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Blog régional de l'association Survie (Aude, Gard, Hérault,Lozère,Pyrénées-orientales)

samedi 26 décembre 2009

Les réseaux de la mort : Une milice terroriste de Rwandais hutu blanchit son argent en Allemagne

Un rapport de l’ONU sur le FDLR-business
par François MISSER et Dominic JOHNSON, Die Tageszeitung, 25/11/2009. Traduit par Michèle Mialane et édité par Fausto Giudice, Tlaxcala
 
Un rapport d’enquête de l’ONU, non rendu public, sur les affaires de la milice hutu rwandaise FDLR met en cause des pays d’Europe, d’Afrique et d’Asie. La Tageszeitung (Berlin) en a eu communication en avant-première.


Des comptes en banque aux USA : des combattants de la FDLR à Masisi


BERLIN/BRUXELLES taz - Le Conseil de sécurité de l’ONU à New York  a mis à son ordre du jour de mercredi dernier un rapport d’enquête confidentiel explosif, qui devrait faire de la peine à beaucoup de ses membres. Le groupe d’experts onusiens chargé de la surveillance des sanctions contre les groupes armés en République démocratique du Congo dévoile dans un rapport dont la taz a eu communication en avant-première les réseaux de soutien à la guerre que mènent les milices hutu rwandaises FLDR (Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda) dans l’Est du Congo. Une partie des chefs de la FLDR se recrute parmi les coupables du génocide rwandais. Leur Président Ignace Murwanashyaka et leur vice-président Straton Musoni sont depuis peu emprisonnés en Allemagne.


Ignace Murwanashyaka


Selon le rapport, les sanctions et l’embargo imposés par l’ONU ont été contournés à  partir de l’Allemagne, entre autres. Murwanashyka aurait participé à « la coordination de transferts d’armes et munitions destinées à des unités de la FDLR » et aurait contribué « à administrer de grosses sommes d’argent  issues de la vente de ressources naturelles en provenance des zones contrôlées par le FDLR. »
Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité en prennent chacun pour leur grade : la France, qui héberge elle aussi des chefs du FLDR ; la Grande-Bretagne, où des firmes impliquées ont leur siège social ; les USA, qui abritent des comptes en banque ; la Russie et la Chine, qui ont acheté des produits miniers en provenance de l’Est du Congo. En outre la Chine, l’Ukraine, la Belgique , l’Espagne et le Soudan livrent des armes au Congo.
Le Conseil de sécurité de l’ONU risque de ne pas rendre public le rapport dans son intégralité. La Chine aurait demandé qu’il soit d’abord traduit en cinq langues, ce qui ressemble à une manœuvre dilatoire. Mais il semble très improbable que le Conseil fasse simplement l’impasse dessus.

La milice  hutu et ses complices
Les réseaux de la mort

Officiellement les milices FDLR sont soumises à des sanctions de l’ONU, mais elles reçoivent des soutiens de toutes parts - de Tanzanie et même de l’Église catholique.

Sous les ordres d'un milicien des FDLR, des civils du Congo oriental détruisent un pont. Photo rtr

La piste la plus étrange mène aux Baléares. Le gouvernement des deux paradis de vacances insulaires méditerranéens finance deux organisations caritatives catholiques, Fundació S‘Olivar et Inshuti. En quoi cela peut-il intéresser le groupe d’experts onusiens chargé de la surveillance de l’embargo contre les groupes armés de la République démocratique du Congo ? Son nouveau rapport, aujourd’hui à l’ordre du jour du le Conseil de sécurité de l’ONU et que l’avant-première du taz vous offre  en exclusivité, vous fait pénétrer dans le monde secret des réseaux mondiaux qui permettent à la milice hutu FDLR (Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda), dont les chefs se recrutent en partie parmi les coupables du génocide rwandais, de poursuivre son interminable guerre.
Le Président d’Inshuti, Joan Casoliva, aurait selon le rapport promis 200 000 dollars aux FDLR. Les FDLR aurait reçu des deux organisations abondées par l’État espagnol « un soutien financier, logistique et politique régulier ». Des détails : la Fundació S’Olivar financerait  la fondation Brothers of Charity du prêtre belge Constant Goetschalck, basée il y a peu encore à Kigoma en Tanzanie et plaque tournante du trafic d’armes. Cette fondation aurait transféré de l’argent à un certain Ahadi Institute qui l’aurait fait parvenir aux FDLR. Un missionnaire italien au Congo oriental, Pier Giorgio Lanaro, a confirmé avoir transmis à la  milice  l’argent collecté en Europe.
Ce ne sont pas seulement les détails sur la vie interne de l’Église catholique qui font de ce nouveau rapport d’experts onusiens une lecture d’une brûlante actualité. Les experts de l’ONU apportent de nouvelles précisions sur le rôle peu reluisant de l’Allemagne, où les chefs de la FDLR vivaient encore récemment en toute impunité (voir texte ci-dessus). Il analyse les liaisons par téléphone satellitaire des chefs de campagne  du FDLR  du Congo vers 25 pays dans le monde, dont l’Allemagne, la France, la Belgique, la Norvège et les Pays-Bas. En France, où vivent le secrétaire exécutif des FDLR, Callixte Mbarushimana, ainsi que les commissaires à la politique intérieure et étrangère, Emmanuel Ruzindana et Ngirinshuti Ntambara , comme en Grande-Bretagne et aux USA, les autorités se sont refusées à communiquer le nom des personnes en communication. Mais en Belgique on compte parmi les appelants d’ex-chefs militaires rwandais de l’époque du génocide, qui maintenant soutiennent les FDLR. Il existe également des contacts téléphoniques entre les FDLR et le FDU-Inkingi, le parti rwandais en exil dont la Présidente, Victoire Ingabire, qui vit actuellement aux Pays-Bas, veut être candidate aux prochaines présidentielles du Rwanda et fait sa campagne en Europe sous l’étiquette « d’opposition modérée ».


Callixte Mbarushimana (Photo Interpol) 


Victoire Ingabire Umuhoza


Les réseaux financiers européens permettent aux FDLR de s’armer. La milice ne se contente pas de faire main basse sur les armes actuellement en circulation au Congo, elle importe de l’armement venu de Tanzanie via le lac Tanganyika. Bande Ndangundi, un vieil ami  de l’ex-Président du Congo, Laurent-Désiré Kabila, coordonne à partir de Dar Es Salam  en Tanzanie des fournitures d’armes aux FDLR via le Burundi. Il aurait selon les experts de l’ONU des liens étroits avec le gouvernement hutu du Burundi et des officiels de haut rang du gouvernement, de la police et de l’armée tanzaniens. Cette année il aurait eu de fréquents contacts téléphoniques avec un armateur portugais et une entreprise ougandaise de trafic aérien.
Ce business devrait permettre à tout un groupe de responsables tanzaniens de maintenir leur « influence (dans les intérêts) politico-économique » au Sud-Kivu. Une lourde accusation portée par l’ONU. Du carburant passe en contrebande de la Tanzanie vers le Congo, des produits miniers font le chemin inverse. Le Burundi, gouverné depuis 2006 par un ex-mouvement de la rébellion hutu, serait « une base arrière du recrutement pour les FDLR et les réseaux de sympathisants ». Les FDLR entretiendraient des relations étroites avec Adolphe Nshimirimana, le patron  des services secrets burundais, et avec la direction de la police burundaise. Récemment la police burundaise aurait envoyé une délégation en Malaisie pour y acheter 40 000 fusils d’assaut, deux fois plus que ce petit pays ne compte de policiers.
Ce sont les exportations de produits miniers (essentiellement de l’or et du minerai d’étain) qui fournissent aux FDLR les fonds nécessaires. Les marchands d’or  congolais qui collaborent avec les FDLR y travaillent avec des partenaires en Ouganda, au Burundi et à Dubaï. On trouve parmi les acheteurs la Malaysia Smelting Corporation et la  Thailand Smelting and Refining Corporation. Cette dernière est propriétaire de la  Londoner Amalgamated Metals Corporation, son principal fournisseur est selon l’ONU l’African Ventures Ltd, enregistrée aux îles Samoa et installée à Hong-Kong, où son  représentant sur place est l’homme d’affaires suisse Chris Huber. Ce dernier achèterait également des produits miniers fournis par d’anciens rebelles tutsi, qui depuis leur incorporation dans l’armée congolaise contrôlent les districts miniers.
Les armes destinées aux FDLR proviennent aussi de l’armée congolaise elle-même ; ses chefs en charge de la province du Sud-Kivu entretiennent d’étroites relations avec les FDLR et tolèrent, voire mettent en œuvre des transferts d’armes, tout en combattant officiellement la milice. Le gouvernement du Congo, lui, importe des armes d’Europe et d’Asie. Selon l’ONU, le cargo nord-coréen « Bi Ro Bong » chargé de 3 435 tonnes d’armes destinées à l’armée congolaise a accosté le 21 janvier dernier dans le port de Boma, sur l’Atlantique. En  mai c’était au tour du cargo chinois « An Xin Jiang » de déposer dans le port voisin de Matadi d’autres armements. Ni le Ministère de la Défense de Corée du Nord, ni celui de Chine, ni celui du  Congo n’ont souhaité répondre aux questions des experts de l’ONU à ce sujet.
À Kisangani, dans l’Est du Congo, ont atterri entre septembre 2008 et février 2009 18 avions en  provenance de la capitale soudanaise, Khartoum, transportant des frets destinés à l’armée. Des véhicules blindés en provenance de Chine, de Belgique et d’Espagne sont arrivés au Congo ces derniers mois, ainsi que des hélicoptères de combat  ukrainiens, maintenant stationnés à Goma, dans l’Est du Congo et dont la maintenance est assurée par des Ukrainiens et des Biélorusses.
FDLR : les FDLR (Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda) sont une milice opérant en  République démocratique du Congo et composée de combattants hutu rwandais issus des organisations qui pont perpétré en 1994 le génocide rwandais. Leur président Ignace Murwanashyaka a pendant des années dirigé le groupe à partir de l’Allemagne où il a été arrêté le 17 novembre dernier.
Groupe d’experts onusiens : Un embargo sur les armes décrété par l’ONU pèse sur les groupes armés congolais, incluant des interdictions de se déplacer  pu d’effectuer des transactions financières. Les livraisons d’armes au gouvernement congolais doivent être déclarées. Des équipes d’experts informent des violations de l’embargo le comité onusien compétent en matière de sanctions. Ces informations servent de base à l’ONU pour établir des mesures de rétorsion. 




vendredi 18 décembre 2009

Ô Racines, un film sur le problème de l'eau dans la Vallée du Drâa au Maroc

Par Cécile Couraud, 13/12/2009

Chers Souscripteurs,


Il y a très longtemps, pour certains, vous avez souscrit au DVD du film documentaire alors intitulé Effet Papillon sur le problème de l'eau chez les nomades dans la Vallée du Drâa au Maroc.
Et depuis, pour la plupart, vous n'avez plus eu de nouvelles.
En voici donc...
Tout d'abord, je tiens à tous vous remercier pour votre soutien,
sans lequel tout cela n'aurait pu se faire;
et à vous faire part de l'adresse du site Internet du film,
sur lequel vous pourrez visionner la bande annonce du film, rebaptisé "Ô Racines!" :
Comme ce site est tout récent et peut donc encore comprendre quelques "bugs",
voici également la bande annonce :

