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Blog régional de l'association Survie (Aude, Gard, Hérault,Lozère,Pyrénées-orientales)

jeudi 22 octobre 2009

Les assassins sont parmi nous

Affaire n°1
Un médecin rwandais recherché par Interpol exerçait à l'hôpital de Maubeuge
samedi 17.10.2009, 05:02 - J.-M. BOUTILLIER , La Voix du Nord
Eugène Rwamucyo, né en 1959 à Ruhengeri, Rwanda, est-il ou non mêlé au génocide perpétré dans ce pays entre avril et juillet 1994 et qui, selon l'ONU, a coûté la vie à 800 000 Rwandais, essentiellement des Tutsis ? ...

Le Tribunal pénal international pour le Rwanda répondra peut-être un jour à cette question. Mais ce qu'il y a de sûr, c'est que ce médecin exerçait jusqu'à ce jeudi ses fonctions de responsable de la médecine du travail au centre hospitalier de Sambre-Avesnois de Maubeuge, alors qu'il faisait l'objet d'une notice de recherche des services d'Interpol. Exerçait, car, comme le confirmait hier Henri Mennecier, directeur de l'établissement, le médecin est visé depuis ce mercredi par une mesure de suspension, « à titre conservatoire », dès lors que sa situation particulière a été connue de la direction, à la faveur d'investigations journalistiques.

Eugène Rwamucyo, Hutu, qui fut médecin-chef du centre universitaire de Butare, dans le Sud du Rwanda, est cité par le Collectif des parties civiles pour le Rwanda, comme un acteur du génocide. Depuis 2006, il fait l'objet d'une notice de recherche d'Interpol, « une notice rouge », confirmait-on hier après-midi au siège de l'organisation internationale de police criminelle, à Lyon. Ce qui range le médecin dans une catégorie de personnes auxquelles sont reprochés des faits d'une certaine gravité.

Première plainte à Lille

C'est le 15 avril 2007 qu'une plainte visant Eugène Rwamucyo a été déposée, à Lille, par le CPCR, le Collectif des parties civiles pour le Rwanda, présidé par Alain Gauthier, mari d'une Rwandaise qui a perdu quasiment toute sa famille dans le génocide. En novembre de la même année, une ordonnance de dessaisissement est rendue au profit du parquet de Paris qui ouvre, le 5 février 2008, une information judiciaire pour « crimes de guerre et complicité ».

Depuis, il semblerait que l'activité judiciaire ait été exercée a minima à l'encontre du médecin. « Il n'a jamais été entendu », affirmait hier Alain Gauthier, lequel fait état de « témoignages précis de Rwandais contenus dans le dossier » concernant l'éventuelle implication d'Eugène Rwamucyo dans le génocide. Le même évoque un « colloque révisionniste », selon ses propres termes, qui s'est tenu le 4 avril 2002 dans la salle Monnerville du Sénat, colloque auquel participait le médecin. « S'agissant de moi, il a déclaré "ce Monsieur ne connaît le Rwanda que par des confidences sur l'oreiller" », allusion à l'épouse rwandaise d'Alain Gauthier lequel avait alors, dans un courrier adressé à Xavier de Villepin, président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, fait part de sa réprobation sur le contenu de ce colloque.

Injoignable hier - il demeure dans l'entité de Lobbes, en Belgique - Eugène Rwamucyo réfute toute participation au génocide. « Il connaissait l'existence des documents qui circulaient (sur Internet, ce qui a permis la découverte-NDLR). Il me l'a dit quand je lui ai signifié sa suspension. Il en conteste la véracité », ajoutait hier Henri Mennecier, qui ignorait tout de la situation du médecin. Reste à savoir comment Eugène Rwamucyo, précédemment en poste au CHR de Lille et résidant alors à Bouvines, a pu échapper aussi longtemps aux recherches d'Interpol. C'est l'une des nombreuses questions que pose ce dossier qui fait grand bruit en Sambre. 

Le médecin rwandais de Maubeuge recherché par Interpol « s'explique »
mardi 20.10.2009, 05:02 - PAR JEAN-MARIE BOUTILLIER, La Voix du Nord

| ENTRETIEN |

Eugène Rwamucyo s'explique. Ce médecin rwandais a été suspendu, « à titre conservatoire », jeudi, de ses fonctions de responsable de la médecine du travail à l'hôpital de Maubeuge, après que fut connue sa situation de personne recherchée par Interpol dans le cadre du génocide rwandais de 1994.
C'est une interview téléphonique réalisée en deux temps qui a permis hier à Eugène Rwamucyo de s'exprimer, de son domicile de Lobbes, en Belgique. La première partie, en matinée, a été interrompue incidemment par un appel donné par l'avocat de celui qu'Interpol recherche depuis 2006 pour sa participation présumée au génocide rwandais. La seconde, l'après-midi, a pris une autre tonalité.

