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Blog régional de l'association Survie (Aude, Gard, Hérault,Lozère,Pyrénées-orientales)

mercredi 29 novembre 2017

Discours de Macron à Ouagadougou : le renouveau des leçons, mais pas de la politique

par Survie, 28/11/2017
Lors de son "grand oral" à l’université de Ouagadougou, où il a innové en se confrontant aux questions des étudiants, Emmanuel Macron a habilement prétendu qu’« il n’y a plus de politique africaine de la France », tout en défendant « un lien indéfectible » entre la France et l’Afrique. Venu proposer « un nouveau partenariat » et même « d’écrire une nouvelle relation d’amitié », le président français n’a pas manqué de défendre des piliers essentiels de la politique africaine de la France et ouvert des perspectives aux entreprises françaises, notamment dans le secteur de la santé.
Pour Thomas Borrel, porte-parole de Survie, « durant son discours fleuve, Emmanuel Macron a volontairement éludé certains aspects essentiels de la politique franco-africaine comme le franc CFA ou la coopération militaire avec des dictatures, promu le rôle du secteur privé français et défendu une posture de prétendue neutralité vis-à-vis des dirigeants illégitimes qui s’accrochent au pouvoir. En assénant à plusieurs reprises ne pas être venu pour donner des leçons, il a cherché à exonérer les autorités françaises actuelles et passées de leur responsabilité dans la situation politique et économique de plusieurs pays d’Afrique francophone. Au final, cela s’apparente à un énième discours de "nouvelle" relation franco-africaine, comme si des formules incantatoires pouvaient gommer la part de responsabilité française dans tout ce que combat justement cette jeunesse africaine qu’il est venu célébrer ».
Certaines questions des étudiants ont contraint le président français à se faire plus précis sur certains sujets de fond. Il a ainsi reconnu à demi-mot la responsabilité française dans l’effondrement de la Libye, et s’est dit favorable à la déclassification des archives françaises sur l’assassinat de Thomas Sankara - mais sans évoquer une possible commission rogatoire pour que l’instruction ait lieu parallèlement en France, ce qui est pourtant la demande des juges burkinabè. Il a par contre opposé un argumentaire technique classique pour défendre le franc CFA, tout en prétendant qu’il s’agissait d’un "non-sujet" pour la France. Dans ses réponses à des étudiantes qui l’interpellaient sur la présence militaire française et sur la demande d’extradition vers le Burkina Faso de François Compaoré, Emmanuel Macron n’a même pas eu la décence de présenter des excuses officielles pour l’exfiltration par les forces spéciales françaises de Blaise Compaoré et ses proches en 2014. Au contraire, il a asséné : « vous ne devez qu’une chose pour les soldats français : les applaudir ! ». La visite d’Emmanuel Macron a par ailleurs été marquée par une hostilité évidente : outre les interpellations, polies mais franches, par les étudiants, des véhicules de la délégation ont été la cible de jets de pierres et de projectiles pendant le trajet vers l’université.
Pour Thomas Borrel, « même s’il tente toujours d’incarner le renouvellement et le changement politique, Emmanuel Macron ne peut pas venir défendre ouvertement ou implicitement des pans entiers de la politique africaine de la France, faire quelques promesses de visas à des étudiants et instrumentaliser l’insurrection burkinabè de 2014 sans craindre que son exercice arrogant de communication ne se retourne contre lui. Il avait l’opportunité de poser des actes concrets, il n’a posé que des mots, qui ne soigneront pas les maux de la Françafrique. Lui qui a pris un ton professoral pour expliquer qu’il n’était pas là pour donner des leçons, tout en passant son temps à en donner, il devrait pouvoir comprendre cela. »

L’association Survie avait publié la veille de ce discours un rapport sur la coopération militaire et policière, en dénonçant justement un non-dit récurrent de la politique africaine de la France. Le rapport « La coopération militaire et policière en Françafrique : de l’héritage colonial au partenariat public-privé » est disponible au téléchargement ICI

 

mardi 29 août 2017

Sahel : aux origines de la crise sécuritaire
Une étude majeure de Moussa Tchangari pour comprendre la «guerre sans fin» au Sahel