En bref :
Le projet suit donc son cours : les repérages ont eu lieu en mai 2009 et le tournage vient de s'achever le 23 novembre 2009. Comme c'était à prévoir, nous avons pris du retard et le film ne sortira ni en décembre (grossière erreur qui a infiltré l'appel à souscription) ni en février 2010... mais fin MARS 2010.
Si, toutefois, vous ne receviez votre DVD qu'en avril 2010, je vous prie, d'avance, de
m'en excuser. Il est très difficile de tenir les délais d'un projet à si faible budget.
Car, si j‘ai effectivement obtenu le soutien de nombreux partenaires - ce qui a permis le financement des repérages et du tournage -, le film n‘est cependant pas terminé et les financements font cruellement défaut pour la post-production (traductions, montage, composition de la bande son, mixage, étalonnage, impression DVD ...)
Pour ceux qui ont demandé des reçus pour leurs souscrptions,
vous les recevrez vendredi 18 décembre par e-mail.
Pour ceux qui ont fait un don - ou souhaiteraient le faire! -,
sachez qu'il me sera possible de délivrer un reçu fiscal (déduction des impôts)
à partir de février 2010, date de naissance de notre future association.
Enfin, je profite de ce message pour relancer l'appel à souscription;
merci de faire circuler l'information au maximum...
Encore merci pour votre soutien !
Cécile Couraud
Réalisatrice indépendante

Extrait du courriel d’avril 2009
Le film – Extrait du synopsis :
« […] Dans ce film, la caméra racontera l’histoire d’une tribu de nomades sahraouis en quête d’eau, un liquide retenu par les puissantes dents du barrage El Mansour Eddahbi près de Ouarzazate, la porte du Grand Sud marocain. […]
Ce récit n’est pas seulement une histoire d’eau ; dans ce conte, des humains cherchent à préserver leurs racines, leur identité. L’eau et les racines. Tandis que la France fait face au « déracinement » de certaines populations -des « expatriés marocains » notamment- il semble aujourd’hui essentiel de penser cette question en amont et de remonter à la source : pour grandir, les racines ont besoin d’eau. […] »

La souscription – Prix de soutien : 20 €
 Une souscription vous permettra de réserver votre DVD que vous recevrez en mars 2010 :
  • Souscription à 20€ l'unité
  • Tout complément financier sera le bienvenu !
Pour souscrire à ce DVD, merci de remplir ce bulletin (ou de le copier sur papier libre) :
Nom / Prénom :
Adresse :
Courriel:

o Je souscris à...(nombre de  DVD "O Racines" en remplissant ce bulletin (ou en le copiant sur papier libre)et j'y joins un chèque de ………… € à l'ordre de Cécile Couraud
o Je souhaite recevoir un reçu du montant de ma souscription : (à cocher éventuellement)
Date et signature :
A renvoyer à Cécile COURAUD – 24 rue de la République - 89150 SAINT-VALERIEN

lundi 14 décembre 2009

Survie, 25 ans

Édito, par Odile Tobner, Billets d'Afrique et d'ailleurs, N°186 ,  Décembre 2009
Le 24 juin 1981, sur l’initiative du Parti radical italien, on diffusait dans les plus grandes capitales de l’Occident un document contre l’extermination par la faim, signé par cent treize prix Nobel. Parmi ceux qui répondirent à cet appel, publié dans Le Monde, se trouvait un homme résolu, François-Xavier Verschave. L’association Survie-France fut créée en 1984 pour réaliser les objectifs de ce manifeste.
Le texte pointait clairement le « désordre politique et économique qui règne aujourd’hui ». Il posait l’axiome qui nous sert de guide : « Il faut que tous et chacun donnent valeur de loi au devoir de sauver les vivants, de ne pas tuer et de ne pas exterminer, que ce soit par inertie, par omission ou par indifférence ». Parmi les objectifs concrets, si celui d’augmenter et d’institutionnaliser l’aide a montré ses limites, il en est un qui reste essentiel: "Si les gens savent, s’ils sont informés, nous ne doutons pas que l’avenir puisse être différent de ce qu’il menace d’être et semble fixé pour tous et dans le monde entier."
Un quart de siècle après, la situation est d’une urgence grandissante. La prévision selon laquelle il fallait s’attendre à ce que « notre époque » soit « celle de la catastrophe », s’est révélée cruellement exacte. Le recours proposé s’impose toujours avec la même acuité : "Si ceux qui sont sans pouvoir et sans défense s’organisent, utilisant leurs rares mais durables armes – celle de la démocratie politique et des grandes actions non-violentes “gandhiennes”."
Défendre la démocratie politique là où elle est menacée – et nous savons qu’elle n’est jamais acquise mais constamment soumise aux efforts d’intérêts extrêmement puissants qui n’ont de cesse de la vider, par tous les moyens, de son contenu effectif –, l’instaurer là où elle est absente, partout où l’intérêt des peuples est impudemment bafoué par ceux qui les gouvernent et les bâillonnent, profanant le mot de « démocratie » dont ils osent s’affubler, tel est le combat que nous avons engagé. Pour cela il suffit aux simples citoyens que nous sommes de nous lever et d’oser dire non à la passivité et la soumission à ce qu’on préfère appeler fatalité pour ne pas avoir à nommer les causes objectives des tragédies qui surviennent. Grâce en effet au courage et à la volonté obstinée d’un homme modeste, le manifeste des prix Nobel n’est pas resté, comme tant d’autres appels, une voix qui crie dans le désert, il s’est concrétisé dans l’existence d’une association, modeste elle aussi, à la mesure de nos moyens. François-Xavier Verschave n’a pas attendu que je ne sais quel bienheureux hasard lui donne les moyens de son action, il ne s’est pas découragé devant l’énormité de la tâche1, il a seulement commencé à marcher avec une poignée d’amis aspirant au même but, qui n’avaient que leur seul dévouement. Certains, comme lui-même, sont tombés sur le chemin, quelquesuns, comme Sharon Courtoux, l’associée des toutes premières heures, n’ont jamais renoncé à oeuvrer quotidiennement et bénévolement pour faire avancer les objectifs de l’association. Survie a conquis, au fil des années, une base solide de militants à l’enthousiasme indestructible et à l’engagement généreux et lucide, qui ne ménagent pas leur peine avec une joyeuse abnégation.
A tous, en ce vingt-cinquième anniversaire, il faut dire merci d’avoir, par leur exemple, montré qu’il n’est pas nécessaire d’être puissant matériellement pour « changer la vie » et peser sur le devenir du monde. Il suffit d’être fidèle à ses exigences et de leur accorder plus d’importance qu’aux soucis, même légitimes, qui ne doivent pas nous prendre tout entiers. Il faut laisser la part de l’action pour le rêve.


N°186 - Décembre 2009
Bulletin mensuel d’information alternative sur les avatars de la politique de la France en Afrique depuis 1994, Billets d’Afrique et d’ailleurs constitue l’un des piliers de notre volonté de mieux informer.
Billets est disponible sur abonnement à Survie au prix de 25 € par an (30 € pour l’étranger) pour 11 numéros de 12 pages.

Pour un retour à l'ordre constitutionnel au Niger L'UE doit appliquer les accords de Cotonou


Communiqué du collectif Areva ne fera pas la loi au Niger, de la Coordination pour la Sauvegarde de la Démocratie au Niger (CSD) et de Survie, 8/12/2009
Ce 8 décembre, un émissaire du pouvoir nigérien se déplace à Bruxelles pour débuter les consultations avec l'Union Européenne (UE), conformément aux accords de Cotonou [1]. Nos organisations demandent à l'UE de faire en sorte que ces consultations aboutissent, dans les plus brefs délais, à un retour à l'ordre constitutionnel basé sur la constitution de 1999.

Par le référendum sur la révision de la constitution en août dernier, le président du Niger, Mamadou Tandja, a  organisé un coup d'Etat constitutionnel pour s’octroyer les pleins pouvoirs et profiter encore de la rente de l'uranium. Il peut ainsi rester à la présidence 3 ans de plus et se représenter à volonté. La société civile, les syndicats et la majorité des partis politiques nigériens refusent cet état de fait et en appellent à une élection présidentielle, au terme du mandat du président le 22 décembre prochain, comme prévu avant la révision constitutionnelle.
En octobre, malgré les menaces de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l'UE, le Niger a maintenu des élections législatives illégitimes. En conséquence, la CEDEAO l’a suspendu au titre d'"une violation grave de son protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance". L'UE a aussi durci le ton, appliquant ce que prévoient les accords de Cotonou en cas de manquements en matière  de droits de l'Homme et de gouvernance : en appeler à des consultations et prendre des mesures conservatoires, notamment la suspension de son aide budgétaire au Niger.
Ces consultations UE-Niger pouvant aller jusqu'à 120 jours, leur démarrage a été repoussé au maximum par l'Etat nigérien. Cependant l'action conjointe CEDEAO - UE peut inciter le président nigérien à un dialogue avec l'opposition citoyenne et politique, laquelle exige un retour à l'ordre constitutionnel.
Nous notons avec satisfaction que l'UE ait commencé à appliquer les articles 9 et 96 des Accords révisés de Cotonou qui prévoient la non-exécution de ceux-ci en cas de violation des principes démocratiques et lui demandons de tout faire pour peser sur le cours de la démocratie au Niger, en appliquant ces mesures jusqu'à leur terme, s'il le faut. Nous demandons à l'UE de refuser tout compromis provoqué par des considérations économiques et par une position française complaisante.
Ces consultations sont une occasion et une chance pour l'Union Européenne de concrétiser son attachement à la démocratie et aux droits de l'Homme. Le retour à l'ordre démocratique au Niger serait un signe porteur d'espoir et de changement pour tous les pays africains, notamment ceux qui organisent des élections en 2010 : Togo, Tchad, Centrafrique, Burkina Faso, Madagascar.

Contact presse :     - Stéphanie Dubois de Prisque - Chargée de communication Survie

- Moctar Chekaraou, Membre de la CSD - 06 50 40 59 56

[1] L'accord de Cotonou signé en 2000 entre l'Union Européenne et les États d'Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP)  a pour objectif de rétablir les équilibres macro-économiques, de développer le secteur privé, d'améliorer les services sociaux, de favoriser l'intégration régionale, de promouvoir l'égalité des chances hommes-femmes, de protéger l'environnement et d'abolir de manière progressive et réciproque les entraves aux échanges commerciaux

 

dimanche 13 décembre 2009

Uranium, l'héritage empoisonné


Un documentaire de 52' de Dominique HENNEQUIN.
Une production Nomades TV et Public Sénat avec le soutien du CNC et de la Région Lorraine.
Rediffusion le :
dimanche 13/12/2009 à 18h00
lundi 14/12/2009 à 10h30
dimanche 20/12/2009 à 09h00
Durée : 52 minutes

Uranium, l'héritage empoisonné - Extrait 1
A Mounana au Gabon, AREVA a cessé les activités de sa filiale, la COMUF, en 1999. Sur place, une pollution radioactive des sols et des maisons construites avec des stériles miniers provoque de nombreuses maladies.
A Arlit, au nord du Niger, AREVA exploite deux mines depuis quarante ans. On relève aux alentours les mêmes effets : des mineurs locaux et des expatriés souffrent principalement de cancers des poumons.
Pendant 18 mois, Dominique HENNEQUIN et Pascal LORENT ont enquêté sur les conséquences de
l'exploitation de l'uranium au Gabon et au Niger et rapporté des images exclusives. A Mounana, Dominique HENNEQUIN et Pascal LORENT ont filmé un vaste site contaminé à la radioactivité et rencontré des victimes. Dans les mines d'Arlit, au Niger, l'équipe entre dans le futur site minier d'Imouraren et donne la parole à la rébellion Touareg.
Une enquête étayée par de nombreux témoignages et les analyses d'échantillons réalisées par la CRIIRAD (Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité).