« Diabolisation »

Eugène Rwamucyo affable, hier matin, en préambule : « Je proteste contre la diabolisation dont je fais l'objet depuis quelques jours dans la presse. Le leitmotiv dans cette affaire est à rechercher du côté des activistes du régime (régime actuel rwandais). Ils sont ici, en France. Ce qui les intéresse, ce n'est pas la justice, c'est de me faire perdre mon statut, de me rendre indigent.
 » La « notice rouge » d'Interpol qui le vise ? « La fiche Interpol, que l'on essaie de faire passer pour un mandat d'arrêt international, n'est pas émise par Interpol mais par le Bureau central national de Kigali. Quant au collectif pour les parties civiles du Rwanda, ils savent très bien que la justice suit son cours. » Le même, l'après-midi, moins affable : « Je ne peux pas bouger, mes avocats ne veulent pas que je me mette en danger. » Question : « La direction de l'hôpital de Maubeuge était-elle au courant de votre situation ? » « Je ne répondrai pas à n'importe quelle question. » Parenthèse : Thierry Lazaro était, lui, au courant. Le député-maire de Phalempin est intervenu en 2005 en faveur d'Eugène Rwamucyo afin que ce dernier puisse obtenir un titre de séjour qui lui faisait défaut. Joint hier matin, le parlementaire confirme qu'il était au courant de la situation du médecin rwandais dirigé vers lui par « un radiologue ». « J'assume. Eugène Rwamucyo m'a toujours dit qu'il était recherché. Il m'a toujours dit qu'il était innocent. J'ai mis la présomption d'innocence en avant comme précepte. Je suis surpris de l'hallali. Qu'il ait droit à un procès équitable. Et si après ça on peut prouver quoi que ce soit, j'en serai évidemment catastrophé », résumait hier Thierry Lazaro, qui remarque que, depuis 1994, « les différents gouvernements n'ont pas jugé utile d'aller plus loin », sur cet épineux dossier qui ne concerne pas en France qu'Eugène Ramucyo (notre édition de dimanche).

« J'ai fui le Rwanda »

Retour à Lobbes : « Quand et pourquoi avez-vous quitté le Rwanda ? » « Je ne réponds pas à ce genre de question. » Eugène Rwamucyo finira cependant par préciser qu'il a quitté son pays d'origine « fin juillet 1994, pour fuir le FPR, voilà, et maintenant ça suffit » - FPR, Front patriotique rwandais - sachant que le génocide qui a coûté la vie à 800 000 personnes a été perpétré d'avril à juillet 1994. Précisons toutefois qu'un élément chronologique ne suffit pas à lui seul à établir une culpabilité.
Eugène Rwamucyo admet-il seulement le terme de « génocide » ? « Je ne réponds pas. » Relance : « Mais la communauté internationale l'admet dans son ensemble... » « Alors faites-les répondre à ma place ! » L'opération « Turquoise », décidée par la résolution 929 du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations-unies et assumée en grande partie par la France, critiquée là-dessus par la même communauté internationale ? « Pas de commentaires », lâche le médecin. C'est pourtant vers « Turquoise » que revient inlassablement ce type de dossier qui évolue dans les eaux troubles de la diplomatie et du fameux intérêt supérieur de l'État.

Maubeuge : le médecin rwandais suspendu déjà condamné au Rwanda il y a un mois

jeudi 22.10.2009, 11:30 - Avec AFP

 AFFAIRE |

Le médecin rwandais suspendu de ses fonctions à l'hôpital de Maubeuge pour son implication présumée dans le génocide de 1994, a été condamné il y a un mois par contumace à la perpétuité par un tribunal populaire gacaca rwandais.
Le docteur Eugène Rwamucyo qui travaillait jusqu'à jeudi de la semaine dernière à l'hôpital de Maubeuge, « a été condamné à la perpétuité il y a mois », a indiqué un membre du jury ayant siégé dans l'affaire.

Eugène Rwamucyo a été jugé par le tribunal gacaca de Ngoma, dans la ville de Butare (sud). Inspirées de la tradition rwandaise,les juridictions gacacas sont chargées de juger les auteurs présumés du génocide perpétré contre les Tutsis en 1994, à l'exception des « planificateurs au niveau national » (qui relève des juridictions classiques). Le jury a conclu que le docteur Rwamucyo faisait partie d'« un comité de crise qui a organisé et supervisé le génocide à Butare » en 1994, selon la source jointe par téléphone, qui s'exprimait sous couvert de l'anonymat.
Ce jugement est confirmé par le quotidien progouvernemental rwandais, le New Times, qui souligne que Rwamucyo figure sur la liste des 45 principaux responsables des massacres de Tutsis à l'Université nationale du Rwanda (UNR) et à l'Hôpital universitaire, deux institutions situées à Butare. Plusieurs anciens professeurs à l'UNR et médecins à l'hôpital universitaire ont été jugés et condamnés par contumace pour leur rôle dans le génocide perpétré contre les Tutsis en 1994 à Butare.
Parmi eux, figurent l'ancien vice-recteur de l'université, Jean-Berchmans Nshimyumuremyi et le docteur Séraphin Bararengana, frère de l'ex-président Juvénal Habyarimana dont l'assassinat, le 6 avril 1994, fut l'élément déclencheur des massacres. La ville de Butare était, à l'époque, le plus haut lieu intellectuel du Rwanda.
Eugène Rwamucyo, qui vit en Belgique tout près de la frontière française, et a aussi dans le passé exercé au centre hospitalier universitaire de Lille, a catégoriquement démenti ces accusations, se disant un « bouc-émissaire » et « victime d'une diabolisation ».

Affaire n°2
GENOCIDE RWANDAIS. Comme dans l'affaire de Maubeuge, un médecin rwandais exerçant aux urgences de l'hôpital fait l'objet d'une fiche de recherche pour génocide

Un médecin de Villeneuve-sur-Lot fiché à Interpol
par Bastien Souperbie, Sud-Ouest, 21 octobre 2009


Sosthène Munyemana exerce depuis plus de dix ans au sein de l'hôpital Saint-Cyr. (photo archives F. R.)
Sosthène Munyemana exerce depuis plus de dix ans au sein de l'hôpital Saint-Cyr. (photo archives F. R.)
Dans son édition de samedi, « La Voix du Nord » révélait qu'un praticien du centre hospitalier de Maubeuge, Eugène Rwamucyo, faisait l'objet d'une fiche de recherche sur Interpol pour génocides et crimes de guerre en 1994 au Rwanda. Le quotidien indiquait par ailleurs qu'un autre médecin, Sosthene Munyemana, était dans la même situation à Villeneuve-sur-Lot.
Cet homme de 45 ans, domicilié à Bordeaux, exerce depuis plus d'une dizaine d'années aux urgences de l'hôpital Saint-Cyr. Sa notice de recherches fait également mention des termes de « génocide et crimes de guerre ». Déjà, il y a sept ans, le collectif girondin pour le Rwanda s'était ému de la présence au sein de l'hôpital villeneuvois de ce médecin recherché par Interpol et contre lequel des ONG telles que African Rights porte de graves accusations avec témoignages à l'appui.
Entendu une seule fois
Néanmoins à ce jour, Sosthène Munyemana qui a toujours clamé son innocence et nié sa participation au génocide des Tutsis au Rwanda n'a jamais été inquiété par la justice française. Il n'a été entendu qu'une seule fois par un magistrat à titre de témoin assisté. Toutefois, dans un arrêt rendu le 24 janvier 2008, la Cour nationale du droit d'asile rejetait la demande de droit d'asile du médecin villeneuvois en s'appuyant notamment sur l'évaluation menée par l'Ofpra (office français de protection des réfugiés et apatrides). Cet organisme indiquait « que l'instruction a permis de constater que M. Sosthène Munyemana s'est volontairement inscrit dans l'appareil administratif local mis en place durant la période du génocide [...] ; qu'il a assumé une pleine autorité sur un local de détention du secteur de Tumba, dans la commune de Ngoma ». Et l'Ofpra de conclure « que sa nomination au comité de financement de l'autodéfense civile pour la préfecture de Butare (au Rwanda NDLR) constitue en soi et au sens récemment rappelé par le Conseil d'État, une raison sérieuse de penser que l'intéressé s'est rendu coupable de crime contre l'humanité et de génocide au sens stipulé par la convention de Genève ».
Pas condamné
Un rapport accablant qui ne doit pas occulter qu'en l'absence de condamnations, le médecin villeneuvois (également passé par Tonneins) doit bénéficier de la présomption d'innocence.
Joint hier, le Conseil de l'ordre des médecins du Lot-et-Garonne assurait ne rien savoir de cette affaire, indiquant que les médecins extracommunautaires échappaient à son domaine de compétence.
À l'hôpital Saint-Cyr, on avait toutefois entendu des « bruits ». « On savait qu'il y avait de graves accusations qui étaient portées contre lui », relate une médecin de l'hôpital sous couvert de l'anonymat, qui décrit l'homme « comme un bon collègue ». « Il ne cachait d'ailleurs pas qu'une procédure était en cours depuis dix ans, tout en assurant qu'il était victime de fausses accusations. »
La direction de l'hôpital de Villeneuve était injoignable hier. À Maubeuge, Eugène Rwamucyo a été suspendu à titre conservatoire.



lundi 19 octobre 2009

Législatives au Niger : La France ne doit pas entériner la dictature

Communiqué de Survie, 19/10/2009

L’organisation ce 20 octobre d’élections législatives, boycottées par l’ensemble des forces démocratiques, constitue une nouvelle étape dans la dérive dictatoriale de Mamadou Tandja, à la tête du premier pays fournisseur d’uranium à la France. Nos associations demandent donc l’annulation de ces élections et des sanctions de la France et de l’Union européenne visant au rétablissement de l’ordre constitutionnel.
Ce qui est considéré comme un coup d’Etat constitutionnel est le résultat d’un processus de destruction des institutions démocratiques par Mamadou Tandja initié dès la fin de l’année 2008, afin de rester président, en opposition avec la constitution nigérienne. Refusant de se soumettre aux avis de l’Assemblée nationale et de la Cour constitutionnelle, il a dissous ces institutions et pris les pleins pouvoirs. Il a alors eu les mains libres pour organiser un référendum-plébiscite, le 4 août, dont les résultats truqués ont été sans surprise : la poursuite de son mandat.
Avec une nouvelle constitution taillée sur mesure et promulguée le 18 août 2009, Mamadou Tandja reste président jusqu’en 2012 et peut se représenter à volonté. Il devient « le détenteur exclusif du pouvoir exécutif » alors que les prérogatives des députés sont considérablement réduites. Par ailleurs, le Conseil Supérieur de la Communication et la Cour constitutionnelle sont désormais sous sa coupe puisqu’il y nomme plus de la moitié des membres.
Parallèlement, les dérives autoritaires sont flagrantes : rejet dans l’illégalité des grèves et manifestations, entrave à la liberté de réunion des militants, mise en accusation de 128 députés, plainte contre 8 directeurs de publication, emprisonnement de 50 opposants membres de la CFDR (Coordination des Forces pour la Démocratie et la République, regroupant les 7 centrales syndicales, la majorité des partis politiques, y compris un pan du parti présidentiel et la société civile).
Ces élections législatives, boycottées par les forces démocratiques, permettront de sceller le coup d’Etat constitutionnel d’un président de plus en plus isolé aux niveaux national et international. Au Niger, adossé aux revenus des industries extractives, il ne tient plus que grâce à une frange minime de l’armée. Depuis 2007, il a distribué 158 permis miniers ou pétroliers par le biais d’un groupe opaque d’affairistes composé notamment de deux de ses fils. Sur la scène internationale, le Niger a subi un fort discrédit : l’Union Européenne a gelé son aide début juillet et nombre de coopérations bilatérales ont suspendue la leur (notamment le Luxembourg et le Danemark).
Mais Mamadou Tandja est soutenu par la Libye et par la diplomatie française qui freine toute prise de décision ferme de l’Union Européenne. Une attitude en relation évidente avec la position dominante d’Areva au Niger.
Le 10 août, le Quai d’Orsay a simplement « pris note » des résultats du référendum et a appelé à des législatives avec une large participation des forces politiques, ce qui est une façon de légitimer le régime et de soutenir à mots couverts le président.
Face à cette situation, l’association Survie se fait le relais des revendications des mouvements de la société civile nigérienne, rassemblés au sein de la CFDR pour exiger :
- l’annulation des élections législatives illégales et illégitimes,
- le retour à l’ordre constitutionnel par le rétablissement des institutions dans leur fonction (Assemblée nationale, Cour constitutionnelle), l’annulation du référendum du 4 août dernier et le retour à la constitution de 1999,
- l’arrêt des poursuites et intimidations à l’encontre des membres de l’opposition démocratique et de la société civile.
Nous demandons à l’Etat français et à l’Union européenne d’agir dans ce sens en faisant pression sur le régime nigérien par :
- une condamnation ferme de la dérive dictatoriale depuis 2008,
- la non-reconnaissance du référendum du 4 août 2009 et des élections législatives du 20 octobre 2009,
- la suspension de leurs coopérations avec le régime tant que le retour à l’ordre constitutionnel n’est pas effectif,
- l’application par l’Union Européenne des articles 96 et 97 des Accords révisés de Cotonou : puisque « le respect des droits de l’Homme, des principes démocratiques et de l’État de droit » sont violés, une procédure de consultation devrait être menée et des mesures prises, et la suspension des accords avec le Niger en cas d’absence de solution acceptable.
La France et l’Union Européenne ne doivent pas se rendre complices, pour les seules raisons del’approvisionnement français en uranium, de l’enterrement de l’expérience démocratique que le Niger a représenté pour l’ensemble du continent africain, prouvant qu’une autre voie que celle de la dictature est possible.
Contact presse : Stéphanie Dubois de Prisque - Chargée de communication stephanie.duboisdeprisque(a)survie.org 01 44 61 03 25

vendredi 16 octobre 2009

Asile politique refusé à Agathe Habyarimana

La justice française doit toutefois la juger pour son implication dans le génocide
Communiqué du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) et de Survie, 16/10/2009
Alors que le Conseil d’Etat vient de confirmer le refus d’accorder l’asile politique à Agathe Habyarimana, ce qui fait d’elle une personne expulsable, nos associations demandent que celle-ci ne soit pas expulsée et soit jugée par la justice française pour son implication dans le génocide des Tutsi du Rwanda qui a fait près d’1 million de morts en 1994 (Voir le communiqué du Conseil d’Etat).
Comme on pouvait s’y attendre, après avoir mis sa décision en délibéré, le Conseil d’Etat vient, ce 16 octobre, de se ranger à l’avis du rapporteur public, qui recommandait de ne pas accorder l’asile politique à madame Agathe Kanziga, veuve du président extrémiste hutu Juvénal Habyarimana.
Cette décision semblait s’imposer au vu du réquisitoire de la Commission de Recours des Réfugiés qui justifiait son refus (en février dernier) en affirmant que madame Habyarimana aurait participé « en tant qu’instigatrice ou complice » au « crime de génocide » commis au Rwanda en 1994.
Cette même Commission des recours avait été saisie par l’ancienne première dame suite au refus, le 4 janvier 2007, par l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) d’accorder l’asile politique à celle qui joua, selon de nombreux observateurs, un rôle central dans la mise en place de la machine génocidaire au Rwanda. L’OFPRA estimait ainsi « qu’elle [Agathe Habyarimana] s’est trouvée au cœur du régime génocidaire » et « qu’elle ne peut valablement nier son adhésion aux thèses hutues les plus extrémistes, ses liens directs avec les responsables du génocide et son emprise réelle sur la vie politique du Rwanda ».
Une telle décision du Conseil d’Etat devrait normalement s’accompagner d’une expulsion du territoire français, mesure qui devrait dépendre du ministère de l’Intérieur. Extrader madame Kanziga vers le Rwanda ne semble toutefois pas possible dans la mesure où jusqu’à présent la justice française, à la suite du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR, chargé de juger les hauts responsables du génocide), a toujours refusé cette solution.
Selon nos associations, l’expulsion de madame Kanziga vers un pays d’accueil pourrait être envisagée, mais cette solution ne peut nous satisfaire car il est fort probable qu’une telle décision lui permettrait d’échapper à la justice, ce qui n’est pas concevable.
Reste une dernière solution : tolérer madame Kanziga sur le territoire français tout en exigeant qu’elle rende des comptes à la justice de notre pays : une information judiciaire a en effet été ouverte contre elle suite à la plainte déposée le 13 février 2007 par le Collectif de parties civiles pour le Rwanda (CPCR) pour « complicité de génocide » et « complicité de crime contre l’humanité ». C’est la solution que nous préconisons et nous demandons instamment aux autorités judicaires françaises de ne plus tarder à juger madame Kanziga, ainsi que tous les Rwandais qui sont soupçonnés d’avoir participé au génocide des Tutsi et qui vivent en toute impunité sur le territoire français.
Tous ceux qui attendent que justice soit rendue ne comprendraient pas que la justice française, par son inertie, protège des présumés génocidaires, fasse de la France un refuge pour ces derniers et se rende ainsi complice des génocidaires. Le président du TPIR, le juge Dennis Byron, a lui-même exhorté le 8 octobre dernier les juridictions nationales à jouer pleinement leur rôle afin d'éviter l'impunité des « génocidaires » après la fermeture de la juridiction.
Un préalable cependant s’impose pour une réelle efficacité de la justice : que les juges d’instruction chargés de ces dossiers soient dessaisis dans les plus brefs délais de toutes les autres affaires qui leur ont été confiées et qui les surchargent. Cette exigence est aussi celle des juges eux-mêmes.
Contacts :
CPCR : Alain GAUTHIER, président 06 76 56 97 61
collectifrwanda@aol.com http://www.collectifpartiescivilesrwanda.fr/
Survie : Olivier THIMONIER, secrétaire général 01 44 61 03 25
olivier.thimonier@survie.org http://survie.org/

mardi 6 octobre 2009

Guinée - 2006, 2007, 2009 : les massacres se succèdent, l’impunité demeure

Communiqué de Survie, 6/10/2009

L’association Survie condamne avec force le massacre du lundi 28 septembre à Conakry en Guinée et soutient sans réserve les mouvements de la société civile dans son combat pour la démocratie et la justice. Survie dénonce la grande tolérance de la diplomatie française à l’égard des exactions des régimes guinéens depuis plusieurs décennies.
Plus de 150 morts, plus de 1000 blessés, des dizaines de viols et d’arrestations : c’est le terrifiant bilan de la répression sanglante, opérée au grand jour par l’armée guinéenne, du meeting pacifique organisé à Conakry par des mouvements de la société civile guinéenne pour rappeler l’engagement du capitaine putschiste Moussa Dadis Camara de ne pas se présenter à l’élection présidentielle de janvier 2010. Ces victimes s’ajoutent à celles des mouvements sociaux réprimés en 2006 et en janvier 2007 avec la même sauvagerie par des soudards sans foi ni loi confortés par des décennies d’exercice d’un pouvoir militaire aux crimes restés impunis.
Préoccupée par le sort des populations guinéennes et par le risque que l’arbitraire triomphe une nouvelle fois des mobilisations réclamant un Etat de droit en Guinée, l’association Survie :
1/ se montre attentive quant au rôle joué par la France dans cette crise politique et dénonce la grande tolérance de notre diplomatie à l’égard des exactions des régimes guinéens depuis plusieurs décennies.
Après la rupture historique du lendemain du référendum de 1958, un rapprochement franco-guinéen opéré dans les années 1980 a conduit la France à soutenir militairement et diplomatiquement le régime de Lansana Conté. La visite symbolique de Jacques Chirac en 1999 à Conakry, peu après la mascarade électorale qui avait vu l’opposant Alpha Condé privé de sa victoire à la présidentielle, a ainsi constitué un des temps fort d’un certain « renouveau » de la relation franco-guinéenne. Depuis l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, la politique de la « Françafrique décomplexée », qui repose sur une défense inconditionnelle des positions économiques acquises (Gabon, Congo, Tchad …) ou à conquérir (Libye, RDCongo, Angola, Afrique du Sud ...) a placé la Guinée parmi les territoires de prospection pour les entreprises françaises. Ceci amène notre association à :
> douter sérieusement des « vraies fausses » pressions exercées par la France à l’égard de la junte guinéenne. Celles-ci sont en outre décrédibilisées par le fait qu’Alain Joyandet s’est rendu cet été à Conakry pour tenter de convaincre Dadis Camara de ne pas se présenter à la présidentielle, quelques jours à peine après avoir félicité le général Abdel Aziz qui venait de mettre en oeuvre en Mauritanie le même scénario que Dadis Camara ;
> dénoncer le rôle joué par des émissaires d’une diplomatie parallèle sans mandat officiel, à l’instar du député Patrick Balkany, partisan déclaré de la candidature de Dadis Camara à la présidentielle ;
> réclamer la fin (et non la simple suspension) de la coopération militaire française (2 millions d’euros par an, dont 9 coopérants encadrant les officiers de l’armée guinéenne, depuis 2007) ainsi que l’arrêt de toute vente d’armes françaises au régime ;
> demander aux parlementaires français de réclamer que la lumière soit faite sur la stratégie menée par la diplomatie française à l’égard du régime guinéen et sur les soutiens apportés à celui-ci (coopération militaire, économique, ventes d’armes, etc.), en particulier depuis les exactions de 2006 ;
2/ se fait le relais des revendications des mouvements de la société civile guinéenne, rassemblés en particulier au sein des Forces Vives de Guinée pour exiger :
> la fin de la répression à l’égard des opposants, caractérisée d’après les témoins directs par des centaines d’arrestations mais aussi par des disparitions et des exécutions extra judiciaires ;
> la libération des prisonniers faits par les militaires pendant et après la manifestation du 28 septembre ;
> l’ouverture d’une enquête internationale et d’une procédure judiciaire devant les tribunaux internationaux pour déterminer les responsabilités dans les massacres et poursuivre les coupables, auteurs et commanditaires ;
> la conduite par la communauté internationale d’un dialogue afin de déterminer l’opportunité de recourir à l’intervention d’une force internationale visant à protéger les populations des exactions des militaires et sécuriser les conditions d’un processus électoral libre et transparent ;
> le rejet du mandat de médiateur confié au président burkinabé Blaise Compaoré, lui-même impliqué dans un certain nombre de conflits sanglants ayant endeuillé la sous-région (Libéria, Côte d’Ivoire) et coutumier de la fraude électorale dans son propre pays. Les Guinéens proposent déjà des alternatives plus crédibles comme Alpha Omar Konaré ;
3/ exprime son inquiétude et sa vigilance concernant :
> la volonté réelle de la communauté internationale d’agir pour protéger le peuple guinéen, inquiétude confortée par l’impunité restée de mise après les tueries de 2006 et 2007 ;
> le rôle des multinationales (minières et autres) engagées en Guinée qui peuvent, comme dans d’autres crises dans la sous-région, être tentées de soutenir et financer telle ou telle partie susceptible de garantir le maintien de leur rentes.
> le rôle, constaté par des témoins des massacres du 28 septembre, joué par des mercenaires libériens au sein ou en marge de l’armée guinéenne, qui renvoient au souvenir de conflits sous-régionaux de funeste mémoire.
Enfin, préoccupée par le symbole que l’impunité en Guinée après de telles exactions pourrait véhiculer dans le reste de l’Afrique, dans un contexte de régression des mouvements de transition démocratique amorcés dans les années 90, l’association Survie appelle à un mouvement de solidarité et de dialogue avec toute les sociétés civiles confrontées à la perpétuation ou au retour de régimes autoritaires au Gabon, au Congo, au Togo, en Mauritanie et au Niger.
Contact presse : Stéphanie Dubois de Prisque stephanie.duboisdeprisque(a)survie.org Tel. : 01 44 61 03 25
Photos du Lundi Noir de Conakry




Déclaration N° 5 du Forum des Forces Vives de Guinée, 30/9/2009


Le 28 Septembre 2009 à Conakry, des centaines de milliers de nos compatriotes de toutes les communautés, de tous les âges et de toutes les conditions, manifestant pacifiquement dans un stade de foot ball clos contre la dictature militaire et pour le retour à une vie constitutionnelle normale, ont été piégés, brutalisés, humiliés, violentés, violés, poignardés et tués par des escadrons drogués de l'armée. Lors de ces manifestations historiques, nous avons assisté à des scènes d'une barbarie inouïe que rien, sinon la volonté du CNDD de terroriser et soumettre le peuple de Guinée ne justifiait. Des centaines de femmes et de jeunes filles ont été déshabillées, violées, les canons des fusils introduits dans leurs parties intimes, tout ceci publiquement et sous les yeux de la hiérarchie militaire.
Depuis le 23 Décembre 2008, le Forum des Forces Vives de Guinée a engagé toutes les démarches pacifiques possibles pour arriver à un consensus pour la conduite d'une transition apaisée. En face, nous n'avons rencontré que mépris, diktat, humiliations, insultes et dérision de la part de la junte du CNDD et de son chef. Les libertés fondamentales ont été graduellement confisquées, les médias mis aux ordres. Dans le même temps, contrairement à leurs premiers engagements publics nous avons assisté à une opération de légalisation du pouvoir militaire. Ceci avec une dilapidation sans précédent des fonds publics. Le Forum des Forces Vives a alors entrepris d'organiser un meeting d'information et de sensibilisation, montrant que le peuple n'acceptait pas l'usurpation du pouvoir par les militaires.

Ce meeting citoyen pouvait simplement éclairer l'opinion publique Guinéenne sur les enjeux des prochains scrutins. Malgré l'appel aux autorités pour sécuriser cette manifestation pacifique, le Forum des Forces Vives de Guinée n'a rencontré que dissuasion ou manœuvres diverses pour l'annuler. Au lieu de protéger les lieux sensibles le CNDD a infiltré des casseurs qui ont été responsables de tous les dégâts constatés, notamment ceux concernant les commissariats saccagés. Ceci dans l'objectif de discréditer l'ensemble des leaders politiques du Forum, dont les différents domiciles ont été mis à sac et pillés par les militaires.

Capitaine Moussa Dadis Camara chef de la junte, Général Sékouba Konaté Ministre de la défense, Commandant Moussa Keita Secrétaire permanent de la junte sont les responsables du massacre de nos compatriotes, au stade du 28 Septembre. Leurs hordes avides de sang, sous la conduite du Capitaine Diakité dit Toumba aide de camp de Moussa Dadis Camara, son adjoint Théodore Kourouma, neveu de Moussa Dadis Camara et bien d'autres, cagoulés ou non ont exécuté les basses œuvres en tuant et violant froidement. Ces viols collectifs et les humiliations insupportables perpétrées contre de centaines d'innocentes constituent des atteintes graves à la dignité humaine. Les auteurs et commanditaires de ces actes ignobles doivent tous répondre de leurs barbaries. Désormais les choses sont claires. Ils massacreront tout citoyen qui voudra exercer son droit d'avoir une opinion. Ils installeront et entretiendront sans état d'âme la guerre civile. Ils ont déjà mis en place une milice à caractère ethnique. Il faut donc arrêter leurs mains criminelles, avant qu'ils ne mettent le feu à notre cher pays.