Par François Gèze, blog de Mediapart, 26/8/2017
Le 17 août, l’éditorial du Monde « Au Sahel, la crainte d’une guerre sans fin » concluait, sans expliquer : « La réponse militaire s’est jusque-là montrée très insuffisante pour venir à bout de groupes qui recrutent en jouant sur des frustrations économiques ou communautaires auxquelles aucune solution n’est apportée. » L’analyste nigérien Moussa Tchangari apporte les explications qui manquent. 
Le 17 août 2017, l’éditorial du Monde « Au Sahel, la crainte d’une guerre sans fin » se concluait, mais sans donner plus de précisions, sur ce constat fort pertinent : « La réponse militaire s’est jusque-là montrée très insuffisante pour venir à bout de groupes qui recrutent en jouant sur des frustrations économiques ou communautaires auxquelles aucune solution n’est apportée. » D’où l’importance, pour en savoir plus sur les racines de cette « guerre sans fin » du Sahel, de se tourner vers les observateurs locaux, dont les travaux, trop méconnus des grands médias occidentaux, apportent souvent des clés essentielles pour comprendre les ressorts profonds de conflits obscurs où sont pourtant directement impliquées les « grandes puissances ». Au premier rang desquelles la France, dont les responsables actuels semblent bien y agir toujours sans parvenir à se libérer du vieux « logiciel colonial » qui a formaté les cerveaux de générations d’« élites républicaines » tout au long du xixe siècle et jusqu’aux années 1960.
C’est ce dont atteste la remarquable étude de Moussa Tchangari, secrétaire général de l’ONG nigérienne Alternative Espaces Citoyens, intitulée Sahel : aux origines de la crise sécuritaire. Conflits armés, crise de la démocratie et convoitises extérieures, publiée deux jours après l’éditorial du Monde, le 19 août 2017, et accessible ici ou . Celle-ci est principalement consacrée aux failles gravissimes de la réponse de la « communauté internationale » à la conjonction des entreprises « djihadistes » de la secte Boko Haram, qui sévit au nord du Nigeria depuis 2002, et des divers groupes armés « islamistes » actifs dans les différents États du Sahel (Mali et Niger principalement) et du Sahara (Algérie – voir mon article de 2014 sur le rôle spécifique de ce pays –, Mauritanie, Libye, Tunisie), surtout depuis les années 2010. Une étude de 52 pages, qui mérite une lecture attentive, tant elle est riche en informations de première main, que l’on retrouve rarement dans les médias dominants, anglophones comme francophones. Son auteur, Moussa Tchangari, est en effet un acteur de premier plan de la « société civile » de son pays, le Niger (et membre de longue date du conseil d’administration de la Fondation Frantz Fanon, qui réunit des militant-e-s internationalistes de tous les continents).
Avant d’évoquer quelques-uns des apports à mon sens essentiels du travail de Tchangari, je dois souligner qu’il complète très utilement une autre étude tout aussi passionnante, remarquablement documentée, du politologue Jean-François Bayart sur les racines du salafisme et du djihadisme nord-nigérians et de l’« économie politique » de Boko Haram, qu’il a publiée au même moment, le 18 août2017, sur son blog de Mediapart : « De quoi Boko Haram est-il le nom ? ». Il y montre fort pertinemment que l’extension de la secte et de ses actions mortifères est loin de s’expliquer uniquement par son prosélytisme religieux islamiste : « Boko Haram est l’expression contemporaine d’un système économique régional séculaire qui s’est structuré entre Fort-Lamy (Ndjamena), Kousseri et Maiduguri, sur les ruines de l’économie saharienne et esclavagiste de la fin du xixe siècle, grâce aux “gains marginaux” qu’ont engendrés les frontières étatiques, le marché cambiaire à l’interface du naira et du franc CFA, le développement des routes et du chemin de fer, les disjonctions entre les cycles économiques du Nigeria et ceux de ses voisins, les cours changeants du pétrole qui affectent les deux producteurs du bassin, le Nigeria et le Tchad, et, enfin, les conflits armés, de l’aventure de la 2e DB pendant la Seconde Guerre mondiale, à partir de Fort-Lamy, aux rébellions postcoloniales tchadiennes, en passant par la guerre du Biafra. La secte met en termes religieux une insurrection sociale et politique contre l’iniquité de ce système et de la classe dominante qui en tire profit, et ouvre des opportunités à ceux qui en sont les subalternes et les victimes. »

mercredi 5 juillet 2017

"Complément d’enquête, jeudi 6 juillet, 22h 40- Le clan Bongo : une histoire française

Présenté par Nicolas Poincaré
Ce direct débutera jeudi 6 juillet 2017 à 22h40. Durée : 01h8

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C’est le plus français des présidents africains : Ali Bongo a grandi en France, protégé par notre République, et son père a côtoyé tous les présidents français, du général de Gaulle à Nicolas Sarkozy. De la famille Bongo, les Français connaissent surtout Omar, le père, pilier de la Françafrique pendant plus de quarante ans.
Depuis 2009, c'est Ali, le fils, qui détient le pouvoir au Gabon. Lors de la dernière présidentielle d'août 2016, il a été réélu malgré des soupçons de fraude. Ses adversaires accusent Ali Bongo d’être un dictateur : il aurait donné l’ordre de tirer à balles réelles sur ses opposants et aurait provoqué la mort d'une trentaine de Gabonais lors de violentes émeutes qui ont secoué le pays.

