Alain Gauthier, lequel fait état de « témoignages précis de Rwandais contenus dans le dossier » concernant l'éventuelle implication d'Eugène Rwamucyo dans le génocide. Le même évoque un « colloque révisionniste », selon ses propres termes, qui s'est tenu le 4 avril 2002 dans la salle Monnerville du Sénat, colloque auquel participait le médecin. « S'agissant de moi, il a déclaré "ce Monsieur ne connaît le Rwanda que par des confidences sur l'oreiller" », allusion à l'épouse rwandaise d'Alain Gauthier lequel avait alors, dans un courrier adressé à Xavier de Villepin, président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, fait part de sa réprobation sur le contenu de ce colloque.
Injoignable hier - il demeure dans l'entité de Lobbes, en Belgique - Eugène Rwamucyo réfute toute participation au génocide. « Il connaissait l'existence des documents qui circulaient (sur Internet, ce qui a permis la découverte-NDLR). Il me l'a dit quand je lui ai signifié sa suspension. Il en conteste la véracité », ajoutait hier Henri Mennecier, qui ignorait tout de la situation du médecin. Reste à savoir comment Eugène Rwamucyo, précédemment en poste au CHR de Lille et résidant alors à Bouvines, a pu échapper aussi longtemps aux recherches d'Interpol. C'est l'une des nombreuses questions que pose ce dossier qui fait grand bruit en Sambre.
Le médecin rwandais de Maubeuge recherché par Interpol « s'explique »
mardi 20.10.2009, 05:02 - PAR JEAN-MARIE BOUTILLIER, La Voix du Nord
mardi 20.10.2009, 05:02 - PAR JEAN-MARIE BOUTILLIER, La Voix du Nord
| ENTRETIEN |
Eugène Rwamucyo s'explique. Ce médecin rwandais a été suspendu, « à titre conservatoire », jeudi, de ses fonctions de responsable de la médecine du travail à l'hôpital de Maubeuge, après que fut connue sa situation de personne recherchée par Interpol dans le cadre du génocide rwandais de 1994.
C'est une interview téléphonique réalisée en deux temps qui a permis hier à Eugène Rwamucyo de s'exprimer, de son domicile de Lobbes, en Belgique. La première partie, en matinée, a été interrompue incidemment par un appel donné par l'avocat de celui qu'Interpol recherche depuis 2006 pour sa participation présumée au génocide rwandais. La seconde, l'après-midi, a pris une autre tonalité.
» La « notice rouge » d'Interpol qui le vise ? « La fiche Interpol, que l'on essaie de faire passer pour un mandat d'arrêt international, n'est pas émise par Interpol mais par le Bureau central national de Kigali. Quant au collectif pour les parties civiles du Rwanda, ils savent très bien que la justice suit son cours. » Le même, l'après-midi, moins affable : « Je ne peux pas bouger, mes avocats ne veulent pas que je me mette en danger. » Question : « La direction de l'hôpital de Maubeuge était-elle au courant de votre situation ? » « Je ne répondrai pas à n'importe quelle question. » Parenthèse : Thierry Lazaro était, lui, au courant. Le député-maire de Phalempin est intervenu en 2005 en faveur d'Eugène Rwamucyo afin que ce dernier puisse obtenir un titre de séjour qui lui faisait défaut. Joint hier matin, le parlementaire confirme qu'il était au courant de la situation du médecin rwandais dirigé vers lui par « un radiologue ». « J'assume. Eugène Rwamucyo m'a toujours dit qu'il était recherché. Il m'a toujours dit qu'il était innocent. J'ai mis la présomption d'innocence en avant comme précepte. Je suis surpris de l'hallali. Qu'il ait droit à un procès équitable. Et si après ça on peut prouver quoi que ce soit, j'en serai évidemment catastrophé », résumait hier Thierry Lazaro, qui remarque que, depuis 1994, « les différents gouvernements n'ont pas jugé utile d'aller plus loin », sur cet épineux dossier qui ne concerne pas en France qu'Eugène Ramucyo (notre édition de dimanche).