Le Niger, l’uranium et les communicants excommunicateurs

par Samuel Gontier, Telerama, 11 décembre 2009   

Jacques-Emmanuel Saulnier, brillant porte-parole d’Areva, leader mondial du nucléaire, fait savoir par courrier (1) que « [s]es équipes ont pour instruction de ne plus donner suite à vos sollicitations ». Il s'adresse au réalisateur Dominique Hennequin, à qui il reproche ses propos tenus dans Télérama pour parler de son film Uranium, l'héritage empoisonné, diffusé ce soir sur Public Sénat.  Avant de revenir sur la polémique, attardons-nous d'abord sur deux enquêtes effectuées à Arlit, au Niger, où Areva exploite des mines.

Jacques-Emmanuel Saulnier dénie à la visite de Dominique Hennequin le caractère d’une « opération de com (…) : Nous aurions choisi une autre audience que celle offerte par Public-Sénat, soyez-en assuré ». On appréciera le compliment adressé à une chaîne pas franchement subversive, qui, dans la mesure de ses faibles moyens, mène cependant une politique ambitieuse en matière de documentaire. Et on n’osera contester cette information fournie par Areva : « Plus de 50 journalistes se sont rendus à Arlit l'an passé. » Parmi eux, Patrick Forestier, qui a réalisé pour Spécial investigation une enquête, Trafic d'uranium, diffusée début novembre sur Canal+. Un petit comparatif avec le travail de Dominique Hennequin, fondé sur quelques extraits, se révèle particulièrement édifiant.

Pour les deux reporters, la visite des mines d’Arlit ne constitue que la seconde partie de leur document. Dans sa première partie, très intéressante, Patrick Forestier enquête sur l’extraction périlleuse et la destination douteuse de l’uranium des mines clandestines situées en République démocratique du Congo (RDC). De son côté, Dominique Hennequin se rend au Gabon pour mesurer les désastreuses conséquences sanitaires et environnementales de l’exploitation par la Comuf (filiale d’Areva) d’un site fermé en 1999.

Nous voici au Niger.
Patrick Forestier y est allé à l’occasion d’une cérémonie bien fréquentée.

Patrick Forestier descend ensuite dans une mine de la Cominak, qui, « fait exceptionnel, accepte de nous ouvrir les portes de ses boyaux souterrains ». « Exceptionnel », c’est un peu exagéré. Si j’en crois Jacques-Emmanuel Saulnier, cette mine est un vrai moulin à vent. Le reporter y recueille des témoignages sur les conditions de sécurité.

Visitant lui aussi une mine souterraine de la Cominak, Dominique Hennequin est confronté exactement au même discours. Mais il se permet d’émettre des doutes

Au fait, où va le radon dont un mineur explique à Patrick Forestier qu’il doit être ventilé pour ne pas les intoxiquer ? L’enquête de Canal+ donne une réponse plutôt succincte.

Suivra le discours calibré des salariés d’Areva évoqué plus haut. Dominique Hennequin, lui, s’intéresse de plus près à cette pollution atmosphérique. Exprimant de nouveau son scepticisme.

Chaque gisement d’uranium possède son usine de traitement du minerai qui broie la roche puis en extrait l’uranium naturel pour produire l'uranate, ou « yellow cake », exporté vers les usines d'enrichissement françaises. En visitant l'installation de la Cominak, Patrick Forestier s’arrête d’abord devant le tas de minerai prêt à être traité.

Patrick Forestier ne le sait peut-être pas, mais il assiste à un rituel très prisé des dirigeants d’Areva, une ordalie qui établit l’innocuité de leur industrie : prendre dans la main un objet peu radioactif et, si l’exposition n’est pas prolongée, peu dangereux (sauf par inhalation ou ingestion, d’où la phrase « Je vais me laver les mains. »). Dominique Hennequin, lui aussi, visite l’usine de traitement de l’uranium. Mais il ne s’attarde pas sur le beau minerai doux au toucher, il s’interroge sur le devenir des boues qui sont produites lors de fabrication de l’uranate. Des boues stockées à l’air libre.


Au final, le contraste entre les deux enquêtes est saisissant. N’accablons pas Patrick Forestier : il ne s’intéressait pas à la pollution engendrée par l’extraction d’uranium mais aux risques géopolitiques (la prolifération) qu’elle implique. De ce point de vue, son enquête est réussie. N’empêche que le message des communicants est passé. Les abominables mines clandestines de RDC semblent avoir été filmées pour mieux faire admirer le soin avec lequel Areva extrait de l’uranium nickel au Niger – et pour annoncer en conclusion que l’entreprise va implanter son formidable savoir-faire… en RDC (!).

Dominique Hennequin, de son côté, a creusé son sillon avec rigueur, multipliant les sources d’information : associations, scientifiques, médecins, victimes, juristes, opposants politiques… et Areva, bien sûr. Le tout sans jamais remettre en cause la nécessité d’exploiter l’uranium du Niger pour alimenter les centrales d’EDF. Cette démarche simplement rigoureuse n’a pourtant pas l’heur de plaire aux apôtres de la communication.

Dans sa lettre, le porte-parole d'Areva met particulièrement en cause une impression confiée à Télérama par Dominique Hennequin. « Notre visite était tellement encadrée, elle m’a rappelé la Corée du Nord », dit le réalisateur (qui a effectué un reportage au pays de Kim Il-sung). « Il est outrancier de comparer l’accueil d’Areva à celui de la Corée du Nord, s’indigne Jacques-Emmanuel Saulnier. Que vous vous livriez à un amalgame géopolitique de ce type pour qualifier la manière dont notre Groupe vous a ouvert ses portes est insultant pour celles et ceux de mes collègues qui, au siège ou au Niger, se sont mobilisés à cet effet. »

Le porte-parole d’Areva voudrait faire croire
à une attaque contre des personnes ? Mais Dominique Hennequin parlait d’une ambiance qu’il a ressentie, pas des salariés d’Areva. Le Niger n’est pas la Corée, les communicants de la multinationale ne sont pas les robots d’un régime totalitaire. Ils ont loyalement accepté de répondre aux questions les plus dérangeantes posées par un reporter bien documenté dont la pugnacité les a parfois contraints à exprimer quelques ambiguïtés révélatrices. Quant aux mesures sécuritaires auquel est soumis le Nord Niger, il va de soi qu’elles ont été « décrétées » par le gouvernement, pas par Areva… même si la spoliation de leurs terres pour les besoins de l’exploitation minière n’est pas étrangère aux motivations des rebelles touaregs.

Dominique Hennequin a donc enfreint le catéchisme d’Areva. Celui-ci est d’une simplicité biblique : « Nous ouvrons grand nos portes et nos fenêtres à quiconque nous sollicite », prêche régulièrement Jacques-Emmanuel Saulnier, moine-soldat du combat pour la « transparence », dans de grands élans œcuméniques. Et c'est vrai (2). Ensuite, si l’enquêteur prend l’initiative de vérifier les dires des communicants, de chercher d’autres sources, d’interroger des personnes « dont on connaît les engagements » – disent-ils pernicieusement… comme si Areva n’avait pas d’engagements ! –, bref, s’il fait son travail de journaliste… Sacrilège ! Le mécréant a abusé de la confiance de ses hôtes, usant de « pratiques déloyales » pour mener une enquête « à charge ».

Si cela peut le consoler, Dominique Hennequin n’est pas le premier (et sûrement pas le dernier) à subir ce genre d’excommunication de la part d’Areva (ou de la part d’autres entreprises familières du même bréviaire). Au diable les sermons ! Leur seule existence confirme la pertinence du travail réalisé. Après tout, le triste sort réservé aux salariés et riverains des mines africaines ne méritait-il pas une enquête « à charge » ? (1) La lettre d'Areva (ou sur le site d’Areva).
(2) Il m'a été donné d'apprécier la civilité et la disponibilité dont il sait faire preuve.




vendredi 11 décembre 2009

Guinée: après le Clown Sanglant, le "Tigre"

Regardez cette vidéo d'une conférence de presse du Capitaine Moussa Dadis Camara datant d'août dernier et vous comprendrez pourquoi le Maroc de Mohamed 6 l'a accueilli pour le soigner, après qu'il se fut fait flinguer par son aide de camp à la dégaine rapide:



Mais passons aux choses sérieuses. Voici le nouvel homme fort de Guinée, le Général Konate. Avec lui, finie la rigolade !

Le destin de la Guinée entre les griffes du « Tigre »
Le général Sékouba Konaté, nouvel homme fort du pays
Par Franck Salin, jeudi 10 décembre 2009, afrik.com


L’homme n’aime pas les grands discours. A l’inverse du capitaine Moussa Dadis Camara, le général de brigade Sékouba Konaté est avare de paroles et méfiant vis-à-vis des médias. Ce colosse de 43 ans, qui assure l’intérim du chef de la junte guinéenne grièvement blessé, a gagné son surnom de « Tigre » sur le front. Il est l’officier le plus respecté de la troupe. Il a lors de son premier discours télédiffusé annoncé sa volonté de changement et de remettre l’armée au pas. Peut-il faire basculer le destin de la Guinée ?
jeudi 10 décembre 2009 / par Franck Salin

« Soyons une armée républicaine. Notre pays a trop souffert, la population civile a trop souffert des agissements de certains de nos camarades », lançait le général Sékouba Konaté mercredi au militaires guinéens. Ces propos, diffusés par la télévision nationale, rejoignent le sentiment général du peuple guinéen qui espère, en effet, que les militaires jouent leur rôle – protéger les citoyens –, plutôt que d’être une menace permanente. Le 28 septembre, plus de 150 personnes, rassemblées pour protester contre les velléités du président auto-proclamé Moussa Dadis Camara de se présenter aux élections, périssaient à Conakry sous les balles et les coups des bérets rouges et de leurs acolytes. Plusieurs agressions et actes de vandalisme commis par des militaires ont été signalés ces six derniers mois. Une situation qui plonge la population dans la peur et la pousse à nourrir une méfiance certaine vis-à-vis d’une armée qui, au fil des cinquante dernières années, a accumulé un lourd passif.

