Malainin
Lakhal, 45 ans, est un traducteur, défenseur des droits humains et
journaliste indépendant sahraoui. Il est membre de l'Observatoire sahraoui des Ressources naturelles. L’Institut démocratique africain l’a interviewé à l’occasion de la Journée de l’indépendance saharouie, le 27 fevrier.
A.D.I. : Comment était la vie au Sahara Occidental ?
Malainin
: Grandir au Sahara Occidental occupé, c'est comme grandir dans un
immense camp de détention à ciel ouvert. L'occupation militaire
marocaine a maintenu un siège violent des différentes villes des
territoires dès les premiers jours de l'invasion. De fait, l'invasion a
commencé le 31 décembre 1975 par une vaste opération militaire qui a
rasé des centaines de villages nomades sahraouis, faisant des milliers
de victimes et autant de disparus ; à ce jour, on reste sans aucune
nouvelle de plus de 600 de ces personnes disparues.
Et
bien sûr, étant un enfant sahraoui, grandir dans les écoles marocaines
sous la tutelle de maîtres marocains a été une expérience très difficile
car ils nous traitaient de manière différente, comme l'on ferait avec
n'importe quel peuple colonisé. Dans la classe, dans les rues, sur les
terrains de jeux, les policiers nous traitaient en suspects ; ils nous
interpellaient souvent, à la moindre chose. Ils nous appelaient "les
sales sahraouis", "les chameliers". Nous étions habitués, tous ceux de
ma génération et de la génération suivante, à être arrêtés dans la rue
avec ou sans raison, à être emmenés aux commissariats, à être battus et
torturés par les policiers marocains, qui voulaient simplement se
divertir ou cherchaient à avoir une information spécifique, et à passer
une nuit ou deux au cachot avant d'être relâchés. Nous avons aussi été
nombreux à être emprisonnés pendant des périodes plus longues, et même
certains d'entre nous ont disparu pendant longtemps ou pour toujours.
À
l'école, nous étions discriminés. À cette époque il était difficile
pour un Sahraoui d'aller jusqu'au bout de la scolarité. Les autorités
coloniales faisaient leur possible pour nous décourager d'avancer dans
nos études. Et atteindre l'université a tenu du miracle pour beaucoup
d'entre nous. Ce traitement nous a amenés depuis notre enfance à avoir
une grande conscience politique. Et bien sûr nous étions aussi
politiquement actifs et nous avions tendance à faire tout notre possible
pour rendre la vie difficile aux autorités coloniales, en particulier
la nuit. Pour résumer, la vie dans les zones occupées du Sahara
Occidental est la vie d'un peuple colonisé qui se bat pour sa liberté et
que les colonisateurs répriment à cause de ce combat. La seule
différence ici est que le colonisateur est un autre pays africain.
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