Eugène Rwamucyo admet-il seulement le terme de « génocide » ? « Je ne réponds pas. » Relance : « Mais la communauté internationale l'admet dans son ensemble... » « Alors faites-les répondre à ma place ! » L'opération « Turquoise », décidée par la résolution 929 du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations-unies et assumée en grande partie par la France, critiquée là-dessus par la même communauté internationale ? « Pas de commentaires », lâche le médecin. C'est pourtant vers « Turquoise » que revient inlassablement ce type de dossier qui évolue dans les eaux troubles de la diplomatie et du fameux intérêt supérieur de l'État.
« Diabolisation »
Eugène Rwamucyo affable, hier matin, en préambule : « Je proteste contre la diabolisation dont je fais l'objet depuis quelques jours dans la presse. Le leitmotiv dans cette affaire est à rechercher du côté des activistes du régime (régime actuel rwandais). Ils sont ici, en France. Ce qui les intéresse, ce n'est pas la justice, c'est de me faire perdre mon statut, de me rendre indigent.» La « notice rouge » d'Interpol qui le vise ? « La fiche Interpol, que l'on essaie de faire passer pour un mandat d'arrêt international, n'est pas émise par Interpol mais par le Bureau central national de Kigali. Quant au collectif pour les parties civiles du Rwanda, ils savent très bien que la justice suit son cours. » Le même, l'après-midi, moins affable : « Je ne peux pas bouger, mes avocats ne veulent pas que je me mette en danger. » Question : « La direction de l'hôpital de Maubeuge était-elle au courant de votre situation ? » « Je ne répondrai pas à n'importe quelle question. » Parenthèse : Thierry Lazaro était, lui, au courant. Le député-maire de Phalempin est intervenu en 2005 en faveur d'Eugène Rwamucyo afin que ce dernier puisse obtenir un titre de séjour qui lui faisait défaut. Joint hier matin, le parlementaire confirme qu'il était au courant de la situation du médecin rwandais dirigé vers lui par « un radiologue ». « J'assume. Eugène Rwamucyo m'a toujours dit qu'il était recherché. Il m'a toujours dit qu'il était innocent. J'ai mis la présomption d'innocence en avant comme précepte. Je suis surpris de l'hallali. Qu'il ait droit à un procès équitable. Et si après ça on peut prouver quoi que ce soit, j'en serai évidemment catastrophé », résumait hier Thierry Lazaro, qui remarque que, depuis 1994, « les différents gouvernements n'ont pas jugé utile d'aller plus loin », sur cet épineux dossier qui ne concerne pas en France qu'Eugène Ramucyo (notre édition de dimanche).
« J'ai fui le Rwanda »
Retour à Lobbes : « Quand et pourquoi avez-vous quitté le Rwanda ? » « Je ne réponds pas à ce genre de question. » Eugène Rwamucyo finira cependant par préciser qu'il a quitté son pays d'origine « fin juillet 1994, pour fuir le FPR, voilà, et maintenant ça suffit » - FPR, Front patriotique rwandais - sachant que le génocide qui a coûté la vie à 800 000 personnes a été perpétré d'avril à juillet 1994. Précisons toutefois qu'un élément chronologique ne suffit pas à lui seul à établir une culpabilité.Eugène Rwamucyo admet-il seulement le terme de « génocide » ? « Je ne réponds pas. » Relance : « Mais la communauté internationale l'admet dans son ensemble... » « Alors faites-les répondre à ma place ! » L'opération « Turquoise », décidée par la résolution 929 du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations-unies et assumée en grande partie par la France, critiquée là-dessus par la même communauté internationale ? « Pas de commentaires », lâche le médecin. C'est pourtant vers « Turquoise » que revient inlassablement ce type de dossier qui évolue dans les eaux troubles de la diplomatie et du fameux intérêt supérieur de l'État.