Un enfant de la Françafrique

Le Gabon, petit pays d’Afrique de 2 millions d’habitants, a pourtant été pendant plusieurs décennies un îlot paisible dans la région. Une base arrière de la France qui s’y fournissait en pétrole, en bois, en uranium… et en cash. Omar, le père d’Ali, aurait offert des millions d’euros à nos hommes politiques pour financer leurs campagnes. Protégée par la France, la famille Bongo a amassé, au cours de son règne, une fortune colossale : plus de 500 millions d’euros.
Depuis la mort d’Omar en 2009, Ali a pris la relève. Comme son père, il mène une vie de millionnaire, roule en voiture de luxe. Pourtant, le nouveau président jure être en rupture avec l'image paternelle et affirme vouloir solder l’héritage.
Ce portrait de 52 minutes donne la parole à Ali Bongo. Donatien Lemaître et Laurent Dy, les réalisateurs, ont posé leurs caméras dans les coulisses du pouvoir afin de donner une image inédite de l'homme fort du Gabon. Ils donnent aussi la parole aux contradicteurs et aux hommes de la Françafrique, notamment Robert Bourgi.
La rédaction de "Complément d'enquête" vous invite à commenter l'émission sur sa page Facebook ou sur Twitter avec le hashtag #Cdenquete.

mercredi 28 juin 2017

"Nos crimes en Afrique : Réarmez-les", un dossier de la revue XXI

Le n°39 de la revue XXI vient de paraître. Au sommaire, un dossier "Nos crimes en Afrique"
Voici trois histoires qui n’auraient pas dû émerger. Trois histoires enfouies dans des cartons classés secret-défense. Pat Perna nous raconte un massacre commis par l’armée française au Sénégal fin 1944. Joël Calmettes nous entraîne parmi les mercenaires et les vendeurs d’armes au Biafra. Patrick de Saint-Exupéry exhume une note manuscrite de l’Élysée sur le Rwanda. 

Patrick de Saint Exupéry : "Les autorités ont donné ordre de réarmer ceux qui ont commis le génocide rwandais"


 sommaire 39

samedi 15 avril 2017

Le franc CFA, arme de destruction massive contre le développement africain

Franc des colonies françaises d’Afrique, le franc CFA est devenu le franc de la coopération financière en Afrique, après avoir symbolisé le franc de la Communauté financière africaine à la naissance de la 5ème République française en 1958. Le contenu du FCFA est resté constant bien que le contenant soit en perpétuel changement. 
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1939. Par une guerre éclair, l’Allemagne nazie occupe la moitié de la France qui s’étendra ensuite à la totalité du territoire français et fait main basse sur le franc français et l’économie française. Le franc CFA (Franc des Colonies Françaises d’Afrique) naît officieusement pour les colonies françaises et servira de fonds souverains pour DE GAULLE exilé en Angleterre pendant toute la période de guerre.

lundi 10 avril 2017

"Comment j'ai arrêté de vouloir sauver l'Afrique" : conférence gesticulée d'Antoine Souef le 31 mai à Narbonne

Bientôt à Narbonne (le 31 mai à 18 h 30 - nouvel horaire - au Théâtre de L'Entresort), Conférence gesticulée d'Antoine Souef avec Survie dans le cadre du Mois de Mai des Richesses de l'Immigration et de la Diversité.




lundi 3 avril 2017

Secret défense ou déraison d'État?

Survie s’associe à cette démarche collective face aux nombreux cas concernés par le secret défense. Les candidat.e.s aux prochaines élections en France doivent s’engager à lever le secret défense et permettre l’accès aux archives encore aujourd’hui inaccessibles aux citoyen.ne.s, juristes, historien.e.s, chercheur.e.s, magistrat.e.s et familles de victimes.
Adresse aux candidats aux élections présidentielles et législatives françaises de 2017
Dans un État de droit comme la France, qui se présente sur la scène internationale en donneur de leçon en matière de droits de l’homme, comment expliquer que le seul fait d’invoquer simplement la raison d’état ou le secret défense permette aux institutions de faire échec à l’exigence de vérité et de justice des victimes et des citoyens.
Combien de temps encore, les représentants de l’État français vont-ils pouvoir, sans contrôle réel et indépendant :
- entraver les enquêtes judiciaires, faisant de la victime, censée être protégée par les institutions de son pays, un adversaire à combattre, voire à abattre au lieu de lui rendre justice ?
- empêcher les historiens d’accéder aux informations nécessaires à leur travail de recherche scientifique.
Il est de la responsabilité de chaque citoyen de veiller à ce que les valeurs de la République qui sont le socle du pacte démocratique, gage de vérité et de justice, soient pleinement respectées en toute circonstance.

