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Blog régional de l'association Survie (Aude, Gard, Hérault,Lozère,Pyrénées-orientales)

samedi 26 novembre 2011

Le scandale des biens mal acquis

Enquête sur les milliards volés de la Françafrique
Xavier HAREL-Thomas HOFNUNG
Quand un secret de Polichinelle de la Ve République vire à l’affaire d’État ! Depuis les indépendances des années 1960, les initiés savaient que certains dirigeants africains « amis de la France » menaient grand train à Paris ou sur la Côte d’Azur : hôtels particuliers, voitures de collection, vêtements de luxe…. Mais qui s’en souciait vraiment ?
Au printemps 2007, une plainte déposée à Paris par une poignée d’ONG, accusant plusieurs chefs d’État africains de détournements de fonds publics, a lancé l’affaire de ces « biens mal acquis » sur le dos de leurs peuples. Après moult péripéties judiciaires, la Cour de cassation a autorisé, en novembre 2010, l’ouverture d’une enquête inédite sur ces fortunes accumulées en France par les présidents du Gabon, du Congo-Brazzaville et de la Guinée équatoriale.
Les journalistes Xavier Harel et Thomas Hofnung dévoilent dans ce livre, révélations à l’appui, les dessous de ce scandale majeur. Après l’affaire Elf, l’affaire des BMA pourrait bien faire trembler les fondements de la République. Par quels circuits financiers transitent les fonds détournés ? De quelles complicités ont bénéficié ces dirigeants pour placer leurs pétrodollars dans l’Hexagone ? Le silence des partis politiques français serait-il lié à des financements occultes ? Autant de questions liées à ce scandale de la corruption ordinaire aux parfums de Françafrique.
Editions La Découverte
Collection : Cahiers libres 
Parution : novembre 2011
237 pages
Prix : 19,50 €
ISBN : 9782707164872

 

Exclusif: « Le scandale des biens mal acquis »

Régis Soubrouillard - Marianne | Jeudi 24 Novembre 2011

Auteurs du livre Le scandale des biens mal acquis, dont Marianne publie des extraits, les journalistes Xavier Harel et Thomas Hofnung ont recueilli le témoignage de Mike Jocktane, un proche conseiller du président Omar Bongo. Ce dernier confirme les révélations de Robert Bourgi sur la circulation de mallettes entre Paris et Cotonou servant au financement électoral du temps de Jacques Chirac et Dominique de Villepin.

Nicolas Sarkozy et Omar Bongo
Nicolas Sarkozy et Omar Bongo
Des porteurs de valises ont-ils financé la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 ? Dans  leur livre Le Scandale des biens mal acquis* dont Marianne publie les bonnes feuilles, les journalistes Xavier Harel et Thomas Hofnung apportent le témoignage de Mike Jocktane, l’ancien conseiller personnel du président Omar Bongo. Promu en 2009 directeur adjoint du cabinet du chef de l’Etat, Mike Jocktane confirme les révélations de Robert Bourgi sur le transfert d’argent du Gabon vers l’ancien président Jacques Chirac et Dominique de Villepin ou encore Jean-Marie Le Pen. Il affirme, contrairement à Robert Bourgi, que les mallettes ont continué de circuler avant et après l’élection de Nicolas Sarkozy. Pendant que le président Sarkozy fustigeait les réseaux de la Françafrique « d’un autre temps », des hommes politiques venaient chercher leurs mallettes directement dans le bureau du président Bongo. Le tout filmé en vidéo…
Outre le financement des campagnes électorales, le Pasteur Jocktane affirme qu’une bonne partie de ces « gracieusetés » finissaient directement dans la poche des intéressés. 
 
Marianne publie également une interview de Mike Jocktane, il insiste sur la proximité de Nicolas Sarkozy avec Omar Bongo et revient sur l’élection à la tête du pays d’Ali Bongo en 2009 qu’il qualifie de « coup d’état électoral ». Un coup d’état dont la France s’est rendue complice  en reconnaissant rapidement la victoire du fils d’Omar Bongo et en faisant pression sur certains pays voisins pour qu’ils en fassent de même : « La France a imposé un président qui n’a pas été élu. J’affirme que c’est l’une des contreparties des mallettes » conclut Mike Jocktane.