Maubeuge : le médecin rwandais suspendu déjà condamné au Rwanda il y a un mois
jeudi 22.10.2009, 11:30 - Avec AFP
AFFAIRE |
Le médecin rwandais suspendu de ses fonctions à l'hôpital de Maubeuge pour son implication présumée dans le génocide de 1994, a été condamné il y a un mois par contumace à la perpétuité par un tribunal populaire gacaca rwandais.
Le docteur Eugène Rwamucyo qui travaillait jusqu'à jeudi de la semaine dernière à l'hôpital de Maubeuge, « a été condamné à la perpétuité il y a mois », a indiqué un membre du jury ayant siégé dans l'affaire.
Eugène Rwamucyo a été jugé par le tribunal gacaca de Ngoma, dans la ville de Butare (sud). Inspirées de la tradition rwandaise,les juridictions gacacas sont chargées de juger les auteurs présumés du génocide perpétré contre les Tutsis en 1994, à l'exception des « planificateurs au niveau national » (qui relève des juridictions classiques). Le jury a conclu que le docteur Rwamucyo faisait partie d'« un comité de crise qui a organisé et supervisé le génocide à Butare » en 1994, selon la source jointe par téléphone, qui s'exprimait sous couvert de l'anonymat.
Ce jugement est confirmé par le quotidien progouvernemental rwandais, le New Times, qui souligne que Rwamucyo figure sur la liste des 45 principaux responsables des massacres de Tutsis à l'Université nationale du Rwanda (UNR) et à l'Hôpital universitaire, deux institutions situées à Butare. Plusieurs anciens professeurs à l'UNR et médecins à l'hôpital universitaire ont été jugés et condamnés par contumace pour leur rôle dans le génocide perpétré contre les Tutsis en 1994 à Butare.
Parmi eux, figurent l'ancien vice-recteur de l'université, Jean-Berchmans Nshimyumuremyi et le docteur Séraphin Bararengana, frère de l'ex-président Juvénal Habyarimana dont l'assassinat, le 6 avril 1994, fut l'élément déclencheur des massacres. La ville de Butare était, à l'époque, le plus haut lieu intellectuel du Rwanda.
Eugène Rwamucyo, qui vit en Belgique tout près de la frontière française, et a aussi dans le passé exercé au centre hospitalier universitaire de Lille, a catégoriquement démenti ces accusations, se disant un « bouc-émissaire » et « victime d'une diabolisation ».
Un médecin de Villeneuve-sur-Lot fiché à Interpol
Eugène Rwamucyo a été jugé par le tribunal gacaca de Ngoma, dans la ville de Butare (sud). Inspirées de la tradition rwandaise,les juridictions gacacas sont chargées de juger les auteurs présumés du génocide perpétré contre les Tutsis en 1994, à l'exception des « planificateurs au niveau national » (qui relève des juridictions classiques). Le jury a conclu que le docteur Rwamucyo faisait partie d'« un comité de crise qui a organisé et supervisé le génocide à Butare » en 1994, selon la source jointe par téléphone, qui s'exprimait sous couvert de l'anonymat.
Ce jugement est confirmé par le quotidien progouvernemental rwandais, le New Times, qui souligne que Rwamucyo figure sur la liste des 45 principaux responsables des massacres de Tutsis à l'Université nationale du Rwanda (UNR) et à l'Hôpital universitaire, deux institutions situées à Butare. Plusieurs anciens professeurs à l'UNR et médecins à l'hôpital universitaire ont été jugés et condamnés par contumace pour leur rôle dans le génocide perpétré contre les Tutsis en 1994 à Butare.
Parmi eux, figurent l'ancien vice-recteur de l'université, Jean-Berchmans Nshimyumuremyi et le docteur Séraphin Bararengana, frère de l'ex-président Juvénal Habyarimana dont l'assassinat, le 6 avril 1994, fut l'élément déclencheur des massacres. La ville de Butare était, à l'époque, le plus haut lieu intellectuel du Rwanda.