Le général Konaté a appelé les soldats à « la cohésion » et à la « discipline », laquelle, concède-t-il, « était complètement bafouée ». Un bilan et des prescriptions que son prédécesseur avait déjà formulés et notifiés à la troupe, mais sans succès. « C’est une armée où un soldat ne connaît pas son unité organique, c’est une armée où un caporal peut dire merde à son colonel ! », aimait à répéter le capitaine Dadis Camara pour justifier son impuissance et la nécessité qu’il y avait à réformer la Grande muette. Le général Konaté parviendra-t-il à lancer cette réforme que n’a pu initier son prédécesseur ? Il en affiche en tout cas la volonté. « Nous avons quatre priorités, a-t-il expliqué hier à ses hommes : la reconstruction des camps (militaires), la formation des hommes, l’équipement des hommes et le renforcement de la discipline, parce qu’un militaire sans formation, c’est un criminel ». Parmi ses priorités également, la capture de celui que la junte considère comme l’ennemi public numéro un, le lieutenant Aboubacar « Toumba » Diakité qui a blessé grièvement à la tête, jeudi dernier, Moussa Dadis Camara auprès duquel il occupait le poste d’aide de camp. « Nous ne devons plus laisser des gens indésirables agir en notre sein », a déclaré le général Konaté à ses soldats en armes, faisant allusion à Toumba et à ceux qu’il qualifie de « mauvaises graines ».


Moussa Dadis Camara et Sékouba Konaté

Un soldat de l’élite militaire guinéenne

Proche de Dadis Camara, qu’il a soutenu lors de sa prise de pouvoir le 23 décembre 2008, après la mort du général Lansana Conté, Sékouba Konaté était considéré comme l’homme fort de l’armée guinéenne et avait hérité du portefeuille de la Défense au sein du gouvernement mis en place par le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD, organe politique de la junte). Le président Dadis Camara lui-même ne tarissait pas d’éloge pour celui dont le bureau, au camp Alpha Yaya Diallo, se trouvait à l’étage au-dessus du sien. Nombreux à Conakry allaient même jusqu’à dire que le pouvoir réel était entre ses mains, tandis que Dadis se contentait d’assurer la communication du nouveau régime. Cependant, il est plus vraisemblable qu’il existât une partition négociée du pouvoir entre les deux hommes. Une partition d’autant plus appropriée au sein d’une armée où les clans et les tensions ethniques étaient patents. Les ethnies forestières (dont le groupe Guersé auquel appartient Dadis Camara) et Malinké (dont est issu Konaté, qui serait aussi proche des Soussou avec lesquels il a passé une partie de sa jeunesse à Conakry) composent la majorité du contingent militaire guinéen [1]. L’alliance des deux hommes pouvait garantir un certain équilibre et satisfaire le gros de la troupe.

Désormais au sommet de l’Etat, le général de brigade Sékouba Konaté, ancien commandant du Bataillon autonome des troupes aéroportées (BATA, unité d’élite de l’armée guinéenne, basée au camp Alpha Yaya Diallo), peut néanmoins compter sur son autorité naturelle et ses états de service pour se faire respecter et imposer ses vues. Ce militaire à la carrure imposante, peu causant, grand spécialiste du combat rapproché, a intégré l’armée en 1985, à l’âge de 19 ans. Il reçoit alors une formation de base, qu’il complète à l’Académie royale de Meknès au Maroc. Il poursuit sa formation en France. En 1996, il suit les cours du Brevet de chef de section Parachutiste à Pau et des cours d’entraînement du 1er degré à Mont-Louis. La même année, il est nommé commandant-adjoint du Détachement des parachutistes à la 2ème région militaire de Labé, au nord de la Guinée. Quelques années plus tard, en Chine, il reçoit des cours supérieurs de guerre. Mais c’est au front qu’il a gagné son surnom de « Tigre » et le respect de ses hommes, en menant entre 2000 et 2002 des actions le long des frontières sud et sud-est de la Guinée contre des bandes armées venues du Sierra Leone et du Liberia, et en participant à la Mission des Nations unies en Sierra Leone (UNAMSIL).

Konaté fera-t-il mieux que Dadis ?

La mise à l’écart forcée de Moussa Dadis Camara et d’un autre homme fort du régime, Mamadouba « Toto » Camara (1er vice-président du CNDD et ministre de la Sécurité), tous deux grièvement blessés à Koundara lors de l’altercation avec Toumba et les hommes du bataillon autonome de la sécurité présidentielle (BASP), pourrait bel et bien ouvrir une nouvelle ère. Nul ne peut dire, aujourd’hui, quand Dadis Camara reviendra en Guinée ni s’il reviendra. Accueilli favorablement par la majorité de la population et la communauté internationale l’année dernière, il s’est trouvé discrédité à leurs yeux suite au massacre du 28 septembre et à sa volonté affichée de se maintenir au pouvoir. Son hospitalisation au Maroc et la fuite de Tomba Diakité (désigné comme celui qui a coordonné le massacre à l’intérieur du stade du 28 septembre – l’identité du commanditaire reste sujet à débat), règlent a priori deux problèmes politiques majeurs. Soulagé de ces poids, le général Konaté apparaît à la communauté internationale comme une alternative acceptable. Les Américains ont d’ailleurs exprimé, hier, leur position. « Nous ignorons si (Camara) reprendra le pouvoir, mais dans l’intervalle nous tendons la main à Konaté (...). Nous pensons que des progrès (vers un gouvernement civil) peuvent être accomplis avec (Konaté) dans le cas où Camara ne reviendrait pas », a dit un diplomate américain à l’AFP, sous couvert d’anonymat. Et le sous-secrétaire d’Etat adjoint pour l’Afrique, Michael Fitzgerald, qui doit participer dimanche à une réunion du groupe international de contact sur la Guinée, a déclaré à l’agence Reuters que, même s’il était « trop tôt » pour le savoir, le général Konaté ne lui donnait pas l’impression, contrairement à son prédécesseur, de vouloir s’éterniser sur le fauteuil présidentiel. Par ailleurs, des rumeurs lui attribuant des ennuis de santé confortent, pour certains, l’idée qu’il ne cherchera pas à rester en poste ad vitam aeternam.

Le général Konaté confiera-t-il le pouvoir à la société civile et à ses leaders politiques ? La question reste entière. Et l’exemple laissé par le général Lansana Conté aux jeunes générations de militaires ne pousse pas à l’optimisme. Néanmoins, si transition démocratique il y a un jour, il est à peu près sûr qu’elle n’aura pas lieu dans l’immédiat, les priorités affichées du « Tigre » étant tout autres.

[1] Les Soussous et les Peuls sont minoritaires dans l’armée guinéenne qui compterait quelque 50 000 hommes.

mercredi 25 novembre 2009

"La Françafrique se porte bien, merci": état des lieux 2009

Rencontre-débat avec Odile Biyidi - Tobner,
présidente de l’association SURVIE
Vendredi 27 novembre 2009 à 19h à la librairie-café Terra Nova
18 rue Gambetta 31000 Toulouse
Tél : 05 61 21 17 47

Qu’il est loin le temps où, candidat à l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy se présentait comme le candidat de la rupture, y compris dans les relations avec les anciennes colonies africaines de la France. On l’entendait souhaiter une « relation nouvelle, assainie, décomplexée, équilibrée, débarrassée des scories du passé ». Et d’attaquer : « Cette relation doit être plus transparente. Il faut la débarrasser des réseaux d’un autre temps, des émissaires officieux qui n’ont d’autre mandat que celui qu’ils s’inventent». Nous étions en 2007.
Depuis, quoi de neuf ? En vrac, le fameux discours de Dakar, l’éviction rapide de J.M. Bockel, et toujours, le soutien aux pires dictatures du continent. A l’heure où une grande partie des pays africains connaissent une régression démocratique et une série d’élections plus que douteuses (Gabon, Congo, Niger, Mauritanie…), qu’en est-il de la politique africaine de la France ?
Nous parlerons du Niger, du Cameroun, du Gabon, de la Guinée, des biens mal acquis des dictateurs africains … mais aussi et surtout de ceux qui ici font la politique africaine de la France : Sarkozy, Guéant, Bourgi, et de… Toubon, chargé de préparer l’année 2010, "année de l’Afrique".
Professeur agrégé de Lettres, auteur et épouse de l’écrivain Mongo Beti, Odile Tobner a réalisé avec lui, de 1978 à 1991, la revue bimestrielle "Peuples Noirs, Peuples Africains". Elle s’occupe, depuis 1993, de la Librairie des peuples noirs à Yaoundé, Cameroun. Elle dédicacera son dernier livre,
Du racisme français, paru aux éditions Les Arènes en 2007.


À Perpignan le 28 novembre : à ne pas rater!


vendredi 20 novembre 2009

SSI à Montpellier


 

CONFÉRENCES DEBATS, TÉMOIGNAGES, ANIMATIONS, SPECTACLES
LA CRISE EN AFRIQUE

Vendredi 20 novembre, 17h30 – 23h

Centre Rabelais

27 boulevard Sarrail, Montpellier (Tram Comédie)

Nos dirigeants politiques ont fait le choix d’un système de société et l’ont imposé aussi aux pays africains, par un ensemble de moyens et de conditions non négociables : aide publique au développement, prêts de la Banque Mondiale et du FMI accompagnés de conditionnalités qui ont conduit à de nombreuses privatisations et à un désengagement des Etats dans la protection des populations ou pour l’accès de tous aux biens communs. Négociations commerciales de l’OMC, avec pour conséquences la signature d’accords de partenariat économiques en défaveur de l’Afrique, etc.
Depuis les années 1970, les populations en subissent les conséquences désastreuses et les solutions mises en œuvre ont servi à conforter le modèle dominant.
L’impact de la crise actuelle va encore aggraver la situation au quotidien pour près d’un milliard d’Africaines et d’Africains.
Le 20 novembre nous tenterons, avec des regards portés sur cette région du monde par des économiste, juriste, agronome, spécialiste de la santé, de dresser un constat sur les dégâts en Afrique. Mais aussi de voir nos actions menées ici et là-bas, ensemble, par des associations et des mouvements de citoyens, pour construire un monde plus juste et durable.
AU PROGRAMME

17h30 : ouverture des stands, informations et dégustations (PAF)
18h : conférence-débat « L’Afrique des crises » avec Henri WANKO, économiste, Cheik SAKO, avocat, M’bemba DRAMÉ, étudiant agronome et Raymond KIMIKA, intervenant sur la santé
19h45 : témoignages et vidéos « Les amoureux au ban public »
20h : conférence débat « L’Afrique, la crise et les ONG » avec Philippe MAYOL, responsable du service Afrique au CCFD – Terre Solidaire (Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement)
21h15 : spectacle :


Le récital « Larmes d’exils » et « Esclavages » proposé par le groupe des « Ricoch’tons » évoque, au rythme de la guitare de Corinne Donat et du djembé d’Ahmed El Kaoui, sur des chorégraphies de Delphine Mignon, et des textes récités par Cécile Grivois et Marie-Thérèse Bernabé Garrido, les douleurs des exilés, de tous ces exils historiques qui laissent d’ineffaçables traces, mais aussi la violence des esclavages, tout au long de l’histoire de nos civilisations, la traite des Noirs, et les esclavages des temps modernes à travers l’exploitation des enfants ou des femmes dans le monde…pour finir sur le nécessaire espoir de fraternité entre les hommes. Survie Languedoc Roussillon et la MTMSI vous invitent au
Café-débat « Migrations-Solidarités »
Samedi 21 novembre, 15 h à 18 h   --   Café du Théâtre
(3 Place de la Comédie, Montpellier – tram Comédie)
avec Mehdi Alioua et Cécile Frank, universitaires, Maguy Mas pour Survie, Barbara Wolfram,  CIMADE (Comité Inter-Mouvements Auprès des Evacués)
Organisé par la promotion 2009/10 du Master 2 « Opérateur en coopération internationale et développement » de l’Université de Montpellier 1, pour la 12ème édition de la Semaine Internationale de la Solidarité (14-22 novembre), en coordination avec la Maison des Tiers Mondes et de la Solidarité Internationale (MTMSI) dont la 20° Quinzaine des Tiers Mondes (14 - 30 novembre) a pour thème « Du Nord au Sud, la crise : quelles solidarités ? ».
Le café-débat abordera, parmi d’autres, la question du lien entre les migrations et le développement dans les pays d’origine, ainsi que les mouvements de solidarité avec les immigrés et leur relation avec la politique migratoire française.

NOTE BIOGRAPHIQUE DES INTERVENANTS AU CAFE-DEBAT
Mehdi Alioua
est sociologue à l’Université de Toulouse le Mirail. Il mène depuis 2003 des recherches sociologiques sur la migration transnationale des africains subsahariens et de leur étape au Maroc.
Il est membre fondateur du Gadem (Groupe anti-raciste d'accompagnement et de défense des étrangers et des migrants au Maroc) et fait partie du réseau Migreurop.
Cécile Frank
est Docteur en Science politique, attachée temporaire d’enseignement et de recherche à l’Université de Montpellier 1. Rattachée au Centre d’études politiques d’Europe Latine (CEPEL-CNRS). Axes de recherche : action publique, immigration, comparatisme international, mobilisations collectives, sans-papiers.
Maguy Mas
est responsable du groupe local Languedoc-Roussillon de Survie, une association (loi 1901) qui mène des campagnes d’information et d’interpellation des citoyens et des élus pour une réforme de la politique de la France en Afrique et des relations Nord-Sud.
Barbara Wolfram
est présidente Languedoc-Roussillon de la CIMADE, association qui se consacre à l'accompagnement des étrangers migrants, en voie d'expulsion, demandeurs d'asile ou réfugiés. L’association est présente dans les 13 "centres de rétention" et veille au respect de la dignité des personnes retenues et à leurs droits.
Pour plus d'information, contacter Damien Pereyra deulb[at]hotmail[dot]com 06 28 33 04 09


mercredi 11 novembre 2009

Pillés là-bas, Chassés ici : Le Nord place le Sud dans l'impasse


Toulouse, 12-20 Novembre 2009 
rencontres - musiques - débats - lectures - témoignages - projections


Evénement soutenu par : les Amis de la Terre MP, ATTAC Toulouse, le CCFD Terre solidaire, le Cercle des voisins, CSF 31, le CIDES, la CIMADE, le CLIC sans papiers, le CROSI, ETM (Egalité Toulouse Mirail), RESF 31, RUSF Toulouse, SURVIE Midi-Pyrénées, Tâssakh, TV Bruits.

vendredi 6 novembre 2009

Tunisie: Le pays du jasmin, le miroir déformé de l’Occident, la face honteuse de ses pratiques dévoyées


par René NABA, 2/11/2009
L’arrestation du journaliste Taoufik Ben Brik, le 29 octobre, cinq jours après la réélection du président Zine El Abidine Ben Ali a retenti comme un camouflet à l’égard de ses protecteurs occidentaux et des pensionnaires gracieux de ses sites balnéaires. Il porte condamnation de leur complaisance et discrédite leur discours.
Paris, 2 novembre 2009. La Tunisie célèbre, le 7 novembre 2009, le 22ème anniversaire du coup d’État médical du général Zine El Abidine Ben Ali, contre le père de l’indépendance tunisienne, le "Combattant suprême" Habib Bourguiba, dans une ambiance de résignation de la population découragée par la perspective d’une présidence à vie de son «général président» du fait de ses jongleries constitutionnelles visant à assurer sa longévité politique avec la complicité silencieuse de ses protecteurs occidentaux.
Régime décrié pour son usage abusif du népotisme, de la répression, de l’intimidation et de la corruption, la Tunisie continue de bénéficier néanmoins d’une étonnante mansuétude de la part des pays occidentaux, plus prompts à dénoncer les violations des droits de l’homme en Iran ou en Syrie que dans l’arrière-cour de la France (Tunisie, Maroc, Gabon, Tchad), plus prompts à s’enflammer pour le Darfour que pour Gaza, pour le Tibet que pour le Yémen. Plus prompts à fustiger la fraude électorale en Iran à grands renforts de campagnes médiatiques que le trucage massif en Afghanistan, ou la parodie de démocratie à la tunisienne ou encore la vénalité de la féodalité politique du bloc parlementaire du milliardaire libano-saoudien Saad Hariri au Liban. Plus prompts enfin à carboniser un chef d’État coupable d’avoir prolongé son mandat de trois ans, rien que trois ans, le Libanais Emile Lahoud, que leurs clients arabes multirécidivistes de la reconduction, l’Égyptien Hosni Moubarak (28 ans de pouvoir) ou le Tunisien Ben Ali (22 ans de pouvoir) ou encore les dinosaures de la Françafrique.
Doté d’une coterie familiale agglomérant des trafiquants de drogue, des écumeurs des mers et des prédateurs de banques, le roitelet tunisien trône en partage avec son envahissante épouse Leïla sur le pays du jasmin, devenu au fil des ans le royaume putride de la corruption, une parodie de démocratie, l’alibi occidental à la lutte contre le fondamentalisme religieux, le miroir déformé de l’Occident, la face honteuse de ses pratiques dévoyées.
En vue de la reconduction de son mandat, le petit génie de Carthage s’est surpassé lors de la dernière consultation électorale, dimanche 25 octobre, faisant preuve d’imagination et d’innovation au point que la plupart des observateurs s‘accordent à penser que le scrutin présidentiel aura été un chef d’œuvre de mascarade et d’arbitraire. Si Zine El Abidine Ben Ali a été officiellement réélu, sans surprise, pour un cinquième mandat avec 89,62 % des suffrages exprimés, selon les résultats définitifs du ministère de l’intérieur, le président sortant n’a toutefois pas réussi à dépasser les 90 % réalisés lors des deux précédents scrutins, en 1999 et 2004.
L’homme n’avait pourtant pas ménagé ses efforts. Il a ainsi veillé à donner l’apparence d’une compétition pluraliste en s’assurant la présence de trois autres concurrents, dont deux figurants, représentants des partis proches du pouvoir, Mohamed Bouchiha, du Parti de l’Unité populaire et Ahmed Inoubli de l’Union démocratique unioniste, ainsi que M. Ahmed Brahim, dirigeant du parti Ettajdid (Renouveau, ex-communiste), seul véritable contestataire dans cette compétition.


Préconisant une transparence qui fera date dans les annales des scrutins électoraux à l’effet d’inspirer plus d’un dirigeant aspirant à l’éternité, le président Ben Ali a retourné l’équation, aménageant une transparence non pas du scrutin mais des votants par le biais des enveloppes à déposer dans les urnes, coloriées en fonction des candidats.

Le motif officiel avancé pour justifier le coloriage était de faciliter l’identification des candidats dans les zones à fort taux d’analphabétisme et le décompte des voix. Mais le vote technicolor pouvait masquer une opération de tri entre les «bons votants» et les autres, plus rares, les «mauvais votants», les abstentionnistes et autres opposants. Sans surprise, le carton présidentiel était de couleur rouge vif, très visible de loin, facilement repérable à distance et son porteur tout aussi facilement identifiable. Malheur à celui qui se serait hasardé à sortir de l’isoloir avec l’enveloppe rouge à la main. La trappe aurait été son destin. Pas difficile de présumer en effet qu’il s’inscrivait potentiellement sur la liste des candidats aux tracas.

L’arbitraire est incrusté à toutes les strates de l’état. Le ministre de la Communication a ainsi payé de son poste le fait de n’avoir su aménager un tirage au sort favorable au président Ben Ali pour la présentation de son programme à la télévision alors qu’il avait déjà accaparé 97,22 % de l’espace consacré à la campagne présidentielle par la presse écrite, contre 0,22 % pour son principal rival, Ahmed Brahim, et 1,27 et 1,28 % pour les deux autres candidats, selon une étude commune de l’Association des femmes démocrates, de la Ligue de défense des droits de l’homme et de Reporters sans Frontières (LeMonde.fr  23.10.2009 ).
Sacrifions à l’usage et souhaitons donc longue vie au président réélu Ben Ali (73 ans) et à ses protecteurs français, l’homme de la rupture affichée mais de la continuité pratiquée, le Président Nicolas Sarkozy, le Président gaulliste de la Cour des comptes, Philippe Seguin, le vacancier de Bizerte, Bertrand Delanoë, maire socialiste de Paris, le résident de Sidi Bou Saïd, Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, et la cohorte des intellectuels médiatiques, pensionnaires gracieux de ses sites balnéaires, qui assurent sa promotion et celle de son paradis d’enfer, notamment l’équipe de Télé-matin de France 2, William Leymergie, Sophie Davant, Françoise Laborde, ainsi que les natifs de Tunisie, le producteur Richard Moatti et la présentatrice Daniella Lombroso.
Leur silence sur l’arrestation du journaliste Taoufik Ben Brik, le 29 octobre, cinq jours après la réélection de M. Ben Ali retentit comme un camouflet à leur égard. Il porte condamnation de leur complaisance et discrédite leur discours.

Et plutôt que de se gargariser des vertus de la démocratie à la tunisienne, plutôt que nous gargariser avec les sempiternelles ritournelles sur le rempart contre l’islamisme que représente cette «dictature éclairée», que ces grands défenseurs autoproclamés de la démocratie se plongent donc dans la lecture salutaire de deux ouvrages qui constituent de véritables radioscopies des turpitudes du régime, un exposé des dérives de cet État policier, chouchou de l’Occident.

Notes:
  • La régente de Carthage, main basse sur la Tunisie de Nicolas Beau, directeur du site satirique bakchich.info et de Catherine Graciet, journaliste, Editions La Découverte. Un livre enquête sur régime tunisien, dont les bonnes feuilles sont consultables sur ce lien: http://www.bakchich.info/La-regente-de-Carthage-main-basse,08817.html

  • Sur la connivence médiatique entre France et la Tunisie, cf. Ben Ali, Françoise le borde http://www.bakchich.info/article539.html

  • Le jour où j’ai réalisé que la Tunisie n’est plus un pays de liberté, ouvrage de M. Mohamed El Boussaïri Bouebdelli, préface de Me Patrick Baudouin, Président d’Honneur de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de L’homme (FIDH). Téléchargement gratuit sur internet en version arabe et française sur son site http://www.bouebdelli.org/


header chronologie

Chronologie de la Tunisie,
depuis la proclamation de son indépendance en 1956

20 mars 1956
La France reconnaît l’indépendance de la Tunisie 18 jours après avoir reconnu celle du Maroc. Le traité du Bardo signé en 1881 qui établissait le protectorat français dans le pays est abrogé, mettant fin à 75 ans de protectorat. Habib Bourguiba, de retour d’exil et vainqueur des élections d’avril 1956, devient chef du gouvernement et fait adopter le code du statut personnel instaurant l’égalité juridique entre hommes et femmes.
Juillet 1957
Habib Bourguiba proclame la République, devenant le premier président, entraînant la destitution du dernier bey.
1961 – Crise de Bizerte
Un conflit diplomatique et militaire opposera, l’été 1961, la France et la Tunisie, cinq ans après l’indépendance tunisienne, sur le statut de la base navale militaire de Bizerte restée sous contrôle français.
Bizerte, de par sa position stratégique, commande le canal de Sicile sur la route reliant Gibraltar à Suez. Au même titre que Brest, Toulon, et Mers el Kébir, la base représente un maillon de la chaîne des bases nécessaires à la défense française et à son dispositif atomique. Mais surtout, Bizerte constituait du point de vue de l’OTAN un point d’écoute radar absolument irremplaçable, puisqu’un câble coaxial reliait directement Bizerte à la base aérienne du Stratégic Air Command de l’aéroport Mohammed V de Casablanca (Maroc). Un dispositif qui permettait à l’Otan d’être averti de toute attaque du bloc soviétique. Des affrontements autour de la base feront plusieurs centaines de mort. La France évacue finalement la base navale en octobre 1963.
1975
Habib Bourguiba fait modifier la constitution et devient président à vie.

26 janvier 1978
Jeudi noir à Tunis: les forces paramilitaires du Parti socialiste destourien tirent sur des ouvriers grévistes rassemblés au centre de Tunis. Plusieurs centaines de morts.
1983-1984
« Emeutes du pain » dans le sud du pays et à Tunis.
1987
Coup d’etat médical du Premier ministre, le général (de police) Zine El Abidine Ben Ali contre Habib Bourguiba, déposé pour « sénilité ».
1989
Zine El Abidine Ben Ali est élu président avec 99,27% des voix.
1991
Répression du parti islamiste Ennahda (La Renaissance), exclu du Pacte national.
1994
Le président Ben Ali est réélu avec 99,9% des voix.
1999
Troisième réélection de Ben Ali avec 99,4% des suffrages.
Avril 2000
Décès de Habib Bourguiba.
Avril 2002
19 personnes sont tuées dans un attentat contre la synagogue de Djerba, revendiqué par Al Qaïda.
Mai 2002
un référendum constitutionnel adopté par 99,52% des électeurs autorise le renouvellement sans limite des candidatures à la présidence de la République.
Septembre 2002
Libération du dirigeant du Parti communiste ouvrier Hamma Hammami, qui a purgé une peine de onze années d’emprisonnement pour « appartenance à organisation illégale « .
Octobre 2004
Ben Ali réélu pour la quatrième fois avec 94,49 % des voix.
Octobre 2006
Tunis rompt ses relations avec le Qatar pour protester contre la diffusion, par la chaîne de télévision qatarie Al-Jazira, d’interviews de l’opposant tunisien Moncef Marzouki.
Juin 2008
Affrontements entre police anti-émeutes et manifestants durant le mouvement social de masse dans la région minière de Gafsa en effervescence depuis plusieurs mois. Plusieurs morts. Les leaders du mouvement social seront condamnés à dix ans de prison.
Octobre 2009
Ben Ali réélu pour la cinquième fois avec 89,62 % des voix.

jeudi 5 novembre 2009

Les Rwandais, les Congolais et les Nantais méritent mieux que Pierre Péan et Charles Onana


Communiqué de Survie 44, 5/11/2009


Le vendredi 6 novembre 2009 est organisée à Nantes une conférence intitulée "Les Droits de l'Homme dans la Région des Grands Lacs" avec pour intervenants Pierre Péan et Charles Onana. Survie 44, très préoccupé par la situation humanitaire et politique dans cette sous-région (1) souhaite réagir face au choix de ces conférenciers qui ne nous semblent pas réunir les conditions d’impartialité et de droiture qui conviendrait à ce sujet.
Nous remettons en cause l’impartialité des travaux réalisés par ces invités dans leur approche du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 et les guerres qui ont suivies dans la sous-région.
Le journaliste de Libération Christophe Ayad présentait dans un article de 2004, C. Onana et le québécois Robin Philpot avec qui il a collaboré, comme des « auteurs négationnistes ». Les deux essayistes qui avaient porté plainte ont été déboutés devant le tribunal correctionnel et en appel en 2005. La même année, C. Onana répondant aux questions de RFI, balayait d’un revers de la main toutes les études historiques faites depuis 1994 et même avant, en ce qui concerne la planification du génocide : «Dix ans après les faits, le tribunal international ne dispose pas de preuves du génocide des hutus contre leurs compatriotes tutsis» (2).
Concernant Pierre Péan, le journal belge Le Soir présentait son livre Noires Fureurs, Blancs Menteurs comme la « synthèse de tous les négationnismes déjà publiés » (3). Pierre Péan assume d’ailleurs ce qualificatif lors d’une interview à L’Express : « je sais que je serai classé, au mieux parmi les révisionnistes, au pire chez les négationnistes. Mon espoir étant de ne figurer que dans la première catégorie. Ce que j'assume […] » (4). Victor Sègre, dans Billet d’Afrique écrivait le 1er mars 2009 « Péan prétend réécrire l’« histoire officielle » du génocide des Tutsi, mais il se défend de faire partie des négationnistes […]. Comme la plupart de ces derniers, il ne va pas jusqu’à nier la qualification de génocide, mais il la dénature et la prive de sa signification historique. Il garde le mot sans son contenu. Ainsi il récuse d’abord l’idée d’une planification antérieure à l’exécution du génocide5. Le génocide ne serait ensuite qu’un dommage collatéral de la guerre civile, au cours de laquelle des massacres de même nature auraient été commis de part et d’autre. Représailles, crimes de guerre et génocide étant mis sur le même plan. Comme Mitterrand puis de Villepin, il défend ainsi, de manière plus ou moins explicite au gré de ses interventions, la thèse du double génocide. Enfin, il est prisonnier d’une vision ethniste de l’histoire à l’instar des officiers français avec lesquels il s’affiche en colloque. Il ne raisonne qu’en terme de responsabilité collective de « l’ethnie » tutsi ou de « l’ethnie » hutu. Si le FPR [Front Patriotique Rwandais dirigé par Paul Kagamé] commet des crimes de guerre, c’est que « les victimes » deviennent à leur tour « les bourreaux », comme si les rescapés de la Shoah avaient dû collectivement porter, parce que Juifs, la responsabilité des exactions commises par l’armée israélienne. » (6)
Cette thèse du double génocide semble induite sur le recto du tract de présentation de la conférence du 6 novembre, où apparaît le mot « génocides » au pluriel. Ceci fait référence soit à l’affirmation d’un double génocide au printemps 1994 au Rwanda : celui commis par les extrémistes hutus du Gouvernement intérimaire rwandais (GIR) envers les Tutsis et celui supposé commis par le FPR (et les Tutsis) envers les Hutus ; soit à la thèse d’un deuxième génocide perpétré par la suite par les Tutsis en représailles depuis 1994 sur les Hutus de la République Démocratique du Congo. Dans les deux cas, ce sont des erreurs historiques et sémantiques. Il y a eu un génocide et un seul, celui mis en œuvre par les extrémistes du régime Habyarimana puis le GIR envers les Tutsis à partir d'avril 94 au Rwanda, génocide qui s’est accompagné du massacre d’opposants hutus. D’un autre côté, des crimes de guerre qui peuvent être qualifiés de crimes contre l'humanité ont été commis par le nouveau régime rwandais de Paul Kagamé au Rwanda et en RDC. Au-delà de l'association Survie, il s'agit d'un point de vue partagé par de nombreux observateurs internationaux, ONG, journalistes, historiens.
Aujourd'hui, nous assistons à une surenchère du verbe qui veut que la qualification de génocide soit appliquée à tout massacre pour lui donner plus de poids médiatique, comme si l’horreur ne se suffisait pas à elle-même, faisant fi du droit international et d’une démarche intellectuelle honnête qui permet une action juste. Il n'y a aucun jugement de valeur de notre part dans cette distinction. Mais cette confusion fait que les mots n'ont plus de sens, et dans ce cas, il ne reste que les poings et les armes...
Nous souhaitons rappeler que Survie a toujours alerté sur les responsabilités de tous les acteurs impliqués dans les guerres des Grands Lacs. C’est cette approche multiple qu’il importe de montrer et que l’on doit replacer dans une vision historique longue, au moins depuis le début du XXème siècle. La RDC meurt de sa richesse et des convoitises de groupes armés mafieux (tutsis, hutus, d’autres groupes de population, qu’ils soient du Rwanda, de RDC, d’Ouganda…), de mercenaires attirés par l’appât du gain, de pays d’Europe, d’Amérique, d’Afrique, d’Asie prenant parfois partie pour l’un ou l’autre des protagonistes et de grandes entreprises minières américaines, anglaises, sud africaines, chinoises…. On a même vu une entreprise canadienne employer des mercenaires s’engageant dans la guerre civile afin de pouvoir continuer tranquillement l’exploitation de sa concession. Nous souhaitons rappeler également qu’en tant qu’association de citoyens français, Survie est tout particulièrement engagée dans l’étude et la dénonciation de l’implication des autorités politiques et militaires françaises dans le génocide des Tutsi. C’est en toute indépendance qu’elle mène ce combat au grand damne de ceux qui, relativisant le génocide pour entre autre mieux disculper la France, continuent de se faire le relais de la propagande des extrémistes.
Par principe, Survie 44 ne s’oppose pas à la tenue de cette conférence car l’expression d'avis divers doit permettre au public de se faire sa propre opinion. Nous pensons par contre, qu’il y a un risque de ne pas obtenir d’informations objectives lors de cette conférence dans la mesure où elle présente uniquement le point de vue d’auteurs polémistes à tendance révisionniste. C’est pourquoi, il nous paraissait important d’apporter ces quelques éléments de compréhension. Vous trouverez, (annexe à télécharger) la position de Survie vis-à- vis du génocide et des crimes du FPR. Il nous semblerait important d’organiser dans les mois à venir une table ronde sur la situation des Grands Lacs qui fait débat et intéresse manifestement un certain nombre de Nantais, avec des intervenants aux avis peut-être divergents mais crédibles dans leurs recherches.

(1) Pour exemple, Jet FM, le 25 juin 2009
(2) RFI interview du 11/12/2005
(3) Le Soir, 26/11/2005
(4) L’Express, 1/12/2005
(5) « Contrairement à ce qu’affirme Péan, le TPIR ne nie pas la planification du génocide, mais, et c’est regrettable, il s’est révélé incapable de juger à qui incombait la responsabilité de cette planification. »
(6) Billets D’Afrique… et d’ailleurs n°178, mars 2009
A lire : - Des Forges Alison, Aucun témoin ne doit survivre. Le génocide au Rwanda, Human Rights Watch/FIDH, Karthala, 1999.
- BRAECKMAN Colette, Rwanda, histoire d'un génocide, Fayard, 1994.
- Survie, La complicité de la France dans le génocide des Tutsi du Rwanda. 15 ans après, 15 questions pour comprendre, L’Harmattan, avril 2009, 164 p.

mardi 3 novembre 2009

L’élection présidentielle en Mauritanie - Rapport d’observation


par Violette DAGUERRE
Version originale arabe: تقرير موريتانيا ورئاسيات 2009
Violette DAGUERRE, née en 1955 au Liban, vit en France depuis 1976; elle est docteur en psychologie et l'a enseignée. Militante des droits de l’homme depuis un quart de siècle, elle préside la Commission arabe des droits humains, qu’elle a contribué à fonder. Elle a écrit des livres, et rédigé des rapports et des articles sur des thèmes différents dont l'immigration, le confessionnalisme, la démocratie et les droits de l'homme, les groupes vulnérables, le crime d'agression et le droit à la santé.

Introduction  
Suite à sa victoire à l’élection, remportée dès le premier tour, avec plus de la moitié des suffrages exprimés, le Général Mohamed Ould Abdelaziz a été investi aujourd’hui Président de la Mauritanie, dans une cérémonie marquée par une présence arabe, africaine et européenne et un boycott des pôles de l’opposition. La question qui se pose dès lors : est-ce que la République islamique de Mauritanie, qui paraît être à la croisée des chemins, se dirige vers une transition démocratique effective et un processus qui mérite de lui accorder attention et même de l’imiter, ou bien connaîtra-t-elle, après avoir été isolée sur le plan international, une aggravation de sa situation et peut-être aussi de nouveaux coups d’Etat ?
En effet, la crise politique de longue durée d’ avant l’ élection présidentielle, n’a pas pris fin après l’annonce des résultats et la proclamation de la victoire de Mohamed Ould Abdelaziz devant huit autres candidats. Ces derniers, pour plus de la moitié d’entre eux, étaient entrés dans la compétition pour la première fois et représentaient différentes tendances politiques, ethniques, régionales et idéologiques. Les malheureux candidats ont contesté les résultats de ce qu’ils ont appelé une fraude électorale pendant le déroulement de l’opération et dès sa préparation, et ils ont déclaré que la rumeur du taux des 52 % qu’a obtenu le Général Abdelaziz circulait déjà pendant la campagne électorale. Ils ont également affirmé que la fraude et la manipulation ont eu lieu même si le Conseil constitutionnel a rejeté, comme on s’y attendait, les recours présentés 48 heures seulement après l’annonce des résultats par le Ministère de l’intérieur. Des composantes de l’opposition ont affirmé avoir présenté des preuves irréfutables sur des violations inacceptables, alors que d’autres ont signalé qu’elles ne s’adresseraient pas au Conseil, puisqu’elles ne le considèrent pas comme une autorité impartiale. Car ses prises de positions ont démontré qu’il ne s’est pas conformé à la neutralité dont il devait faire preuve, en refusant le report des élections à une date ultérieure au 18 juillet. Parmi les recours qui ont été présentés, une demande pour procéder à un nouveau dépouillement des voix, et aussi pour procéder à l’examen des bulletins de vote préparés par une société installée à Londres, société proposant des services de « production de feuilles sensibles et susceptibles de s’acclimater et de fondre ».
La campagne électorale s’est déroulée donc dans une sorte de consensus basé sur l’accord de Dakar, conclu à la faveur d’interventions étrangères. Il a servi comme cadre de règlement des différends entre les différents courants et forces politiques du pays, ayant connu des fractionnements et de fortes tensions pendant une dizaine de mois après le renversement par Ould Abdelaziz de son prédécesseur. Cet accord a été parrainé par un groupe international représenté, principalement, par le Président Abdoulaye Wade, l’Union Africaine, la Ligue arabe, l’Union Européenne et les Nations Unies. Or mis à part l’intérêt que portent à la Mauritanie ses pays voisins, en particulier la Libye, le Maroc, l’Algérie et le Sénégal, le pétrole découvert il y a quelques années, ainsi que les dossiers de l’émigration et du terrorisme, ont préoccupé au plus haut niveau les États occidentaux. Surtout la France qui s’efforce de restaurer une situation qui garantisse ses intérêts, sans laisser entrer dans la scène des acteurs qui pourraient représenter une quelconque menace. D’ailleurs, certains font le lien entre la série des coups d’État survenus en Mauritanie, le nouvel intérêt international pour ce pays, et la découverte depuis 2000 d’importants gisements de pétrole à l’intérieur de ses frontières.
La France était en fait dans les coulisses de la politique mauritanienne et ne le nie pas. Elle se vante même de remettre de l’ordre. MM. Balkany et Bourgi, des proches du Président Sarkozy et de la cellule France-Afrique de l’Élysée, œuvraient, plus particulièrement, pour éviter l’isolement international d’Ould Abdelaziz, préparer sa réception à Paris, et exercer des pressions sur l’opposition afin qu’elle participe aux élections, et ce en dépit de leur préparation hâtive et de l’impact de cette précipitation sur les résultats. Bref, la légitimation du coup d’État contre l’ancien président. L’Union Européenne a pour sa part pris une position différente, en insistant sur une enquête portant sur ces rumeurs de fraude, et sur la nécessité pour les autorités mauritaniennes de reconnaître ces faits, conformément aux lois nationales et aux usages internationaux.
Quant à la commission électorale indépendante, qui a représenté à parts égales les partis proches du gouvernement et l’opposition dans une toute première expérience électorale, elle a vu son président démissionner après l’annonce des résultats et les allégations de fraude. Ces élections ont connu en fait une rude concurrence entre des candidats n’ayant pas de véritables programmes ni de références idéologiques et politiques. Et en l’absence de consensus entre les forces de l’opposition même au niveau intellectuel et idéologique, ainsi que la contribution de certaines d’entre elles à son effritement malgré un accord autour de quelques personnalités. Tout comme les sables du désert, la scène politique mauritanienne semble être en mouvement, se caractérisant par le nomadisme, sur un fond de système tribal relativement flexible et qui ne s’impose pas comme un acteur politique. Et ce, malgré un fort alignement tribal des forces soutenant les candidats sur la tribu des Ould Bessbaa d’un côté, et celles des Samassid et Id Ouali, de l’autre. En dépit de la crise politique qui a secoué le pays depuis le coup d’État de Mohamed Ould Abdelaziz contre Sidi Ould Cheikh Abdallah, la société mauritanienne paraît, globalement, conciliante. Ce qui pourrait expliquer l’absence d’affrontements sanglants, à l’image de ceux survenus en Iran, par exemple, lors d’élections dont l’impartialité a été remise en cause.
La société mauritanienne va-t-elle pour autant accepter des résultats déjà contestés et une victoire au premier tour, qui a constitué une surprise pour beaucoup, et qui laissera des interrogations en suspension ? Ou bien les attraits du pouvoir et l’intérêt pour des postes bien placés et les privilèges afférents sauront, une fois proposés, disperser les alliances et affaiblir les oppositions dans un pays dont 64 % de la population sont analphabètes et les deux tiers vivent en dessous du seuil de pauvreté ?
Sous le titre : « Est-ce que le 16ème coup d’État est en gestation ? », nous lisons dans le quotidien « Assaraj » du 14 juillet 2009, que parmi les raisons de s’inquiéter pour la stabilité du pays, « l’élection de Ould Abdelaziz est un problème et son échec est un autre, et entre les deux il y a bien d’autres problèmes.. ».
Durant ces dernières années, la Mauritanie a su donner d’elle une image d’un pays capable d’assurer la transition démocratique, à tel point que beaucoup d’intellectuels arabes n’ont pas tari d’éloges pour le pays des poètes. Image qui n’est pas forcément celle que connaissent ses ressortissants, surtout ceux qui suivent de près l’évolution de leur pays et s’interrogent sur l’avenir de leur progéniture. Les désirs et les projections font nécessairement partie de la construction imaginaire et des rêves de ceux qui vivent dans des pays connaissant des régimes qui les enferment dans une chape de plomb, avec son lot de problèmes politiques et crises successives, états d’urgence et lois d’exception.. Sinon comment expliquer que l’ancien président Ely Ould Mohamed Val, en qui beaucoup ont vu la concrétisation de la possibilité d’une transition démocratique dans un pays du Tiers monde, soit arrivé au premier tour, bien loin (avec 3 % seulement) derrière Ould Abdel Aziz, auquel personne ne prédisait une telle popularité en si peu de temps passé au pouvoir - même en restant en arrière-plan et en tant que faiseur des présidents comme on en laissait courir le bruit- ou après Massoud Ould Belkheir (16 %) ou Ahmed Ould Daddah (13 %) ?