Robert Bourgi au service de Nicolas Sarkozy

(...) Longtemps, Robert Bourgi s’est dévoué corps et âme pour le rival de Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin. Robert Bourgi a déjà raconté l’épisode en 2008 : lors des funérailles de Jacques Foccart, le 21 mars 1997, Jacques Chirac aurait demandé à son disciple de « travailler » main dans la main avec Dominique de Villepin, alors secrétaire général de la présidence de la République. Bon prince, il s’est exécuté. Comme tous ses prédécesseurs à l’Élysée, le chef de l’État cloisonnait. Après sa réélection, en 2002, il a donné pour consigne à son nouveau conseiller pour les questions africaines, l’ambassadeur Michel de Bonnecorse, de ne plus recevoir le sulfureux émissaire au 2 rue de l’Élysée : Villepin serait son « officier traitant ». Probablement amer, Robert Bourgi était désormais reçu en catimini par « DDV ».
Jusqu’au jour de septembre 2005, a confié « Bob », où le Premier ministre
lui aurait signifié qu’il ne pouvait plus le recevoir : « L’argent de Sassou, de Bongo, de tous les Africains, sent le soufre. C’est fini ! ».
Mortifié, le porteur de valises affirme avoir décidé alors de passer avec armes et contacts chez la bête noire des chiraquiens, Nicolas Sarkozy. Curieux : Villepin, qui avait en ligne de mire la présidentielle de 2007, aurait voulu rompre avec Bourgi au moment précis où ce dernier pouvait lui être le plus utile ? À moins que – autre hypothèse, moins avantageuse pour lui – l’avocat ait tout simplement choisi, par pur opportunisme, de rallier le camp du favori, avec l’argent de Bongo prévu pour chacun des deux candidats potentiels de la droite, comme le soutient Michel de Bonnecorse. Selon le dernier conseiller Afrique du président Chirac, Robert Bourgi aurait décidé, au printemps 2006, de rejoindre Nicolas Sarkozy quand il est clairement apparu que Villepin, lombé par l’affaire du contrat première embauche (CPE), n’avait plus aucune chance à la présidentielle : « Au lieu de distribuer une mallette à chacun, il n’en fait plus qu’une, plus grosse, et la dépose aux pieds du ministre de l’Intérieur », a résumé Michel de Bonnecorse Une hypothèse qui paraît la plus plausible aux yeux de plusieurs experts du « village franco-africain ». Roland Dumas n’en a pas la preuve, mais lui aussi « mettrait sa main au feu » que Nicolas Sarkozy a bénéficié de financements africains. Autrement dit, au moment même où, à Cotonou, la capitale du Bénin, le candidat Nicolas Sarkozy fustigeait, le 19 mai 2006, « les réseaux d’un autre temps, des émissaires officieux qui n’ont d’autre mandat que celui qu’ils s’inventent »,  leur incarnation la plus emblématique évoluait déjà dans son sillage. De retour à Paris, quelques jours plus tard, le ministre de l’Intérieur de l’époque, flanqué de « Bob », rencontrait le président du Sénégal, Abdoulaye Wade…

Dans ses interviews, l’avocat a assuré en septembre 2011 que la valse des valises aurait miraculeusement pris fin avec Nicolas Sarkozy, à la demande expresse de ce dernier. À Laurent Valdiguié, du JDD , qui s’en étonnait, l’avocat a eu cette réponse lourde de sous-entendus : « Je dis ce que je sais. Ni Omar Bongo ni aucun autre chef d’État africain, par mon intermédiaire, n’ont remis d’argent ni à Nicolas Sarkozy ni à Claude Guéant. » À croire que Robert Bourgi serait parvenu à se rendre utile autrement. Petite précision, l’avocat avait servi le même discours à Antoine Glaser et Stephen Smith lorsqu’il officiait aux côtés de Dominiquede Villepin : « Du temps où Robert Bourgi était au mieux avec “DDV”, il assurait tout aussi péremptoirement que le collaborateur le plus proche de Jacques Chirac avait, lui aussi, rompu avec la pratique des valises, de même que le président et ancien maire de Paris n’en avait jamais pris tant qu’il confiait ses “affaires réservées” en Afrique à Me  Bourgi ». Une seule conclusion s’impose : souvent Robert Bourgi varie. Ajoutons, pour être complet sur le sujet, que l’avocat franco libano-sénégalais est membre du Premier Cercle, le club des donateurs de l’UMP, qui peuvent donner (au maximum) 7 500 euros annuels pour soutenir l’action du président Sarkozy, tout en apportant les contributions de leurs propres amis.

Utile, Robert Bourgi l’a été assurément. L’ami Bob a fait beaucoup pour tisser des liens solides entre Nicolas Sarkozy et le clan du « doyen » Bongo, l’homme clé (avec Houphouët-Boigny) de la Françafrique. Début janvier 2007, à l’occasion du congrès d’investiture du candidat à la présidentielle, Porte de Versailles à Paris, on remarquait au premier rang des soutiens au candidat de la droite la présence de Pascaline Bongo, la fille et directrice de cabinet du président, celle qui gérait sa cassette personnelle. Elle aurait été placée bien en vue par Claude Guéant lui-même.
En mai 2007, le vainqueur de la présidentielle ne s’est pas montré ingrat. Au soir de son triomphe au second tour, il n’a appelé qu’un seul chef d’État étranger : Omar Bongo. « Nicolas Sarkozy m’a dit simplement : “Merci pour tes avis et tes conseils” », a jubilé alors le « doyen » . Dès le début de son quinquennat, on l’a vu, Nicolas Sarkozy octroyait aussi des annulations de dette plus que substantielles à Brazzaville et à Libreville, contre l’avis argumenté de ses conseillers chargés du dossier. De mauvais esprits avaient tôt fait d’y voir une contrepartie déguisée…