samedi 1 avril 2017

Le Sahara Occidental, dernière colonie d'Afrique : Interview de Malainin Lakhal

Malainin Lakhal, 45 ans, est un traducteur, défenseur des droits humains et journaliste indépendant sahraoui. Il est membre de l'Observatoire sahraoui des Ressources naturelles. L’Institut démocratique africain l’a interviewé à l’occasion de la Journée de l’indépendance saharouie, le 27 fevrier.
A.D.I. : Comment était la vie au Sahara Occidental ?
Malainin : Grandir au Sahara Occidental occupé, c'est comme grandir dans un immense camp de détention à ciel ouvert. L'occupation militaire marocaine a maintenu un siège violent des différentes villes des territoires dès les premiers jours de l'invasion. De fait, l'invasion a commencé le 31 décembre 1975 par une vaste opération militaire qui a rasé des centaines de villages nomades sahraouis, faisant des milliers de victimes et autant de disparus ; à ce jour, on reste sans aucune nouvelle de plus de 600 de ces personnes disparues.
Et bien sûr, étant un enfant sahraoui, grandir dans les écoles marocaines sous la tutelle de maîtres marocains a été une expérience très difficile car ils nous traitaient de manière différente, comme l'on ferait avec n'importe quel peuple colonisé. Dans la classe, dans les rues, sur les terrains de jeux, les policiers nous traitaient en suspects ; ils nous interpellaient souvent, à la moindre chose. Ils nous appelaient "les sales sahraouis", "les chameliers". Nous étions habitués, tous ceux de ma génération et de la génération suivante, à être arrêtés dans la rue avec ou sans raison, à être emmenés aux commissariats, à être battus et torturés par les policiers marocains, qui voulaient simplement se divertir ou cherchaient à avoir une information spécifique, et à passer une nuit ou deux au cachot avant d'être relâchés. Nous avons aussi été nombreux à être emprisonnés pendant des périodes plus longues, et même certains d'entre nous ont disparu pendant longtemps ou pour toujours.
À l'école, nous étions discriminés. À cette époque il était difficile pour un Sahraoui d'aller jusqu'au bout de la scolarité. Les autorités coloniales faisaient leur possible pour nous décourager d'avancer dans nos études. Et atteindre l'université a tenu du miracle pour beaucoup d'entre nous. Ce traitement nous a amenés depuis notre enfance à avoir une grande conscience politique. Et bien sûr nous étions aussi politiquement actifs et nous avions tendance à faire tout notre possible pour rendre la vie difficile aux autorités coloniales, en particulier la nuit. Pour résumer, la vie dans les zones occupées du Sahara Occidental est la vie d'un peuple colonisé qui se bat pour sa liberté et que les colonisateurs répriment à cause de ce combat. La seule différence ici est que le colonisateur est un autre pays africain.
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Original:
The last colony in Africa: Western Sahara Interview with Malainin Lakhal
Traductions disponibles :
عربي Italiano Español Português

jeudi 30 mars 2017

"Capitaine Thomas Sankara" le 7 avril à Millau


Le vendredi 7 avril à 20 h 30 aura lieu au cinéma de Millau la projection du film "Capitaine Thomas Sankara" de Christophe Cupelin. A l'aide d'images d'archives, pour certaines introuvables il y a peu, ce documentaire nous fait revivre le parcours d'un homme qui exerça le pouvoir au Burkina Faso de 1983 à 1987.
Thomas Sankara fut un chef d'État unique en son genre. Pas seulement parce que proche du peuple : il participait à des courses cyclistes ou jouait à l’occasion de la guitare électrique en public. Mais parce que son intégrité et son engagement le conduiront à se battre en faveur de l'indépendance politique du pays, de son désendettement, mais aussi de l'éducation des jeunes, de l'émancipation des femmes et de l'éradication de la corruption.



Dans ses discours, Thomas Sankara n’avait de cesse de dénoncer le colonialisme et le néocolonialisme, notamment de la France en Afrique. A la tribune des Nations Unies, il a courageusement plaidé pour le droit des peuples à pouvoir manger à leur faim, boire à leur soif, être éduqués.