Eugène Rwamucyo, qui vit en Belgique tout près de la frontière française, et a aussi dans le passé exercé au centre hospitalier universitaire de Lille, a catégoriquement démenti ces accusations, se disant un « bouc-émissaire » et « victime d'une diabolisation ».
Affaire n°2
GENOCIDE RWANDAIS. Comme dans l'affaire de Maubeuge, un médecin rwandais exerçant aux urgences de l'hôpital fait l'objet d'une fiche de recherche pour génocideUn médecin de Villeneuve-sur-Lot fiché à Interpol
par Bastien Souperbie, Sud-Ouest, 21 octobre 2009
Dans son édition de samedi, « La Voix du Nord » révélait qu'un praticien du centre hospitalier de Maubeuge, Eugène Rwamucyo, faisait l'objet d'une fiche de recherche sur Interpol pour génocides et crimes de guerre en 1994 au Rwanda. Le quotidien indiquait par ailleurs qu'un autre médecin, Sosthene Munyemana, était dans la même situation à Villeneuve-sur-Lot.
Cet homme de 45 ans, domicilié à Bordeaux, exerce depuis plus d'une dizaine d'années aux urgences de l'hôpital Saint-Cyr. Sa notice de recherches fait également mention des termes de « génocide et crimes de guerre ». Déjà, il y a sept ans, le collectif girondin pour le Rwanda s'était ému de la présence au sein de l'hôpital villeneuvois de ce médecin recherché par Interpol et contre lequel des ONG telles que African Rights porte de graves accusations avec témoignages à l'appui.
Entendu une seule fois
Néanmoins à ce jour, Sosthène Munyemana qui a toujours clamé son innocence et nié sa participation au génocide des Tutsis au Rwanda n'a jamais été inquiété par la justice française. Il n'a été entendu qu'une seule fois par un magistrat à titre de témoin assisté. Toutefois, dans un arrêt rendu le 24 janvier 2008, la Cour nationale du droit d'asile rejetait la demande de droit d'asile du médecin villeneuvois en s'appuyant notamment sur l'évaluation menée par l'Ofpra (office français de protection des réfugiés et apatrides). Cet organisme indiquait « que l'instruction a permis de constater que M. Sosthène Munyemana s'est volontairement inscrit dans l'appareil administratif local mis en place durant la période du génocide [...] ; qu'il a assumé une pleine autorité sur un local de détention du secteur de Tumba, dans la commune de Ngoma ». Et l'Ofpra de conclure « que sa nomination au comité de financement de l'autodéfense civile pour la préfecture de Butare (au Rwanda NDLR) constitue en soi et au sens récemment rappelé par le Conseil d'État, une raison sérieuse de penser que l'intéressé s'est rendu coupable de crime contre l'humanité et de génocide au sens stipulé par la convention de Genève ».
Pas condamné
Un rapport accablant qui ne doit pas occulter qu'en l'absence de condamnations, le médecin villeneuvois (également passé par Tonneins) doit bénéficier de la présomption d'innocence.
Joint hier, le Conseil de l'ordre des médecins du Lot-et-Garonne assurait ne rien savoir de cette affaire, indiquant que les médecins extracommunautaires échappaient à son domaine de compétence.
À l'hôpital Saint-Cyr, on avait toutefois entendu des « bruits ». « On savait qu'il y avait de graves accusations qui étaient portées contre lui », relate une médecin de l'hôpital sous couvert de l'anonymat, qui décrit l'homme « comme un bon collègue ». « Il ne cachait d'ailleurs pas qu'une procédure était en cours depuis dix ans, tout en assurant qu'il était victime de fausses accusations. »
La direction de l'hôpital de Villeneuve était injoignable hier. À Maubeuge, Eugène Rwamucyo a été suspendu à titre conservatoire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire