par Survie, 28/11/2017
Lors de son "grand oral" à l’université de Ouagadougou, où il a
innové en se confrontant aux questions des étudiants, Emmanuel Macron a
habilement prétendu qu’« il n’y a plus de politique africaine de la
France », tout en défendant « un lien indéfectible » entre la France et
l’Afrique. Venu proposer « un nouveau partenariat » et même « d’écrire
une nouvelle relation d’amitié », le président français n’a pas manqué
de défendre des piliers essentiels de la politique africaine de la
France et ouvert des perspectives aux entreprises françaises, notamment
dans le secteur de la santé.
Pour Thomas Borrel, porte-parole de Survie, « durant son discours
fleuve, Emmanuel Macron a volontairement éludé certains aspects
essentiels de la politique franco-africaine comme le franc CFA ou la
coopération militaire avec des dictatures, promu le rôle du secteur
privé français et défendu une posture de prétendue neutralité vis-à-vis
des dirigeants illégitimes qui s’accrochent au pouvoir. En assénant à
plusieurs reprises ne pas être venu pour donner des leçons, il a cherché
à exonérer les autorités françaises actuelles et passées de leur
responsabilité dans la situation politique et économique de plusieurs
pays d’Afrique francophone. Au final, cela s’apparente à un énième
discours de "nouvelle" relation franco-africaine, comme si des formules
incantatoires pouvaient gommer la part de responsabilité française dans
tout ce que combat justement cette jeunesse africaine qu’il est venu
célébrer ».
Certaines questions des étudiants ont contraint le président français
à se faire plus précis sur certains sujets de fond. Il a ainsi reconnu à
demi-mot la responsabilité française dans l’effondrement de la Libye,
et s’est dit favorable à la déclassification des archives françaises sur
l’assassinat de Thomas Sankara - mais sans évoquer une possible
commission rogatoire pour que l’instruction ait lieu parallèlement en
France, ce qui est pourtant la demande des juges burkinabè. Il a par
contre opposé un argumentaire technique classique pour défendre le franc
CFA, tout en prétendant qu’il s’agissait d’un "non-sujet" pour la
France. Dans ses réponses à des étudiantes qui l’interpellaient sur la
présence militaire française et sur la demande d’extradition vers le
Burkina Faso de François Compaoré, Emmanuel Macron n’a même pas eu la
décence de présenter des excuses officielles pour l’exfiltration par les
forces spéciales françaises de Blaise Compaoré et ses proches en 2014.
Au contraire, il a asséné : « vous ne devez qu’une chose pour les soldats français : les applaudir ! ».
La visite d’Emmanuel Macron a par ailleurs été marquée par une
hostilité évidente : outre les interpellations, polies mais franches,
par les étudiants, des véhicules de la délégation ont été la cible de
jets de pierres et de projectiles pendant le trajet vers l’université.
Pour Thomas Borrel, « même s’il tente toujours d’incarner le
renouvellement et le changement politique, Emmanuel Macron ne peut pas
venir défendre ouvertement ou implicitement des pans entiers de la
politique africaine de la France, faire quelques promesses de visas à
des étudiants et instrumentaliser l’insurrection burkinabè de 2014 sans
craindre que son exercice arrogant de communication ne se retourne
contre lui. Il avait l’opportunité de poser des actes concrets, il n’a
posé que des mots, qui ne soigneront pas les maux de la Françafrique.
Lui qui a pris un ton professoral pour expliquer qu’il n’était pas là
pour donner des leçons, tout en passant son temps à en donner, il
devrait pouvoir comprendre cela. »
L’association Survie avait publié la veille de ce discours un rapport
sur la coopération militaire et policière, en dénonçant justement un
non-dit récurrent de la politique africaine de la France. Le rapport
« La coopération militaire et policière en Françafrique : de l’héritage
colonial au partenariat public-privé » est disponible au téléchargement ICI
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