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Blog régional de l'association Survie (Aude, Gard, Hérault,Lozère,Pyrénées-orientales)

lundi 20 juin 2011

Areva, un avenir radieux sous les cocotiers: bientôt une enquête parlementaire ?

De l’uranium africain aux paradis fiscaux de la Caraïbe
par Rosa Moussaoui, L'Humanité, 15/6/2011
Une holding du géant nucléaire français Areva est immatriculée aux îles Vierges britanniques, 
un paradis fiscal.
De l’Afrique australe à la mer des Caraïbes… Areva Resources Southern Africa, la holding regroupant les activités minières du géant nucléaire français en Afrique (à l’exception du Niger et du Gabon), affiche une géographie à vous faire perdre le nord. Cette entité regroupe les gisements d’uranium autrefois détenus par la société canadienne UraMin, cotée à Londres et Toronto, rachetée par Areva en juin 2007 pour un montant de 2,5 milliards de dollars (1,8 milliard d’euros). Rebaptisée Areva Resources Southern Africa, cette structure dispose aujourd’hui de filiales en Namibie, en République centrafricaine, au Sénégal et en Afrique du Sud. Devenue propriété du groupe nucléaire français, cette holding est pourtant toujours immatriculée... aux îles Vierges britanniques, un paradis fiscal notoire. Pas aux yeux de l’OCDE, qui a retiré l’archipel de sa « liste grise » après qu’il eut signé, en 2009, des conventions portant sur l’échange de renseignements en matière fiscale avec douze pays, parmi lesquels… d’autres paradis fiscaux. Comme les îles Caïmans ou les îles de Jersey et Guernesey, les îles Vierges britanniques figurent désormais sur la « liste blanche » des « juridictions qui ont substantiellement mis en place la norme fiscale internationale ».
Crise globale oblige, les temps ont changé, l’heure est à la « moralisation du capitalisme financier ». Ne dites plus « paradis fiscal », mais « pays à la fiscalité très faible ou avantageuse ». Avec la signature, l’an dernier, d’une convention bilatérale, la France a elle aussi blanchi ce territoire d’outre-mer du Royaume-Uni où l’impôt sur les sociétés n’existe pas. Championnes des avantages fiscaux, comptables et juridiques accordés aux banques, fonds de pension et autres trusts immatriculés sur leur territoire, les îles Vierges britanniques sont classées au 16e rang des paradis fiscaux les plus opaques et les plus nocifs par le Tax Justice Network, une coalition d’ONG. À une centaine de kilomètres à l’est de Porto Rico, sous les cocotiers de cette cinquantaine d’îles, dont seulement une quinzaine sont habitées, on ne compte pas moins de 830 000 sociétés enregistrées, pour seulement 24 000 habitants. Soit 34 sociétés par habitant… Tout à ses projets de filialisation des activités minières d’Areva, qui doivent servir de prélude à l’ouverture du capital, voire à la privatisation du groupe nucléaire, l’État français, actionnaire majoritaire (87 % des titres et 93 % des droits de vote), ne semble pas s’émouvoir de cette immatriculation exotique. Contacté, Areva n’avait pas donné suite à nos sollicitations, hier, à l’heure où nous mettions sous presse. Mais après tout, où est le problème ? Nicolas Sarkozy lui-même l’avait annoncé, dès le 24 septembre 2009 : « Il n’y a plus de paradis fiscaux. Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est fini. »

L’affaire qui embarrasse le nouveau PDG d’Areva

par François Labrouillère - Parismatch.com, 19/6/2011
L’affaire qui embarrasse le nouveau PDG d’Areva
Luc Oursel et Anne Lauvergeon. | Photo Remi OCHLIK/IP3/MaxPPP

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Le remplacement d’Anne Lauvergeon par Luc Oursel à la tête d’Areva fait resurgir l’embarrassant dossier de la filiale UraMin, révélé par Paris Match en avril dernier. Immatriculée dans un paradis fiscal –les Iles Vierges Britanniques-, cette société a été rachetée par Areva, en 2007, au prix astronomique de 1,8 milliard d’euros. Mais, à ce jour, ses gisements d’uranium, en Afrique du Sud, Centrafrique et Namibie, n’ont toujours rien produit.