Les valises vues du palais de Libreville

(...) L’ancien ministre de l’Intérieur André Mba Obame a en vain dénoncé un « coup d’État électoral ». Avec son fidèle soutien Mike Jocktane, il a alors basculé dans l’opposition radicale au régime en place. Le 25 janvier 2011, encouragé par l’exemple du président ivoirien Alassane Ouattara, Obame revendiquait la victoire et formait un « gouvernement ». Il a aussitôt été poursuivi pour « crime de haute trahison » par le gouvernement d’Ali Bongo et son parti, l’Union nationale, a été dissous.
Le pasteur Mike Jocktane est las de ce système. Il a décidé de briser l’omerta. « Au Gabon, ce qu’a expliqué Robert Bourgi dans le JDD  était un secret de Polichinelle, nous expliquait-il en septembre 2011. Quand un homme politique français se rend à Libreville, on dit qu’il vient chercher sa mallette… Le président défunt Omar Bongo était très généreux avec les dirigeants français. Mais cet argent ne servait pas uniquement à financer des campagnes électorales. Une part importante de ces dons a fini dans les poches des bénéficiaires. Il ne faut pas se faire d’illusions, il y a eu beaucoup d’enrichissement personnel. »

À l’en croire, les visiteurs du palais présidentiel auraient de quoi se faire du souci :« Les remises de mallettes effectuées dans le bureau du président étaient filmées par des caméras cachées. Tout était enregistré sur vidéo. Certains habitués ne doivent pas dormir tranquilles en ce moment… Ces vidéos constituent, à n’en point douter, l’un des moyens de pression de Libreville sur Paris. »
Et l’ancien haut fonctionnaire d’accuser, sans être en mesure de fournir des preuves matérielles de ce qu’il avance : « Contrairement à ce que prétend Robert Bourgi, Jacques Chirac, Dominique de Villepin et Jean-Marie Le Pen ne sont pas les seuls à avoir bénéficié des largesses du président du Gabon. Les mallettes ont continué de circuler avant et après l’élection de Nicolas Sarkozy. » Mike Jocktane évoque, au passage, un déplacement au Gabon de Nicolas Sarkozy qui n’avait rien d’officiel : « Lorsqu’il était encore ministre de l’Intérieur (entre 2005 et 2007), il est venu passer un week-end à La Pointe-Denis, réputée pour la beauté de ses plages. » Pour Mike Joktane, « cet argent permet de créer des relations amicales et de la confiance et d’acheter, lorsque c’est nécessaire, des soutiens ou des faveurs. Mais il y a évidemment des retours d’ascenseur. L’empressement avec lequel la France a reconnu l’élection frauduleuse d’Ali Bongo en 2009 s’explique par les mallettes distribuées. » Selon le pasteur, Paris a même fait pression sur les pays voisins du Gabon, comme le Cameroun ou la Guinée équatoriale, pour qu’ils reconnaissent rapidement la victoire du « dauphin ».« Il est clair que certains dirigeants français craignaient [en cas de défaite d’Ali Bongo] que des secrets ne soient révélés au grand jour », nous a-t-il assuré.

L’ancien directeur adjoint de cabinet, passé à l’opposition, règle donc ses comptes, mais peut-être d’abord avec sa conscience : « Le développement du Gabon a énormément souffert de ces pratiques. Voilà plus d’un demi-siècle que notre pays, qui compte aujourd’hui tout juste un million et demi d’habitants, extrait du pétrole. Pourtant, les infrastructures sont dans un état déplorable. Il n’y a que 800 kilomètres de routes asphaltées dans un pays vaste comme le Royaume-Uni. Certains quartiers de Libreville n’ont pas d’eau depuis des mois. Lorsqu’on se rend à l’hôpital général de la capitale, il faut apporter son eau potable. C’est ce hiatus entre la richesse du Gabon et la pauvreté d’une large partie de la population qui rend ces mallettes scandaleuses. Au lieu de s’occuper des problèmes sociaux de ce pays, Omar Bongo hier et son fils aujourd’hui achètent le soutien et l’indulgence des autorités françaises. L’argent qui pourrait servir à développer le pays est utilisé pour acheter le silence de la classe politique française. Cette situation ne peut plus durer. »

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