par Thomas Noirot, Billets d'Afrique, octobre 2015
Alliances improbables, violence, impunité, nouvelles lois
répressives : cocktail dangereux pour un premier tour le 11
octobre.
En Guinée, après la mort du
dictateur Lansana Conté en 2008
et deux années de transition
militaire marquée par le « massacre du 28 septembre » et la tentative d’assassinat du chef de la junte Moussa Dadis Camara quelques mois plus tard, une élection qualifiée de transparente avait porté l’opposant historique Alpha Condé au pouvoir.
militaire marquée par le « massacre du 28 septembre » et la tentative d’assassinat du chef de la junte Moussa Dadis Camara quelques mois plus tard, une élection qualifiée de transparente avait porté l’opposant historique Alpha Condé au pouvoir.
Élu sur la base de promesses
ethniques et d’alliances à tout va, ce cadre
de l’Internationale socialiste et vieil ami
de Bernard Kouchner a perdu les pédales
sitôt assis dans son fauteuil présidentiel :
son mandat, ponctué de violences voire
d’assassinats à l’encontre de l’opposition,
présente un bien piètre bilan
démocratique.
Si des élections
législatives, maintes fois reportées,
avaient finalement été organisées en
2013, les élections locales qui auraient dû
être organisées dès 2010 n’ont pas eu lieu,
les collectivités locales étant dirigées par
des délégations spéciales nommées par
l’exécutif. Alors que l’affairisme minier
bat son plein dans ce pays au sous-sol
richissime, l’économie est exsangue, un
paradoxe que le pouvoir tente de justifier
par l’épidémie d’Ebola.
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Les 8 candidats. Voir leurs biographies ici |
A l’approche de la présidentielle, dont le
premier tour est prévu le 11 octobre, la
situation n’a cessé de se tendre. La crise
politique qui dure depuis des mois s’est
cristallisée au premier semestre au sujet
de la composition de la commission
électorale censée superviser les scrutins
(la CENI), du fichier électoral aux
multiples anomalies, et du calendrier
électoral.
L’opposition réclamait en effet
l’organisation d’élections locales avant la
présidentielle, pour éviter que les
délégations spéciales ne soient les
instruments d’une fraude massive au
profit du candidat Alpha Condé.
Le pouvoir a refusé tout aménagement du
chronogramme (les élections locales
auront bien lieu après la présidentielle),
mais a arraché un accord politique sur le
processus électoral, signé le 20 août avec
les principaux partis d’opposition. Celui-ci
prévoit un toilettage du fichier
électoral, une légère modification de la
CENI et la recomposition d’un tiers des
communes, au prorata des élections
législatives de 2013 (Jeuneafrique.com,
21/08) : dès septembre, une partie des
délégations spéciales doivent ainsi passer
aux couleurs des partis d’opposition...
Dans son bras de fer avec le pouvoir,
l’opposition menace de battre à nouveau
le pavé si l’accord n’est pas respecté, mais
elle ne marche plus unie : le conflit de
leadership entre les deux leaders de
l’opposition libérale, Sidya Touré (de
l’UFR) et Cellou Dalein Diallo (de
l’UFDG, et Chef de file de l’opposition), a
fait éclater leur alliance nouée à l’entre
deux tours depuis 2010. Sidya Touré ne
conteste même plus le principe de faire
alliance avec Alpha Condé au second tour
(RFI, 24/07), tandis que l’UFDG de
Cellou Dalein Diallo a trouvé un nouvel
allié.
Car suite à l’annonce le 11 mai de
l’ancien capitaine Moussa Dadis Camara,
exilé au Burkina Faso, de son souhait de
se présenter à la prochaine présidentielle,
la justice guinéenne a opportunément
accéléré l’instruction judiciaire sur le
massacre du 28 septembre 2009, où 157
personnes avaient été tuées et des
centaines blessées ou violées. Dadis, qui
était alors au pouvoir, a ainsi été inculpé
le 9 juillet pour complicité d’assassinats,
séquestration et viols.
Mais cela ne l’a pas
empêché de s’allier avec Cellou Dalein
Diallo, pourtant président d’un des partis
dont les militants furent les victimes du
28 septembre. Ambiance.
Au cas où, le pouvoir a pris ses dispositions pour mater toute contestation. Appelant plutôt à « renforcer la liberté de réunion et d’expression afin de prévenir les violences électorales », Amnesty International a dénoncé le 4 juin deux nouvelles lois. La première criminalise la dissidence en sanctionnant très durement l’offense au président et aux responsables publics ; la seconde, qui vise pudiquement au « maintien de l’ordre public », autorise la répression violente (y compris par balle) des manifestations, au prétexte de l’encadrer. Un « permis de tuer » dénoncé par le Chef de file de l’opposition, mais qui ne semble pas émouvoir la diplomatie française et les alliés socialistes d’Alpha Condé.
Au cas où, le pouvoir a pris ses dispositions pour mater toute contestation. Appelant plutôt à « renforcer la liberté de réunion et d’expression afin de prévenir les violences électorales », Amnesty International a dénoncé le 4 juin deux nouvelles lois. La première criminalise la dissidence en sanctionnant très durement l’offense au président et aux responsables publics ; la seconde, qui vise pudiquement au « maintien de l’ordre public », autorise la répression violente (y compris par balle) des manifestations, au prétexte de l’encadrer. Un « permis de tuer » dénoncé par le Chef de file de l’opposition, mais qui ne semble pas émouvoir la diplomatie française et les alliés socialistes d’Alpha Condé.
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