Rapide tour d’horizon
Pour clarifier quelque peu les contours de l’image de ce pays qui parait assez vague chez la plupart de ceux qui s’y intéressent, il nous faut brosser un rapide tour d’horizon de sa constitution (en nous appuyant sur les écrits de Mohamed Lemine Ould El Kettab, qu’il en soit remercié). La capitale Nouakchott, qui paraît aujourd’hui encombrée d’immeubles et de véhicules, n’était il y a un demi-siècle qu’un endroit parsemé d’une poignée de constructions sur le long de la route transafricaine principale n° 1 qui reliait Dakar à Alger. L’édifice principal était à cette époque-là un garage de réparation des camions qui assuraient le transport de marchandises sur cet axe routier. Et ce jusqu’au jour de 1959 où fut décidé le transfert de la capitale de la Mauritanie de Saint-Louis du Sénégal vers ce village devenu le Nouakchott d’aujourd’hui. Quelques bâtiments devaient être construits rapidement pour abriter la présidence de la République, l’Assemblée nationale et quelques ministères, avant la proclamation de la naissance de la République islamique de Mauritanie le 28 novembre 1960. Faute de locaux appropriés, les premières séances du conseil des ministres ont dû se tenir sous des tentes ; et pour relier ce pays au monde un petit aéroport devait voir le jour.
La Mauritanie, qui compte 2.8 millions d’habitants, sur une superficie de 1.030.700 km² dont 750 km de côtes, est riche en pétrole découvert récemment, de quelques minerais comme le fer ou le phosphate et des plus précieux comme l’or ou le diamant. Sa population vit des produits agricoles comme les céréales et les produits maraîchers, ainsi que de l’élevage d’animaux et de la pêche fluviale et maritime, où des centaines de milliers de tonnes de poissons sont vendus et exportés annuellement. Nouadhibou est tout particulièrement connue par sa grande variété de poissons, menacés pourtant d’épuisement du fait de l’usage de méthodes non appropriées et d’une pêche intensive. Cette wilaya est aussi connue des touristes pour ses belles plages et ses sites naturels ainsi que ses îles. Mais elle doit en même temps faire face à la rareté de l’eau potable et à l’impressionnante hausse du coût de la vie, tout comme d’autres wilayas qui doivent lutter contre la sécheresse, les invasions de criquets ou l’avancée galopante du désert.
Beaucoup reste à faire pour un pays assez étendu et très pauvre. Et ce, en dépit des transferts d’argent effectués par les Mauritaniens de l’étranger, et des fonds servant à la construction de routes, écoles, mosquées et dispensaires ; et malgré la présence de coopératives agricoles et artisanales et les projets des mécènes ou les actions des pays étrangers et des organisations humanitaires qui s’emploient dans des projets de forage de puits, d’électrification des centres urbains, de mise sur pied de projets à caractère social, d’aide au développement, d’alphabétisation et d’amélioration de la vie de la population. La Mauritanie connaît une situation très contraignante pour la majorité de sa population, et à laquelle échappe une petite minorité qui détient de grosses fortunes et parfois le pouvoir en même temps, et dilapide des devises dans des vacances à l’étranger au lieu de les faire fructifier dans le développement du pays. En dépit des grandes réformes économiques entreprises depuis 1986 et des dettes épongées, beaucoup reste à entreprendre pour faire décoller ce pays dont le revenu annuel moyen par tête d’habitant n’a pas atteint les 500 dollars US. Combativité, compétitivité, assiduité et persévérance sont des qualités qui demandent à être cultivées pour contrer la pauvreté et l’analphabétisme, construire les infrastructures et sédentariser les communautés. Pour stabiliser des populations portées au nomadisme et à la vie d’errance surtout dans les villages souffrant de conditions de vie déplorables, avec un taux de chômage dépassant, selon les chiffres officiels, les 22 %. Mais aussi les risques d’une émigration clandestine, encouragée par la faiblesse des contrôles aux frontières et les lois sur la migration et la nationalité dans lesquelles certains voient une menace pour l’équilibre démographique mauritanien.
En outre, malgré son interdiction légale, l’esclavage subsiste sous certaines formes dans la Mauritanie d’aujourd’hui, tandis que survivent les incitations au mariage précoce des filles et leur gavage forcé pour hâter leur croissance, la polygamie, les pratiques d’excision et tout ce qui compromet leur scolarisation et expose leur maternité aux dangers et leur vie maritale au divorce. Ceci malgré le fait que cette société semble donner plus de poids et d’autorité à la femme, dépassant le seuil de sa maison.
L’élection présidentielle
Alors que la plupart des observateurs parlaient d’élections déroulées dans la transparence et l'équité, peu nombreux sont ceux qui ont évoqué un ensemble d'irrégularités dans le déroulement du processus électoral. Par exemple la partialité de certains fonctionnaires impliqués dans les opérations électorales, la non-autorisation à des inscrits sur les listes électorales établies après les accords de Dakar de participer aux élections, la faiblesse de l'appareil administratif chargé des élections, les irrégularités dans les listes électorales, l'ignorance par de nombreux présidents de bureaux de vote de la réglementation et de la procédure électorales, etc. Ceux qui ont prétendu que ces manquements ne sauraient motiver la remise en question des élections, ont prétexté qu'elles ont été plus transparentes que les élections libanaises qui les ont précédées par exemple, que la corruption n'a pas été aussi flagrante, ou que les deux parties en lice ont autant participé au déroulement du processus électoral.
En revanche, des voix de l'intérieur de la Mauritanie ont regretté ”les espoirs déçus du peuple et la violation du climat qui a régné après l'accord de Dakar”, ou ”la corruption et l'achat des voix et le trafic des résultats”, de même que ”les irrégularités dans les listes établies, où la moitié seulement des inscrits lors de l'accord de Dakar l'ont été de fait”. Evoqués aussi ”les résultats à pourcentage presque égal dans les différentes wilayas qui ont voté pour Abdelaziz” ou ”les bulletins conçus de façon telle que le signe « B » devant être apposé par le votant était inscrit de la même manière hors du bureau du vote”, ou encore ”d’un taux de vote pour Abdelaziz exagérément gonflé même là où il n’y a pas eu de votes pour lui”.
De son côté, un enregistrement vidéo diffusé par le parti d'Ahmed Ould Daddah sur son site montre une opération de trafic énorme des cartes d'identité et des listes électorales. Des témoins nous ont parlé de faux électeurs ayant voté à la place des vrais lorsque ceux-ci se sont rendus aux bureaux pour élire leur candidat.
Nous avons, quant à nous, noté le 18/07/09 la présence massive de militaires à l'intérieur même des bureaux de vote, au prétexte de garantir l'ordre public. Ils étaient parfois trop proches non seulement des électeurs, mais aussi des observateurs. Certains ont voté avec leur uniforme et sans carte de vote, alors que cette carte était exigée des votants civils. Ceux qui ne l’avaient pas devaient revenir en sa possession après l’avoir extrait des listes affichées sur l’internet, ceci afin de permettre l’identification des numéros affichés sur la carte d’identité et la carte électorale. Et alors que certains bureaux étaient fort exigeants d’autres ont été plus permissifs, jusqu’à ne pas exiger de certaines personnes de signer les listes d’émargement après leur vote, ou ne pas veiller à la bonne correspondance des chiffres affichés sur les deux cartes du votant. Cela dépendait apparemment des humeurs et des appartenances politiques des présidents de bureaux, des colorations politiques des quartiers où se trouvaient les bureaux de vote, ou aussi des moments de la journée et de l’affluence des votants.
S'il est admis que cet échantillon ne saurait valoir pour le reste (sur un total de 2400 bureaux de vote qui ont géré 60% des 1 183 447 inscrits) il est sûr par contre qu'une observation de quelques minutes par bureau ne peut représenter qu'une simple photographie du moment, ne permettant pas de prétendre confirmer ou d’infirmer à coup sûr les résultats des élections. C’est sans prendre en considération tout ce qui les a précédées depuis des mois ou ce qui les a accompagnées dans la rue ou dans les coulisses. Il faut reconnaître aussi que la présence d'observateurs pousse à une certaine modification du comportement, le faussant, tout comme la personnalité de l’observateur, sa culture et ses choix politiques marquent de leur sceau l'observation. Outre le fait que l'observateur ne peut tout saisir et ne s’arrête généralement que sur certains faits parfois de forme plus que de fond et sur leur répétition.
Pour toutes ces raisons, nous sommes appelés à relativiser nos conclusions sur un prétendu processus électoral véritablement ”démocratique”, et ce même dans les pays avancés et où il y a indépendance, multipartisme, programmes électoraux ou transition démocratique. Les électeurs sont susceptibles là aussi d’être manipulés par la mobilisation des sommes d’argent mises à la disposition des candidats, interférant ainsi sur les résultats par le biais de la propagande et du tapage médiatique ou de l’usage d’autres cartes maîtresses capables de les influencer dans un sens ou un autre. Des spécialistes dans le domaine opèrent à différents niveaux notamment psychologique pour orienter les résultats. Et c’est généralement au détriment de l’électeur qui peut déchanter tôt ou tard en constatant que son vote n’a pas servi à sanctionner les moins bons et à donner leur chance à ceux qu'il croyait défendre le mieux ses intérêts. Surtout lorsque la bascule opère en défaveur de celui qui aurait du être le gagnant au vu de son bilan.
Notre but n’est pas de critiquer ou d’encenser l’un quelconque des candidats, mais de dire qu’il nous a semblé que la préparation des élections en Mauritanie s’est déroulée au pas de charge et en imposant le fait accompli. En plus, durant la période écoulée, les acteurs politiques ont témoigné de peu d'attachement et de conscience de l'État de droit et de la légalité électorale. Un certain nombre des partis et de membres de l'élite politique ont démontré un relatif égoïsme et une courte vue en ce qui concerne l'éviction du Président Ould Al Cheikh Abdallah par l'occupation du Palais présidentiel. Cet épisode a sans doute laissé des conséquences dans l'esprit des gens qui ont constaté le silence de personnalités politiques d'envergure sur un acte illégal à tout point de vue constitutionnel. Ce qui a fait que les partis politiques ont abordé la campagne électorale en rangs dispersés et en position de faiblesse, sans un candidat fédérateur et capable de contrecarrer la propagande officielle à la gloire du Général, qui était candidat à l’élection depuis son accession au pouvoir.
Conclusion
Nous concluons en confirmant que l'élection ne s'est pas déroulée dans des conditions normales de transparence et de légalité, malgré tout ce qui a été dit et ce qui peut être dit, et que les urnes n'ont pas exprimé la volonté du peuple. Ce qui risque d’être interprété comme pouvant mettre de l'huile sur le feu et rouvrir des blessures appelées à se refermer afin de préserver l'avenir. C’est un point de vue qui doit être examiné au même titre que les autres et trouver sa légitimité dans le cadre de la liberté d'expression et de la discussion démocratique critique, pacifique et constructive. Il n'est absolument pas question de jouer le rôle d'un observateur « qui n'a rien vu » et de légitimer la politique de l'autruche. Ce qui ne pourrait déboucher à long terme que sur des conflits et des tensions qui engendreraient à leur tour des violences étouffées par la répression sanglante.
Se résoudre à tourner la page avant de clarifier les choses et d’aller au fond des choses ne serait pas la bonne méthode pour celui qui entreprendrait de construire l'avenir sur des bases saines et solides. La peur de ramer à contre-courant ou la volonté de privilégier les intérêts propres ou collectifs du moment ne saurait empêcher la construction d'une opinion alternative au discours dominant. La vérité est toujours révolutionnaire, et l'on ne pourrait pas faire abstraction d’une partie du paysage. Surtout à une époque dominée par un ordre mondial barbare et des intérêts économiques transnationaux qui travaillent parfois dans l'ombre en vue de disloquer les sociétés et de multiplier les divisions, afin de faire main basse sur les potentialités des peuples et de ravir leurs volontés.
Ce qui est véritablement de première nécessité pour la construction de la démocratie, du pluralisme et des droits de l'homme en Mauritanie, c'est de dire toute la vérité au-delà de toute motivation partisane. Et si la démocratie débouche sur le progrès dont ce pays a le plus besoin pour vaincre l'ignorance, la pauvreté et le sous-développement, il ne saurait être question de progrès sans démocratie dans une société dominée encore par des valeurs tribales, souffrant de faiblesse dans la conscience civique; et ce, malgré la présence de nombreux courants politiques et de partis qui ont fleuri durant les dernières années.
Si nous espérions la formation d'un gouvernement d'unité nationale et la constitution d'un accord national général pouvant éviter les conflits et les tensions, il serait à craindre à bon droit que l'opposition ne fasse valoir ses conditions et ne se contente pas de certains portefeuilles ministériels. De même le Président proclamé refuse lui aussi cette option unitaire, se fondant sur une victoire électorale majoritaire obtenue auprès du peuple mauritanien. N'allons-nous pas dans ces conditions vers le renouvellement du spectacle qui a vu l'affrontement avec la police, les manifestations de rue et la revendication de réexamen des résultats électoraux avec toutes les tensions que cela crée? Ou bien le Président élu va-t-il tenter de calmer des esprits au lieu de mener la guerre à ses adversaires pour se concentrer sur le développement du pays, la lutte contre la corruption et le terrorisme comme il l'a affirmé, ainsi que la mise en oeuvre de son programme de restriction budgétaire, d'amélioration du revenu des couches pauvres, de lutte contre le chômage, pour affronter de nombreux défis dans un contexte régional et international particulièrement difficile?
Bien des promesses peuvent s'évanouir une fois que l'on est bien établi au pouvoir, mais gardons une note d'espoir et ne jouons pas les oiseaux de malheur prématurément.