Le dialogue interne est devenu impossible.

Devant la gravité exceptionnelle de la situation, le Forum des forces vives de Guinée:

1 – S'incline avec une infinie tristesse devant ces morts et exprime sa profonde douleur face à cette tragédie délibérée. Il exprime sa solidarité aux familles de toutes les victimes.
2 – Exige de la junte et de son gouvernement:
· la restitution immédiate des corps des victimes de leurs massacres, afin que les familles puissent enterrer dignement les leurs;
· le recensement exhaustif des disparus;
· la prise en charge médicale complète de tous les blessés;
· la libération immédiate et inconditionnelle des détenus; la libération et prise en charge immédiate des femmes violées et encore sequestrées.
· la réparation immédiates des domiciles saccagés, la restitution des biens dérobés.
3 – Lance un appel pressant à la CEDEAO, à l'Union Africaine et au Groupe International de Contact, pour organiser en urgence l'envoi en Guinée d'une force de paix chargée de protéger les populations guinéennes contre ses forces armées déchainées, que le président de la junte lui même dit ne pas pouvoir contrôler;
4 – Lance un appel aux citoyens et organisations spécialisés pour la préparation immédiate d'un dossier d'accusation afin de traduire les responsables et commanditaires identifiés des massacres de nos populations devant le Tribunal Pénal International, pour crimes contre l'humanité.
5 – Décide de réunir rapidement une concertation nationale pour installer un organe consensuel et efficace devant mener la transition vers des élections libres et transparentes, en raison de la désormais disqualification du CNDD et de son gouvernement en tant que force dirigeante responsable d'un état unitaire respectant les droits humains les plus élémentaires.
6 – Lance un appel à tous les Guinéens et Guinéennes, à l'intérieur comme à l'extérieur du pays, à rester mobilisés, à s'opposer à la dictature militaire.

Cinquante années de dictatures civile et militaire, ça suffit. Le peuple de Guinée ne l'acceptera plus.

Conakry le 30 Septembre 2009

Le Forum des Forces Vives de Guinée

dimanche 4 octobre 2009

Le dernier Dadis Show à Conakry : 157 morts

Cette photo, prise à Conakry le 28 septembre 2009, nous dit à peu près tout sur le rapport Nord-Sud. les 4 policiers qui arrêtent un manifestant sont vêtus de bric et de broc. L'un d'eux porte une salopette bleue défraîchie avec l'inscription POLIZEI, c'est-à-dire police en allemand. Sans doute un signe de la "générosité" de l'Europe riche, qui est prête à tout pour pouvoir continuer à s'approvisionner à vil prix en bauxite de Guinée. La Guinée de Sékou Touré avait reçu un don fraternel de brise-glaces de l'Union soviétique. La Guinée post-moderne ne reçoit que ce qu'elle mérite.

Même diversité d'accoutrements des "forces de l'ordre" dans cette autre scène du lundi 28 septembre.

Au moins 157 morts par balles, un millier de blessés, des femmes violées : Conakry, capitale de la Guinée a connu le 28 septembre un lundi noir. Plusieurs dizaines de milliers de manifestants s’étaient rassemblés dans le plus grand stade de Conakry pour dire leur opposition à l'éventuelle candidature du chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, à l’élection présidentielle prévue en janvier 2010. Le capitaine Moussa Dadis Camara a pris le pouvoir en janvier, suite à la mort du président-dictateur Lansana Conté. Depuis, Captain Dadis défraie la chronique avec ses prestations ubuesques.Je vous en présente quelques-unes, qui circulent dans toute l’Afrique sous le nom de « Dadis Show ». Elles se passent de commentaire.

Tout d’abord, une interview surréaliste de Captain Dadis par RFI suite au massacre de Conakry.



Best Off des Dadis Shows

« Je suis beaucoup gêné avec les civils »




Captain Dadis humilie l'ambassadeur de Russie



"Nous sommes des révolutionnaires progressistes": Monologue du Captain



Et le meilleur pour la fin !


Conakry, mercredi 10 juin 2009 : Captain Dadis interrompt au cours d’une rencontre publique l’ambassadeur d’Allemagne, Karl Prinz, qui avait eu le malheur de faire part des doutes de l’Union européenne sur la « démocratie » guinéenne, et lui fait la leçon, dans un mélange de français et d’allemand (qu’il a appris au cours de ses stages de parachutiste). Une scène d’anthologie.


Source : Ayman El Kayman, Coups de dent - Chronique satirique hebdomadaire sur l'actualité politique française et mondiale, 29/9/2009