Auditionnée par la commission des finances de l’Assemblée nationale, le 14 juin dernier, deux jours avant l’annonce du non renouvellement de son mandat, Anne Lauvergeon, la présidente sortante d’Areva, n’a pas manqué d’être interrogée sur le rachat à prix d’or, en juin 2007, de la petite société UraMin. Le député PS du Maine et Loire Marc Goua, lui a notamment demandé si cette filiale, aujourd’hui rebaptisée Areva Resources Southern Africa, allait nécessiter des provisions supplémentaires dans les comptes d’Areva, signalant le fait que quatre ans après son acquisition elle n’avait toujours pas produit le moindre tonnage d’uranium. Anne Lauvergeon s’en est tirée par des réponses générales, soulignant que le prix d’acquisition d’UraMin avait été avalisé par la banque Rothschild et que l’uranium est un « processus long », où « quand on fait une mine, entre le moment où on repère qu’il y a de l’uranium et celui où on démarre la mine, il y a en moyenne quinze ans ». Ces justifications risquent de paraître un peu courtes à Luc Oursel, le prochain PDG d’Areva, et aux députés de la commission des Finances qui pourraient réclamer des investigations plus approfondies sur le sujet. Certains parlent même d’ « affaire Areva », eu égard à l’ampleur des sommes en jeu et aux conditions de l’acquisition en bourse d’UraMin.

    Un titre qui flambe en bourse avant l’offre d’Areva

    Tout commence le 15 juin 2007, quand Areva, le champion français du nucléaire, met sur la table 2,5 milliards de dollars (1,8 milliard d’euros) pour s’offrir la petite société d’origine canadienne UraMin Inc., cotée à Londres et Toronto et immatriculée à Tortola, aux Iles Vierges britanniques. C’est l’acquisition la plus importante dans l’histoire du groupe présidé par Anne Lauvergeon. Un coup comme les aime « Atomic Anne », l’une des rares femmes à diriger une entreprise de cette taille. Avec les gisements détenus par UraMin en Afrique son idée est de consolider la place d’Areva parmi les premiers producteurs mondiaux d’uranium. UraMin a été payé au prix fort. Cette « start-up » de l’exploration minière, créée en février 2005, à l’initiative de Stephen Dattels, vieux routier du secteur et ancien du groupe aurifère Barrick Gold, n’a alors que deux ans d’existence. Aucun de ses gisements n’est encore en exploitation. Principale curiosité de l’entreprise : son titre flambe en bourse et sa valeur est multipliée par quatre durant les six mois ayant précédé l’offre d’Areva. Pour le plus grand profit des petits malins ayant achetés des actions UraMin durant cette période. Mais début 2007, les places sont chères dans l’uranium. Les cours du combustible nucléaire atteignent des sommets. Et selon les affirmations du groupe à l’époque, Areva dit pouvoir miser sur une exploitation rapide des gisements rachetés, avec les premières productions attendues pour 2009-2010 en Namibie.

    426 millions d’euros de dépréciations

    Quatre ans plus tard, la mirifique acquisition d’UraMin, tarde à tenir ses promesses. Comme en témoignent les tableaux du dernier rapport financier d’Areva, aucun des trois principaux gisements africains n’a encore produit le moindre kilo d’uranium. En Afrique du Sud et en Namibie, surtout, les études menées peinent à confirmer les ressources promises des gisements et les quantités d’uranium qui pourront finalement être produites. A Bakouma, en Centrafrique, les réserves ont été revues à la hausse. Toutefois une « rallonge » financière a dû être consentie aux autorités locales, à l’issue de tortueux pourparlers menés par divers émissaires français. Et l’isolement du pays nécessitera de lourds travaux d’infrastructures avant de pouvoir commencer à exploiter industriellement le gisement. En Namibie, l’exploitation du gisement de Trekkopje devrait enfin démarrer en 2013. Mais la faible qualité du minerai impose 1 milliard d’euros d’investissements supplémentaire et une consommation abondante d’eau, ressource rare sous ces latitudes. Pour ne rien arranger, le cours de l’uranium est en chute libre depuis les plus hauts de 2007. Autre coup dur : le groupe chinois CGNPC (China Guangdong Nuclear Power Company), client d’Areva, qui devait racheter au groupe français, fin 2008, 49% de la filiale UraMin, a finalement décidé de renoncer à la transaction.
    Autant d’impondérables ayant nécessité pour 426 millions d’euros de « dépréciations d’actifs » dans les comptes 2010 d’Areva. Et ce n’est sans doute qu’un commencement. Le dossier UraMin a certainement pesé dans la balance, au moment où Anne Lauvergeon bataillait pour être reconduite dans ses fonctions. « Des attaques sans fondement, rétorque-t-on au siège du groupe. UraMin est un investissement à long terme, valorisé sur la base des cours de l’uranium, qui ne peut être jugé sur seulement trois ou quatre ans». L’entreprise publique en veut pour preuve la mission demandée par l’Etat à l’expert-comptable René Ricol, qui a récemment conclu à la parfaite clarté des comptes d'Areva. « Le nucléaire fait partie de ces industries où il faut savoir payer un peu cher des actifs stratégiques, plaide un proche du dossier, venant au secours d’Anne Lauvergeon. Chez France Telecom, on a beaucoup accusé l’ex-PDG Michel Bon d’avoir surpayé la filiale de téléphonie mobile Orange. Mais sans Orange, aujourd’hui France Telecom serait mort. » Point final


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